Berlusconi cède

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Berlusconi cède


16 mars 2005 — Les Américains ont-ils ou non prémédité leur attaque contre la journaliste Giuliana Sgrena, du Manifesto, et ses libérateurs, tuant un officier du renseignement italien? La question devient secondaire devant l’annonce, par Berlusconi, de la décision de retrait des troupes italiennes d’Irak (à partir de septembre prochain).

(Quant aux conditions de l’attaque contre la voiture des SR italiens qui amenait Sgrena à l’aéroport de Bagdad, on notera tout de même des précisions du journaliste Wayne Madsein, de Journal Online dans un article paru hier: « The Bush administration took specific legal steps that cleared a U.S. Special Forces assassination team in Iraq from any future criminal proceedings arising from their assassination of Italian SISMI intelligence number two man Nicola Calipari. »)

Bien entendu, des aménagements de langage et d’attitude sont prises, pour ne pas sembler faire tout à fait ce que Berlusconi fait en réalité (céder devant son opinion publique) et ne pas trop mécontenter Washington.


« Italy's prime minister, Silvio Berlusconi, yesterday announced that he would begin withdrawing his country's troops from Iraq in September under pressure from public opinion.

“I've spoken to [Tony] Blair about this,” he told a TV interviewer. “We've got to construct a precise exit strategy. Public opinion expects it, and we shall be talking about it soon.”

(...)

» Mr Berlusconi dropped his bombshell last night hours af ter Italy's lower house of parliament, in which the prime minister's supporters have an outright majority, approved funding for its contingent in Iraq until the end of June. Italian officials had already indicated troops would be withdrawn as soon as it was clear that Iraq could handle its own security. But Mr Berlusconi went much further than before in defining the outlines of a timetable. He said: “A progressive reduction of the presence of our soldiers will start from September.” He added that the phase-out would take place “in agreement with our allies”. He was careful not to let himself be pinned down to a finishing date, saying that would “depend on the ability of the Iraqi government in equipping itself with adequate security and public order forces”. »


L’important dans cette décision est qu’elle est clairement liée aux “pressions de l’opinion publique”. Dans ce cas, c’est un concept assez vague: il n’y a pas de manifestations monstres et/ou pressantes en Italie en ce moment. Il y en a eu pour l’enterrement de Calipari, mais tout le monde y participait.

L’opposition a été assez arrangeante avec Berlusconi lors du débat au Parlement sur l’affaire Sgrena. Il n’était alors pas question de retrait prématuré. Voici ce qu’écrivait le site WSWS à propos de cette séance au Parlement:


« In his statement last Wednesday, Berlusconi, one of Bush administration’s staunchest European allies, was compelled to walk a fine line. To deflect public anger, he challenged the US account and demanded “maximum collaboration” from Washington “for closure of the incident that was so irrational and that caused so much sorrow.” At the same time, he insisted “our friendship with the United States is strong and loyal” and ruled out any withdrawal of Italian troops from Iraq.

» Berlusconi was helped out of his difficulties by the opposition parties. Significantly, his speech in the Italian Senate was greeted with a standing ovation, not only from his own right-wing supporters, but from the so-called centre-left opposition. Romano Prodi, who heads the opposition Olive Tree alliance, told the media that he appreciated “the tone and measure employed by the prime minister today”. It was a clear political signal to Berlusconi that he could count on the opposition not to rock the boat on the issue. »


Berlusconi a cédé moins devant des pressions que devant un climat médiatique, une “atmosphère” empoisonnée, qu’on peut ressentir aujourd’hui encore plus devant les conditions des réactions américaines que devant le drame lui-même. Bush a envoyé un message à Berlusconi, il lui a parlé, il a promis vaguement une enquête commune. Rien de bien consistant et, comme d’habitude, une désinvolture systématique des Américains. Si l’on ajoute les nouvelles, comme on l’a vu plus haut, que les Américains prennent des dispositions pour éviter que les hommes des Special Forces soient inculpés dans des affaires du type de celle qui a concerné Giualiana Sgrena, on peut concevoir la vigueur de l’humiliation et de l’amertume ressenties par les Italiens. Ce point a sans aucun doute joué, notamment par les effets sur l’opinion publique avant les échéances électorales du début du mois prochain.

Berlusconi n’a guère à attendre de soutien de ses “amis” britanniques dans cette affaire. Le Guardian, après avoir mentionné l’affirmation de Berlusconi selon laquelle il détermine une “exit strategy” avec Tony Blair, ajoute ces précisions montrant que les Britanniques se démarquent complètement des Italiens pour garder ce qu’il leur reste de “faveur” des Américains : « British defence sources last night repeated the British government's stated policy that its troops will stay in Iraq “as long as is necessary and as long as the Iraqis want us”. Mr Berlusconi's comments about a precise exit strategy were “an aspiration” or “political guesswork”, they added. »

L’alliance américaine, perçue comme une habileté suprême par l’habile Berlusconi, est en train de se retourner contre lui. Quelles que soient les précautions oratoires et les dispositions sur le terrain qu’il prendra, il apparaîtra à Washington chez tous les exaltés qui font la pluie et le beau temps comme un “lâche”, un “traître”, comme un Italien en un mot, selon la batterie de clichés servant de références intellectuelles à ces gens-là. En Europe, il ne pourra compter sur l’indulgence de personne, les Britanniques le laissant tomber comme ils font d’habitude avec leurs alliés en difficultés. Berlusconi a oublié, dans son habileté considérable, la réalité du comportement et de la psychologie des américanistes de Washington: l’ignorance totale du monde extérieur, avec un désintérêt et une inattention confinant à la pathologie.


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