Retour au “plan B”

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Retour au “plan B”


21 octobre 2005 — L’intervention, le 19 octobre devant la Chambre des députés, du Premier ministre belge (libéral flamand) Guy Verhofstadt, constitue un rappel, ou un retour au premier plan de l’actualité, de la formule européenne que nous avions nous-mêmes désignée comme un vrai “plan B”. C’était alors l’expression en vogue d’une formule européenne alternative devant le naufrage du référendum français du 29 mai condamnant la marche vers l’intégration des 25.

D’abord, voici un compte-rendu interne de l’intervention de Verhofstadt :

« Le Premier ministre belge Guy Verhofstadt a appelé mercredi la tenue en 2006 d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'eurozone pour discuter de l'avenir de l'Europe, et la faire “redémarrer dans sa stratégie sociale”. “J'ai la volonté d'appeler la tenue en 2006 d'un sommet des chefs d'Etat des pays de l'eurozone pour voir comment approfondir l'Union européenne. [...] Ce sommet servirait à faire redémarrer l'Union européenne dans sa stratégie sociale”, a confié mercredi le chef du gouvernement lors d'un débat à la Chambre sur l'UE. Pour le Premier ministre, la seule réponse à la “grave crise de confiance” que traverse actuellement l'Europe, c'est de “poser les choix qui n'ont pas été faits ces 15 dernières années”, à savoir poursuivre l'intégration européenne, notamment en matière de politique étrangère et de défense, de sécurité et de justice, mais aussi en matière socio-économique. “Dans l'idéal, cela devrait se faire avec les vingt-cinq Etats membres, mais si ce n'est pas possible, nous devons le faire avec ceux qui veulent aller de l'avant”. »

Deux points sont importants dans cette intervention :

• La proposition de la poursuite de l’intégration européenne au moins dans deux domaines en matière de sécurité (essentiellement défense) et la matière socio-économique qui implique la protection du soi-disant “modèle européen”.

• L’appel à un travail européen sur un “noyau dur” (« Dans l'idéal, cela devrait se faire avec les vingt-cinq Etats membres, mais si ce n'est pas possible, nous devons le faire avec ceux qui veulent aller de l'avant »). Nous aurions tendance à commenter que la restriction (“si ce n’est pas possible à 25”…) est de pure forme : tout le monde sait, Verhofstadt le premier, que rien de sérieux n’est possible à 25 et qu’il faut songer à un “noyau dur” réduit à cinq, six ou sept.

Cette intervention fait partie d’un dispositif plus ou moins “spontané” qui se met en place du côté belge pour relancer une dynamique européenne resserrée à quelques pays. Dans l’histoire très récente, les Belges ont été actifs (avec les Français et les Allemands) en 2002-2003, dans une position pro-européenne mais surtout anti-américaine marquée qui leur est très inhabituelle. (Les Belges n’aiment pas prendre cette sorte de risque.) A suivi une période de repli, suscitée notamment par de fortes pressions US, selon l’habituelle politique de l’administration GW de “punir” les alliés les plus faibles qui ne montrent pas un alignement impeccable. Les Belges en reviennent ici à leur position favorite: “honest brockers” en matière européenne, — et, en apparence, dans cette seule matière vertueuse de l’Europe (pas de soupçon d’anti-américanisme, s’il vous plaît). Leur but est de tenter une relance de l’idée du “noyau dur”, ce que nous avions appelé “le plan B” après le 29 mai.

(L’intervention de Verhofstadt avait été précédée, samedi dernier, par le passage à la tête du parti socialiste flamand de l’ancien vice-Premier ministre Van Delanotte. Le nouveau président socialiste flamand entend relancer son parti dans les affaires internationales en prônant également une Europe indépendante avec modèle social ad hoc, repliée sur le “noyau dur” s’il le faut. C’est un deuxième signal “officiel” de l’intérêt belge pour une relance européenne. Un point à signaler est que les deux signaux mentionnés ici viennent de la partie flamande du pays alors que l’initiative belge a nécessairement une orientation d’abord vers la France, qui serait nécessairement le pilier d’une telle initiative. Cela implique une position belge très proche de l’unanimité, les francophones du pays étant en général acquis à toute initiative européenne qui implique la France.)

Le morceau de choix, pour le sérieux de la chose, c’est la proposition d’une Europe indépendante en matière de sécurité. C’est là qu’on se comptera et qu’on comptera. (Le “modèle social européen” c’est bien mais c’est vague, et cela ne fait pas une Europe, même réduite. Si vous n’avez pas d’autonomie européenne vis-à-vis des USA, — et l’on parle d’autonomie au niveau de la sécurité et de la défense, — vous pouvez dire adieu à votre modèle social. L’équation est simple.)

L’idée qui court à Bruxelles, c’est d’abord une “Europe de la défense” plus intégrée que l’actuelle et, surtout, déclarant son indépendance de manière formelle. Le schéma recherché pour les participants, puisqu’il faut un point de départ, serait inspiré de celui des participants à l’Eurocorps : Allemagne, Belgique, France, Luxembourg, Espagne. Des contacts informels sont en cours d’établissement entre Belges et Français. Il y aurait eu aussi des “signaux” d’intérêt venus de l’Allemagne. (En Allemagne, il faudra un certain temps pour décanter la situation: mais l’on sait que, même du côté de la CDU/CSU, on n’est pas hostile à l’idée. Pour le SPD, l’idée devrait aller de soi.).

Pour l’instant, il s’agit de contacts au niveau des experts, par exemple pour l’organisation de séminaires significatifs qui permettraient de renforcer et de détailler l’initiative. Mais les autorités concernées suivent la chose, et l’on irait même jusqu’à écrire qu’elles pourraient très bien apparaître comme parrainant la chose officieusement si les circonstances sont favorables.

Un point intéressant est de voir quelle attitude prendraient les institutions européennes à l’égard d’une telle initiative. Une source à la Commission observe : « A première vue, on doit penser que la Commission n’est pas favorable à une initiative qui ne concerne pas les 25 pays. C’est un réflexe quasiment ontologique. Cela dit, vu les circonstances, avec le processus européen si mal en point, et d’autre part si l’affaire est menée avec habileté, il n’est pas dit qu’il n’y ait pas quelque intérêt qui puisse se manifester de façon concrète… »