Les élites ne broutent qu’une fois

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Aujourd’hui, le savoir-faire de nos intelligentsias héroïques broute les images comme les vaches l’herbe. L’infériorité qu’elle a sur les bovidés et qu’elle ne pratique pas la technique de la rumination, lui préférant le rabachage. Nietzsche disait pourtant que le véritable art de lire est d’imiter les vaches, de lire et relire, et relire encore, comme la vache rumine.

La comparaison entre la Deuxième Guerre mondiale et la guerre contre le terrorisme est une de ces insultes communément proférées à l’encontre de l’intelligence. Ceux qui transmettent cette parole sont des roquets privilégiés mais insignifiants, ou parce qu’insignifiants, fonctionnant au trait le plus grossier, salivant devant quelques mots-clé selon les consignes de Pavlov. Les attentats de Londres ont été une occasion de plus de cette sorte d’exercice.

Il est difficile de repousser l’emploi de qualificatifs extrêmes, dont les plus aimables sont “stupide” et “insensé”, pour des textes comme celui-ci (dans Chicago Sun Times du 12 juillet), dont le titre est : « Can today's Brits resist the ‘Blitz’ of terrorism? » ; et son contenu d’en remettre là-dessus:

« The London bombings took place the week that Britain celebrated the 60th anniversary of the end of the Second World War in a series of nostalgic public events prompted in many minds a slightly unsettling question: Would the current generation of Brits resist as bravely and as successfully as their forefathers of the Blitz?

» We forget just how long Hitler's bombing of London lasted. It started in July 1940 with the Battle of Britain. It ended in early 1945 when the launch sites of the V1 and V2 rockets — Hitler's ''secret weapons'' he thought would turn the tide of war — were captured by the advancing allied armies. For 41/2 years London was pounded. Though there were fluctuations in the public mood in line with the fortunes of war, Londoners never wavered in their determination to win the war.

» Within a few hours of the bombs exploding last Thursday, it was clear that Londoners would show the same spirit of resistance. Survivors of the attack made light of their injuries and told doctors to help those worse hit. Rescuers displayed their usual exemplary courage in descending into the hell of the collapsed subway. The emergency services responded with promptness, skill and intelligent improvisation.

(…)

» If stoical endurance is the test, then Londoners today pass it. But endurance alone wins no wars. What wartime Britain also had was determination to defeat the enemy. That determination lent a firmness and even ruthlessness to the British war effort. In the end Berlin and Hamburg suffered worse destruction from the skies than London. »


Cette prose est de celle qui donne la nausée. Elle est une insulte au courage bien réel des Londoniens de la Bataille d’Angleterre, en août-octobre 1940. Affirmer « For 41/2 years London was pounded » ajoute évidemment l’inculture au reste, puisqu’à partir de la fin du Blitz, et malgré l’épisode des V1 et V2 de 1944-45, la maîtrise du ciel au-dessus de l’Angleterre resta évidemment aux Britanniques, interdisant tout bombardement sérieux aux Allemands qui avaient abandonné cette stratégie. Cette démarche contemporaine de l’amalgame, arme favorite du virtualisme par l’image sommaire, pour tenter de donner un peu de gloire et d’héroïsme à une guerre qui n’en est pas une, et qui est par conséquent exempte de gloire et d’héroïsme, est un des aspects les plus vils du travail virtualiste du système.


Mis en ligne le 15 juillet 2005 à 15H20