La méthode du système: l’extrémisme perpétuel, la pression de force et la “destruction créatrice”

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On aurait tort de limiter l’extrémisme de la politique US à une circonstance, une influence, un groupe de pression, etc. L’extrémisme semble être devenu la marque systématique de toute la politique US, et il semble être parfaitement vécu et réalisé comme tel. Il est assorti de méthodes de la même tendance : les pressions de force pour tenter d’imposer la vision extrémiste, une notion générale qui se nourrit au concept de la “destruction créatrice”, etc.

Voici l’exemple des négociations commerciales, le Doha Round, qui se sont retrouvée dimanche sur la voie qui pourrait conduire à l’échec. La position maximaliste prise par les Américains sur la question des réductions tarifaires est pour beaucoup dans cette évolution (même si, par ailleurs et d’une façon générale, il semble bien improbable qu’on puisse parvenir en tout état de cause à un accord).

Les explications données par la représentante US aux négociations sont particulièrement intéressantes. Elles éclairent cette tendance au constant maximalisme, à l’extrémisme, à la surenchère de la part des Américains. La chose est exposée d’une façon précise et argumentée comme telle. Ainsi, la notion même de leadership, que les Américains sont évidemment persuadés de devoir tenir et d’être les seuls à pouvoir tenir, implique-t-elle cet extrémisme. Pour Susan C. Schwab, la notion qu’un leader puisse chercher une voie de compromis, une voie moyenne, est totalement perverse, complètement absurde.

(Susan C. Schwab, qui vient d’être nommée au poste de U.S. Trade Representative, est loin d’être une idéologue, une personnalité politique adepte d’une thèse néo-conservatrice ou autre. Il s’agit d’une bureaucrate, une technicienne des questions de négociation commerciale. Elle trouve pourtant les sens et les mots pour exprimer la nécessité de l’extrémisme américaniste. Qu’on puisse trouver cela au sein de la bureaucratie, d’habitude plutôt attirée par la modération et le compromis, est particulièrement frappant. Dans ce cas, la bureaucrate devient nécessairement une idéologue américaniste. La recherche du compromis propre à la bureaucratie est réservée à la politique interne, à la bataille constante entre les divers centres de pouvoir du système de l’américanisme.)

On trouve l’illustration de ces divers constats dans un article du Washington Post aujourd’hui. L’article décrit la colère des pays en développement, qui s’est brusquement concentrée contre les États-Unis à la suite de la position prise par les USA :

« And Kamal Nath, India's commerce and industry minister, voiced incredulity that he was being asked for bigger percentage cuts in his country's tariffs than rich countries were willing to make in their own. “If they will cut 70 [percent], I will cut 60; if they cut 60, I cut 50,” he said. “But they say, ‘We'll cut 20, and you cut 70’ — well, that's not what this round is about.”

» Those countries' chief antagonist was the United States, which was represented by Susan C. Schwab, recently appointed U.S. trade representative. Schwab repeatedly maintained that the Doha round, named for the Qatari capital where the WTO started it, must achieve an “ambitious outcome.” That would mean tariff cuts that are deep enough, and with few enough exceptions for special products, to generate significant new trade around the world, including in big developing markets such as India, Brazil, Indonesia and South Africa.

» She did not dispute that the United States had emerged as the outlier in the talks, in opposition to most of the WTO membership. “Isn't that what leadership is about?” she said in an interview. She said she was “dismayed with the number of countries that just seem willing to settle for some least-common-denominator solution.” »

Finalement, les risques d’effondrement du processus de Doha sont réels. Mais les Américains, — l’intervieweur dans ce cas autant que Schwab, — voient cela presque comme une bonne chose, estimant qu’une surenchère viendrait après cet effondrement pour affirmer un but plus ambitieux encore dans le prochain round. La situation conduirait alors à des pressions américaines plus fortes encore, à la surenchère et au chantage pour parvenir à un résultat toujours plus extrémiste : « The last time globalization stumbled badly, at a rancorous WTO meeting in Cancun, Mexico, in 2003, the member nations put the Doha round back on track the following year in part because of their concern for preserving the multilateral system. Could something like that happen again? “There is something to be said for everyone staring over the precipice,” Schwab said. »


Mis en ligne le 4 juillet 2006 à 17H45