Le Vermont qui dit non

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Le Vermont qui dit non

4 mars 2005 — Le Vermont est, aux États-Unis, un des très petits États de l’Union, — 600.000 habitants, rien à voir avec les “monstres” californien, texan ou new-yorkais. Qu’importe, un État est un État dans l’Union, et le Vermont a ses deux sénateurs, comme la Californie, le Texas ou New York. C’est même ce qui donne tout son sens au système originel, qui est, comme le rappelle Patrick J. Buchanan dans un article du 3 mars, une république et pas une démocratie, malgré les gesticulations de GW et de ses acolytes idéologues, sous les applaudissements des libéraux postmodernes. (En plus, symbole non négligeable, le Vermont est un des 13 États fondateurs de l’Union, en 1776-83.)

L’acte électoral posé dans le Vermont (portant sur 52 des 246 localités de l’État) est donc, par rapport aux conceptions des Pères Fondateurs, un acte fondamental. Le paradoxe est que le Vermont s’affirme dans cette circonstance selon la conception républicaine (importance unique et équivalente d’un État au nom de son existence souveraine, quel que soit son poids démographique et géographique) par la méthode démocratique (référendum). On voit bien que, selon cette conception, la démocratie n’est qu’un moyen et la république un fondement, ce qui est à l’inverse de nos pratiques et conceptions postmodernistes.

Si la chose est mise ici en évidence, c’est parce que l’“acte partiel” du Vermont, accompli dans la nuit du 1er au 2 mars, porte sur une, — non, sur “la” matière essentielle aujourd’hui de la politique extérieure des USA, et qu’il s’oppose au centre fédéral qui détermine cette politique. Le vote (48 localités sur les 52 ont adopté la résolution sous une forme ou l’autre) a exprimé un sentiment populaire contre la guerre en Irak et demande qu’on rapatrie les hommes de sa Garde Nationale qui se battent là-bas.

Ben Roche, procureur à la retraite du Vermont a été l’un des organisateurs de la campagne anti-guerre qui a conduit au référendum. Il explique, (extrait d’une interview de Amy Goodman, de l’organisation ‘Democracy Now’), l’historique de cette initiative.

« [I]t all began with a rally against the war shortly after the election, and Montpelier and the rest of Vermont have seen a good number of rallies, and they're very spirited, but the organizers of the rally got together after and they said, what more can we do? We need to rally, but we also need to speak, and it became clear that the right place to speak was town meetings. That's been a tradition well over 200 years here in Vermont. We got busy collectively as a team. We drafted a resolution. We redrafted it, and it went through 19 different versions. We then circulated it to the towns. I'm happy to say, Amy, that by midnight, we had 48 and not 38 towns, if you don't mind a very minor correction. We had 48 towns adopting resolutions that were very close to each other in text. There were some variations. We had three towns that voted it down, and just three towns that tabled it. We think that’s really an overwhelming signal to the nation. »

L’autre explication de Ben Roche donnée à Democracy Now! concerne la demande de rapatriement des membres de la Garde Nationale du Vermont. (La Garde Nationale du Vermont, forte de 1.200 hommes, a le taux le plus haut de mobilisation pour l’Irak de tous les États de l’Union, avec 46% de l’effectif.) Elle est intéressante car elle est grosse d’un débat fondamental pour un pays comme les Etats-Unis.

On voit que Roche fait une distinction entre, d’une part, la nécessité pour un État de l’Union de contribuer à une action de guerre de l’Union si cette action est née d’une provocation, d’une agression, d’une mise en cause des principes de la République ; et, d’autre part, la soi-disant “war of choice”, c’est-à-dire la guerre délibérée, volontairement déclenchée par le centre (Washington) et jugée in fine comme ne répondant à aucune nécessité ou urgence nationale. C’est la mise en cause de la doctrine de la guerre préventive.

« [L]et me really summarize the resolution and hit its main points. I think I can really — I think I can reduce that to just four points. The resolutions, every single one, and it got up to 56, more than 52, every single resolution begins with a plea to support and respect the troops. We need these people here. They're first responders, they're family, they're friends, they're workers down the street. They make up the fabric of society in Vermont. They're an important part of that fabric. So, we began with that, and Amy, it wasn't just lip service, as some have suggested. The rest of the resolution also supports members of the Guard. Let me just give you the high points of what we asked for. We asked for our legislature to assess the impact of the deployment, not just on readiness, but on our communities, on our families. We're asking the delegation, Senator Leahy, Senator Jeffords, Congressman Sanders, to help restore a reasonable balance between states and the federal government, not in the case of every war, only in what we call “wars of choice.” We know that if this country is attacked, if there's an emergency, if there’s an insurrection under the Constitution, there is no question that Guard members have signed up to serve, and that they would serve, and they would serve with enthusiasm and a sense of duty. Wars of choice are a whole different phenomenon. They're relatively new. We have no national policy governing the use of these wars. It's a big omission. »

L’acte partiel du Vermont est un événement d’un très grand intérêt dans sa substance, quel que soit l’accueil qu’il recevra. La tactique de Washington, du gouvernement fédéral, dans un tel cas, compte tenu de la faiblesse actuelle d’un exécutif washingtonien complètement atomisé entre les intérêts particuliers et les bureaucraties concurrentes, est d’ignorer de tels actes autant que faire se peut, — tactique de communication, comme ce gouvernement est coutumier. Il n’en reste pas moins que le référendum, à cause du sujet sur lequel il s’exerce, est une mise en cause du pouvoir fédéral dans le droit absolu que ce pouvoir s’est arrogé en matière de conduite de la politique étrangère, c’est-à-dire dans la matière de la politique fondamentale de sécurité nationale. Il rappelle l’existence d’un contentieux jamais réglé malgré la Guerre de Sécession entre les États et le pouvoir central. Le germe de ce contentieux est dans la Constitution de 1787-88, qui amorce la centralisation fédéraliste aux dépens de l’impulsion initiale, plutôt confédérale et basée sur l’existence souveraine des États constituant les Etats-Unis.

A côté de cela, et de façon plus conjoncturelle, le référendum rappelle l’existence d’une opposition à la guerre d’Irak. Il rappelle aussi que cette opposition est géographiquement identifiée (voir les votes des deux dernières présidentielles), notamment dans le Nord-Est du pays, en Nouvelle-Angleterre.

La mémoire qui flanche...

Le 5 mars 2005 — Nous avons trop fait confiance à notre mémoire. Nous devons des excuses à nos lecteurs. Le Vermont n'est pas l'un des 13 États initiaux de l'Union comme nous l'écrivons ci-dessus mais le 14ème, à partir de 1791.

Merci à notre lecteur John G. Mason qui nous signale notre erreur et la corrige en ajoutant d'intéressantes précisions historiques. Il recommande notamment d'aller consulter le site vermontrepublic.org pour mesurer la vigueur du mouvement d'opposition sécessionniste à l'actuelle direction américaniste de l'Union.