Ah oui, ils ont un “plan B” : prier pour un “petit non”, faire comme si rien ne s’était passé et recommencer…

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Ah oui, ils ont un “plan B” : prier pour un “petit non”, faire comme si rien ne s’était passé et recommencer…


22 mai 2005 — Le Daily Telegraph d’aujourd’hui annonce que Bruxelles a un “plan B”, finalement. Le plan est si compliqué ou si inconsistant, c’est selon, qu’on reconnaît bien la pâte de la bureaucratie des 25 et de la Commission européenne, aussi bien que l’esprit de la Constitution elle-même, — même si la paternité en est donnée aux Luxembourgeois, actuels présidents de l’UE.

Voici en quoi consiste le “plan B” : attendre, prier et espérer que ce soit un “petit non”, c’est-à-dire un “non” par une petite marge (disons : en-dessous de 53%? Ou bien en-dessous de 52%? On verra…); annoncer que le processus de ratification continue (grand communiqué solennel signé par les 25), prier (bis) pour que tous les autres votent “oui” (clin d’œil aux Hollandais), reposer la question à la France après la ratification unanime des autres, dans un an et demi, avec consigne de voter “oui” à une confortable majorité.

Si c’est un “grand non” (disons au-dessus de 53%? Ou bien au-dessus de 52%? On verra…), le problème est tout différent : le traité est bel et bien mort et là, pas de “plan B”. (A moins que certains en aient un dans leurs tiroirs?)

Voilà leur “plan B”… (Avec cette question drôle, que nous répétons, disons pour les archives: qu’est-ce que c’est qu’un “petit non” et qu’est-ce que c’est qu’un “grand non”? Si les Français votent à 51,996% pour le “non”? à 52,002%? A 52,889%? Et ainsi de suite…)

D’une façon générale, cet étrange article du Daily Express se termine par diverses remarques ambiguës qui montrent que, finalement, le “plan B” c’est aussi n’importe quoi et le contraire de tout, — et surtout, surtout, ce que décideront les Français, voire Chirac.


« All eyes on Sunday will be on Jacques Chirac, the French President, to assess his immediate reaction to the result. If he declares the treaty doomed there is no chance of any effective rescue bid, given France's status as a founder member of the EU.

(...)

» A senior Downing Street official said: “A No vote would put the ball squarely back in the court of the French. The first question would be: what are they going to do about it? We would look at it as a French responsibility. But the idea that all the member states would immediately declare the treaty dead on May 30 is wrong. Protocol alone requires careful discussion while the Dutch vote.” »


On retrouve dans ce cadre le désarroi complet des élites européennes qui conduit à n’envisager comme substitut à une telle défaite de l’actuelle orientation européenne et des directions européennes que serait un “non” français, après une campagne électorale d’une telle intensité, que la continuation du processus en attendant que cela aille mieux. C’est ignorer complètement les conditions psychologiques prévalant dans le climat politique général, en France et en Europe. Autrement dit, c’est la confirmation sans surprise de l’impuissance de ces directions européennes.

Dans les faits mêmes, ce serait surtout la prise d’un risque extraordinaire de troubles politiques et sociaux, en France certes (avec une campagne présidentielle fin 2006-début 2007), et ailleurs peut-être. Quant à l’idée très hypothétique et assez improbable d’un deuxième référendum en France, il serait sans doute plus passionnant que celui-ci, avec les potentialités d’une opposition renouvelée qui existent. Quelques détails d’un autre article du Telegraph d’aujourd’hui également (sur le climat en Corèze, pays d’élection de Chirac) nous en donnent une précieuse indication, — avec le paragraphe introductif de l’article pour indiquer les pensées à peine secrètes du journal (le Telegraph est violemment “eurosceptique”).


« La Correze, a lush region deep in rural France, has a proud tradition of saying No. The area refused to capitulate to the Nazis in the Second World War, its Communist resistance fighters earning it the nickname of Little Russia from the SS.

(...)

» In recent weeks, the enemies have set aside rivalry in an attempt to push through the Yes vote. Yet while officially Chirac loyalists back their leader, it seems that many local Corrèziens intend not to toe the line. “They all say Yes in public, but off the record many have admitted that they will vote No on polling day,” says Serge Boyer, a reporter for a regional newspaper, La Montagne.

» The UMP mayor of Beynac, Pascal Coste, said: “I will vote Yes with a heavy heart. Yes, because we need a road map for an enlarged Europe, and a third way between unworkable Socialism and unbridled liberalism. But I've told the Chiracs that a Yes is not a blank cheque.

» “We were already duped with the Maastricht and the Nice treaties. We won't stand for it a third time.” »


Quelle conclusion sinon celle d’avancer que le référendum de dimanche prochain, — avec un “oui” ou un “non” d’ailleurs, vu le climat, — n’est sans doute que le début d’une formidable campagne d’affrontement en Europe, moins les pays les uns contre les autres que les dirigeants européens contre leurs peuples. A moins qu’un dirigeant européen n’ait l’esprit de reconnaître la réalité et d’en tenir compte… (Si vous pensez à Chirac, c’est effectivement une possibilité: il a montré qu’il lui arrive de savoir prendre les virages qu’il faut, quand il faut, et de se démentir complètement d’un cœur léger. Dans tous les cas, c’est, en cas de “non”, sur sa décision d’interprétation des résultats de dimanche prochain, — prendre ou ne pas prendre en charge ce “non” et le faire sien, — que se joueront la fin de sa présidence et la perspective d’un éventuel mandat de plus.)