Les attentats de Londres, le ‘Blitz’ et la France archaïque contre Blair le chevalier moderniste

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Les attentats de Londres, le ‘Blitz’ et la France archaïque contre Blair le chevalier moderniste

17 juillet 2005 — Nous présentons un ensemble de textes et de réflexions qui permettent d’entretenir une certaine clarté sur plusieurs sujets :

• Les commentateurs éclairés du monde occidental après les attentats de Londres.

• Les réalités de la guerre contre le terrorisme par rapport au virtualisme de l’imagerie type-Deuxième Guerre mondiale.

• La réalité de la querelle comparative entre l’archaïque France et le triomphant Blair dans ce secteur jugé essentiel pour le sort de la civilisation qu’on nomme la guerre contre le terrorisme.

Bonne lecture…


Vous avez dit: “Blitz”?

Certes, il y a l’horreur des attentats. Gloser là-dessus, en se déchaînant contre la barbarie, est une attitude classique. Cela permet de mesurer l’inculture et de grossièreté de la pensée marquant le commentaire de ce qu’on pourrait nommer “la presse officielle” (presse aveuglément pro-gouvernementale dans nos pays).

Les attentats de Londres en furent l’occasion. Le symbole y invitait, d’une façon presque magnétique. Bien des textes, bien des auteurs installèrent leur pensée sur le souvenir de 1939-45. Prenons-en un au hasard: le Chicago Sun Times du 12 juillet, avec ce titre: “Can today's Brits resist the ‘Blitz’ of terrorism?” (1). L’auteur, J. O’Sullivan, développe la parallèle entre l’attitude héroïque des Britanniques durant le Blitz et cette même attitude, également héroïque, durant les attentats.


« The London bombings took place the week that Britain celebrated the 60th anniversary of the end of the Second World War in a series of nostalgic public events prompted in many minds a slightly unsettling question: Would the current generation of Brits resist as bravely and as successfully as their forefathers of the Blitz?

» Within a few hours of the bombs exploding last Thursday, it was clear that Londoners would show the same spirit of resistance. [...] If stoical endurance is the test, then Londoners today pass it. But endurance alone wins no wars. What wartime Britain also had was determination to defeat the enemy. That determination lent a firmness and even ruthlessness to the British war effort. In the end Berlin and Hamburg suffered worse destruction from the skies than London. »


Ces comparaisons sont aujourd’hui légion. Elles sont accompagnées d’erreurs montrant que leurs auteurs sont bien peu qualifiées en matière d’analyse historique (« For 41/2 years London was pounded », écrit O’Sullivan, liant le Blitz d’août-octobre 1940 et les attaques de V1 et de V2 en octobre 1944-janvier 1945. Il ignore qu’entre les deux périodes, il n’y eut pas d’attaque allemande sur Londres.) Ce qui est insupportable, c’est le parallèle fait entre les attentats et la Deuxième Guerre mondiale, dans une intention politique évidente, appuyée sur la seule émotion de l’instant. Les deux événements n’ont aucune commune mesure.

On ne peut comparer les puissances respectives, les destructions respectives, les enjeux respectifs. La guerre conventionnelle (la Deuxième Guerre mondiale) suppose une rupture totale avec un ennemi parfaitement identifié. On va même jusqu’à suivre la stratégie de la capitulation sans conditions, qui traduit cette rupture au plan militaire. La guerre contre le terrorisme suppose de ne jamais perdre le contact intrusif avec l’ennemi, à aucun prix.

La guerre d’Algérie est l’archétype de la guerre contre le terrorisme (terrorisme urbain, guérilla, etc). Elle fut militairement gagnée par la France (en 1960) et c’est la seule volonté politique de De Gaulle, pour des motifs de politique générale tout à fait acceptables, qui aboutit à l’indépendance de l’Algérie. Pendant cette guerre, jamais la France ne perdit le contact intrusif avec l’ennemi. Elle l’infiltra constamment, opposant des fractions rivales entre elles. La principale force combattante française était faite des 150.000 harkis (rebelles du FLN ralliés à la France). Les infiltrations des services secrets français culminèrent avec l’ ‘affaire Si Salah’ et l’opération d’intoxication nommée ‘bleuite’ : la volonté de ralliement à la France d’un des cinq grands chefs de régions militaires du FLN (le Front National de la Révolution, principal parti rebelle) avec toutes ses troupes, suivie de la plus formidable purge interne (‘la bleuite’) que connut le FLN, orchestrée par les services français. Pendant la guerre d’Algérie, il y a eu plus de morts arabes dus à l’action du FLN, — massacres de civils, purges internes, lutte contre le parti nationaliste algérien concurrent MNA, — que dus à l’action de l’armée française. Si l’on parle beaucoup des tortures de l’armée française, on en dit bien peu des centres de torture organisés du FLN pendant la guerre, contre les cadres FLN ‘purgés’. (2)

Les attentats de Londres sont simplement le résultat d’une politique inepte du gouvernement Blair, qui lutte contre le terrorisme en inventant une nouvelle Deuxième Guerre mondiale. Le spécialiste du Moyen-Orient Daniel Pipes, un des neocons les plus extrémistes, peu suspect de sympathie pro-françaises, écrit le 15 Juillet: « Thanks to the war in Iraq, much of the world sees the British government as resolute and tough, the French as appeasing and weak. But in another war, the one against terrorism and radical Islam, the reverse is true: France is the most stalwart nation in the West, while Britain is the most hapless. »

(1) Nous avons déjà parlé de ce texte dans ’Bloc-Notes’.

(2) NDLR : voir notamment, au Seuil (avril 2004), le livre de Rémy Madoui J’ai été fellagha, officier français et déserteur — Du FLN à l’OAS, avec le chapitre 5 sur «  Coups d’État et guerre civile au sein du FLN » et le chapitre 7, « Torture », sur le mois passé par Médoui dans un camp de torture du FLN en 1960, après cinq années de lutte au sein de la Willaya IV comme cadre dirigeant le renseignement.

[N.B.: ce texte est l’original français de l’éditorial à paraître dans Context (en anglais) n°86, juillet 2005, les notes étant rajoutées.]


La parole à Daniel Pipes, qui vous parle du “modèle anglais” versus le “French non-model” en matière de lutte antiterrorisme

Puisque nous citons Daniel Pipes dans le texte ci-dessus, quelques mots plus précis sur le personnage, qui tient le rôle de “spécialiste du Moyen-Orient” (et du terrorisme qui va avec). Daniel Pipes est le fils de Richard Pipes, universitaire, spécialiste de l’URSS et idéologue “dur” de l’administration Reagan, après avoir mené en 1976-77 le fameux Team B qui contesta les analyses de la CIA sur la puissance de l’URSS et lança la seconde Guerre froide. Daniel a suivi les traces de son père comme analyste, mais en se tournant vers le Moyen-Orient. On trouve un portrait très complet du personnage dans une analyse de Jim Lobe, dont on peut retenir cet extrait pour le définir :

« Like many of his fellow-neo-conservatives, Pipes has also been an outspoken supporter of positions taken by the governing Likud Party in Israel, to the extent even of opposing the U.S.-backed ‘road map’ designed to lead to an independent Palestinian state. To encourage “moderation” among Palestinians, he has written, “the Palestinians need to be defeated even more than Israel needs to defeat them.” »


On comprend ce que nous voulons dire lorsque nous écrivons que Pipes n’est pas vraiment un ami de la France. Son éloge radical de l’action antiterroriste de la France, par contraste avec la faiblesse et la stupidité de l’action des Britanniques, vaut d’autant plus. (Cet éloge est paru dans un texte du Chicago Sun Times, reproduit ci-dessous.) Cela alimente comme il faut la querelle bien franco-française (et européenne par intermittence) entre ‘modèle anglais’ et ‘modèle français’.


France tops Britain in fighting terrorists


By Daniel Pipes, Chicago Sun Times, July 15, 2005

Thanks to the war in Iraq, much of the world sees the British government as resolute and tough, the French as appeasing and weak. But in another war, the one against terrorism and radical Islam, the reverse is true: France is the most stalwart nation in the West, while Britain is the most hapless. Consider:

U.K.-based terrorists have carried out operations in Pakistan, Afghanistan, Kenya, Tanzania, Saudi Arabia, Iraq, Israel, Morocco, Russia, Spain and the United States. Many governments -- Jordanian, Egyptian, Moroccan, Spanish, French, and American -- have protested London's refusal to shut down its Islamist terrorist infrastructure or extradite wanted operatives. In frustration, Egyptian President Hosni Mubarak denounced Britain for ''protecting killers.'' One American security group has called for Britain to be listed as a terrorism-sponsoring state.

Counterterrorism specialists disdain the British. Roger Cressey calls London ''easily the most important jihadist hub in Western Europe.'' Steven Simon dismisses the British capital as ''the Star Wars bar scene'' of Islamic radicals. More brutally, an intelligence official said of last week's attacks: ''The terrorists have come home. It is payback time for... an irresponsible policy.''

While London hosts terrorists, Paris hosts a top-secret counterterrorism center, code-named Alliance Base, whose existence was just revealed by the Washington Post, where since 2002 six major Western governments share intelligence and run counterterrorism operations.

More broadly, President Jacques Chirac instructed French intelligence agencies just days after 9/11 to share terrorism data with their U.S. counterparts ''as if they were your own service.'' Former acting CIA Director John E. McLaughlin calls this bilateral intelligence tie ''one of the best in the world.'' The British may have a ''special relationship'' with Washington in Iraq, but the French have one in the war on terror.

France accords terrorist suspects fewer rights than any other Western state, permitting interrogation without a lawyer, lengthy pretrial incarcerations and evidence acquired under dubious circumstances.

The myriad French-British differences regarding radical Islam can be summarized by the example of what Muslim girls may wear to state-funded schools. Denbigh High School in Luton, 30 miles from London, has a student population about 80 percent Muslim. Years ago, it accommodated the sartorial needs of their faith and heritage, including a female student uniform made up of Pakistani shalwar kameez trousers, a jerkin top and hijab head covering. When Shabina Begum, a teen of Bangladeshi origins, insisted in 2004 on wearing a jilbab, which covers the entire body except for the face and hands, administrators said no.

Their dispute ended up in litigation and the Court of Appeal ultimately decided in Begum's favor. As a result, by law U.K. schools must now accept the jilbab. Not only that, but Cherie Booth, wife of British Prime Minister Tony Blair, was Begum's lawyer at the appellate level. Booth called the court's judgment ''a victory for all Muslims who wish to preserve their identity and values despite prejudice and bigotry.''

In contrast, also in 2004, the French government outlawed the hijab, the Muslim head scarf, from public educational institutions, disregarding ferocious opposition in France and among Islamists worldwide. In Tehran, protesters shouted ''Death to France!'' and ''Death to Chirac the Zionist!'' The Palestinian Authority mufti, Ikrima Sa'id Sabri, declared that ''French laws banning the hijab constitute a war against Islam as a religion.'' When the ''Islamic Army in Iraq'' kidnapped two French journalists, it threatened their execution unless the hijab ban was revoked. Paris stood firm.

What lies behind these contrary responses? The British have seemingly lost interest in their heritage while the French hold on to theirs; even as the British ban fox hunting, the French ban hijabs. The former embraced multiculturalism, the latter retain a pride in their historic culture. This contrast in matters of identity makes Britain the Western country most vulnerable to the ravages of radical Islam, whereas France, for all its political failings, has retained a sense of self that may yet see it through.

Daniel Pipes is director of the Middle East Forum.


[Notre recommandation est que ce texte doit être lu avec la mention classique à l'esprit, — “Disclaimer: In accordance with 17 U.S.C. 107, this material is distributed without profit or payment to those who have expressed a prior interest in receiving this information for non-profit research and educational purposes only.”.]


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