Le 30 juin 2005 est-il une date fatidique?

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Le 30 juin 2005 est-il une date fatidique?


28 février 2005 — Deux fois en six jours, la même date apparaît à partir de sources précisant des indications parues dans la presse US. Elle concerne l’Iran et la politique américaine à l’égard de ce pays, “contre” ce pays devrait-on écrire. Il s’agit de juin 2005 et plus précisément, selon ces sources, du 30 juin 2005.

• Le 18 février, l’ancien inspecteur de l’USCOM en Irak devenu un des leaders du mouvement anti-guerre, Scott Ritter, donnait une conférence à Olympia, dans l’État de Washington. Il y affirmait que le président Bush avait signé un ordre exécutif d’attaque contre l’Iran pour juin prochain : « On Iran, Ritter said that President George W. Bush has received and signed off on orders for an aerial attack on Iran planned for June 2005. Its purported goal is the destruction of Iran’s alleged program to develop nuclear weapons, but Ritter said neoconservatives in the administration also expected that the attack would set in motion a chain of events leading to regime change in the oil-rich nation of 70 million — a possibility Ritter regards with the greatest skepticism. » Après sa conférence, dans des rencontres informelles, Ritter confirma sa prévision d’une attaque et mentionna effectivement le 30 juin.

• Le 25 février, le Boston Globe a publié un texte de Reuters où est cité un mémorandum interne de la délégation US à l’IAEA à Vienne, annonçant que les Américains donnent aux trois pays européens (Allemagne, France et UK) jusqu’au mois de juin pour conclure avec succès leurs négociations avec l’Iran (« The draft position paper, seen in full by Reuters, shows Washington is ready to give EU-Iran negotiations until that meeting [at mid-June in Vienna] to achieve their aim. If they fail, it will renew its campaign to have the IAEA refer Iran to the Security Council »). Là aussi, d’autres indications venues d’autres sources donnent la date du 30 juin comme limite symbolique effective.

C’est bien sûr la correspondance de date qui est intéressante, les hypothèses, ou informations non confirmées impliquant des décisions différentes, — une attaque dans le cas de Ritter, un recours à l’ONU dans le cas de Reuters. Par ailleurs, cette période de juin a déjà été signalée ici ou là, notamment dans l’article de Seymour Hersh du 17 janvier, où il était question d’une attaque aérienne contre l’Iran en juin. On retrouve cette prévision autour du mois de juin dans un texte de Gordon Prather, aujourd’hui sur Antiwar.com, cette fois avec la description du mécanisme déjà proposé mais non appliqué pour l’Irak, et qui “réconcilie” les affirmations de Ritter et de Reuters (résolution ambiguë de l’ONU prise comme une autorisation d’attaque par les USA).

Il est inutile de songer à se prononcer sur la véracité des faits et des révélations. On se contentera d’observer que leur abondance signale que la supputation sur une attaque durant cette période grandit et qu’un climat est en train de s’installer aux États-Unis, impliquant que l’Iran est effectivement le nouvel objectif privilégié de la politique extérieure des USA. La similitude et la proximité chronologiques qu’on relève indiquent qu’il existe effectivement une pression réelle pour une action rapide.

Dans les milieux où l’hypothèse de l’attaque est évoquée, l’atmosphère n’est pas la roborative certitude de la préparation de l’attaque contre l’Iran mais plutôt une certaine sensation d’une fatalité poussant à une action rapide. Le calendrier serré d’une éventuelle action est en général justifié par le calendrier supposé de développement du nucléaire iranien; il y a d’autre part l’idée émise par certains experts et partagée par le Pentagone selon laquelle si les USA n’agissent pas, les Israéliens le feront, peut-être d’une façon incontrôlable et, dans tous les cas, en mettant les Etats-Unis dans une situation difficile. (A noter que le même argument inversé est également avancé par d’autres, selon lequel il serait préférable de laisser agir les Israéliens pour ne pas engager les USA dans cette crise; nul n’a jamais dit que la politique américaniste était exempte de contradictions.) Même les néo-conservateurs ne se font pas d’illusions sur l’option de l’attaque et la considèrent comme un pis-aller.

Ce qu’on relève est le renforcement de l’idée du caractère inéluctable et nécessaire d’une attaque, sans aucune garantie de succès ni même d’efficacité partielle. C’est un climat pesant et fataliste qui s’installe à Washington. Il n’est pas moins dangereux que le climat enthousiaste d’avant l’attaque contre l’Irak, au contraire.

Et l’influence des Européens? Certains pensent qu’effectivement GW a cédé du terrain en Europe et devra soutenir les Européens (l’option de la négociation) ou risquer une rupture avec eux, comme l’écrit Sidney Blumenthal: « In time Bush must either join the negotiations or regress to neoconservatism, which would wreck the European relationship. » Cette appréciation nous paraît faire une place trop importante à l’influence des Européens et à l’effet du voyage de GW Bush en Europe. Le régime qu’a installé l’administration GW, l’idéologie sur laquelle ce régime s’appuie ne sont pas de la sorte qui conduit à faire céder à l’accommodement. Entre l’accommodement et la fatalité impliquant de graves revers et un déclin accéléré de la puissance américaine, ce régime pourrait bien choisir la fatalité, par une sorte de fidélité radicale à lui-même.