Le dernier truc à la mode: menacer de quitter le JSF

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Le dernier truc à la mode: menacer de quitter le JSF


21 mars 2006 — Les Britanniques et les Norvégiens ont lancé la mode. L’Australie est le troisième pays dont on peut estuimer qu'il menacer implicitement de quitter le JSF (de ne pas commander l'avion) si certaines exigences ne sont pas rencontrées. Nous aurions tendance à penser que cette position australienne est en bonne part liée à celle des Britanniques, qu’on a beaucoup entendus et peut-être écoutés, à Washington, la semaine dernière. Les Australiens, qui s’estiment avec pas mal d’arguments comme des alliés de Washington au moins aussi fidèles que les Britanniques, commencent à estimer également qu’ils doivent recevoir au moins autant que ce qu’exigent les Britanniques.

Les conditions que devraient poser les Australiens devraient être de deux ordres, correspondant aux incertitudes du programme du point de vue international:

• Des garanties sur le transfert de technologies sensibles. Sur ce point, qui est le plus sensible de la position et des revendications australiennes, les Australiens s’alignent in fine sur les Britanniques. C’est là le point de revendication le plus précis à émerger des auditions de la semaine dernière à Washington (dont les Australiens furent aussi les acteurs) et des commentaires officiels qui les ont accompagnés. Le Sydney Morning Herald rapporte ceci, le 16 mars : « The head of the Defence Force staff at the Australian embassy in Washington, Rear Admiral Raydon Gates, told the [US Senate’s] Committee that Australia would insist on transfers of specific data and technology. After his appearance, Admiral Gates said: “Guaranteed access to necessary JSF data and technology to allow Australia to operate and support the JSF will be required before we join the next phase of the project.” Admiral Gates told ABC radio yesterday that US laws had to be changed to allow the sharing of the sensitive technology Australian needed to operate and service the fighters. »

• Des garanties sur le coût de l’avion avant toute commande. Actuellement, les perspectives de coût ne semblent pas satisfaire les Australiens. Le même Sydney Morning Herald (très en pointe dans la bataille du JSF en Australie) indique que le gouvernement n’entend pas s’engager dans le programme, s’il s’y engage, avant 2008. (Les Américains demandent un engagement de commande pour fin 2006.)

• ...Cette exigence australienne rencontre un durcissement de la part des Américains, qui annoncent que tout retard (au-delà de 2006) dans l’engagement de commande sera sanctionné par une majoration du prix. Même si la chose n’est pas présentée comme telle, le Sidney Morning Herald désigne cela comme un ultimatum lancé à l’Australie : « Australia has been delivered an ultimatum to sign up for the troubled Joint Strike Fighter project or face financial penalties [...] Jane's defence newsletter quoted Lockheed Martin's senior executive on the project, Tom Burbage, as saying the US wanted a commitment to the fighter by the end of the year in a memorandum of understanding that would last through “the life of the program”. If a customer then declined to go ahead “there will be a penalty associated with the disruption of production planning”, Mr Burbage said.

» Australia had wanted to defer its final decision on the fighter — the world's costliest ever military project and one critical to Australia's future air combat dominance in the region — until 2008. Australia has budgeted to buy as many as 100 of the jets for $15 billion. The Minister for Defence, Brendan Nelson, did not comment directly on the threat of financial penalties in the proposed memorandum of understanding but said Australia would not sign an unsatisfactory deal. “We are committed to negotiations but we would not sign up to an agreement unless we are satisfied we have all the information we need and it was in Australia's interests,” his spokesman said.

» The Jane's newsletter said Mr Burbage had told it that different countries would get different versions of the fighter. ».

• Pour compléter ce qui précède, il faut noter que de sérieuses réserves apparaissent, en Australie même, sur les capacités opérationnelles du JSF par rapport aux besoins de l’Australie. On a déjà vu à cet égard la question de la technologie furtive. Apparaît aujourd’hui la question des capacités opérationnelles en général, notamment l’autonomie (facteur très important pour les Australiens) et les capacités de combat. La critique est exprimée de cette façon : « [“It's] a good aircraft but not the right one for our region,” says Dennis Jensen, a former analyst with the Defence Science and Technology Organisation and a now a Coalition MP. “Our geography means we need a long-range capability and [the F-35] doesn't give it to us.” Primary among Jensen's concerns are that the plane won't match the Russian-built Sukhoi family of aircraft, being bought by air forces around the region. The relatively short range of the F-35 means it will need to be refuelled, leaving it vulnerable to anti-aircraft missiles and tying up resources, including more fighter jets to escort the refuellers and the early-warning aircraft that must accompany any mission. »

Avec le cas australien, le programme JSF devient donc une bataille globale et, assez ironiquement, une bataille qui déchire l’“anglosphère”. On peut avoir le point de vue de l’optimiste en avançant que tout cela rend compte de manœuvres générales avant les signatures de contrats (demandés pour la fin 2006 par Washington et Lockheed Martin). Le point de vue du réaliste est plutôt celui-ci : la pression monte partout, avec une surenchère naturelle de la part des pays coopérants et des exigences de plus en plus difficiles à rencontrer du côté US — si seulement il est question de les rencontrer. Un exemple : si les Américains cédaient par extraordinaire aux exigences britanniques sur le transfert de technologies sensibles, comment pourraient-ils éviter de le faire pour les Australiens? Bientôt, les Israéliens, les Hollandais, pourquoi pas les Danois (eux qui ont courageusement publié des caricatures) demanderont la même chose.

Autrement dit : l’affaire pourrait très vite devenir incontrôlable avec des menaces réelles d’explosion du programme JSF. On peut admettre que le durcissement américain, avec Lockheed Martin menaçant de rien de moins que de majorer le prix des JSF si les commandes ne sont pas passées avant la fin 2006, correspond également à la crainte de la perte de contrôle du programme.

Pourquoi les Américains vont-ils boucler l’affaire des commandes des coopérants pour fin 2006? Pour des questions d’organisation et de planification de la production. L’argument est sérieusement discuté, d’autant que les délais pour la production apparaissent de plus en plus flottants. L’année 2014 est de plus en plus mentionnée pour les premières entrées en service, au lieu de 2011-2012.

Cette insistance américaine devient également l’occasion de nouveaux soupçons. Le SMH australien s’en fait l’écho également : « In the meantime, expect more bad news out of Washington on the F-35 and pressure from the US for Australia to fully commit to the program. The Bush Administration is under pressure to cut the production run on the F-35 to ease its budget deficit. That would push up the price of the F-35 for Australia.

» The feeling in the US is that the White House will wait until after this year's congressional elections to make the announcement. »