La crise de la puissance US et ses coûteux remèdes

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La crise de la puissance US et ses coûteux remèdes


15 décembre 2004 — Les débuts de l’administration GW-II sont agités, et il en ira de plus en plus dans ce sens. Le mandat 2005-2009 de GW verra l’accélération de la tendance de l’année 2004 : une crise de plus en plus grave, entre les conflits des tendances idéologiques autour du président, pour gagner son influence, et les limitations de plus en plus décisives de la puissance US. C’est la question des moyens.

[Cette question des moyens n’est pas nouvelle. Elle existait même avant le 11 septembre et portait déjà sur la dotation budgétaire annuelle du Pentagone.]

Ce dernier point (limitations de la puissance US) est important, parce qu’il conditionne tout le reste. (D’une façon plus fondamentale, cet état de fait des limites de la puissance US alimente très largement l’excellente thèse prospective de Michael A. Weinstein, telle que nous l’avons publiée le 16 novembre dernier, d’une Amérique devant une puissance régionale.)

On peut avoir une idée de l’état de la question en se référant à un article récent qui fait état de propositions pour augmenter la puissance militaire US et tenter de la faire sortir de sa crise en permettant éventuellement de nouvelles expéditions militaires. Cet article est publié dans le Weekly Standard du 29 novembre. Il s’agit d’une publication dans l’hebdomadaire favori des néo-conservateurs, et des sources américaines indépendantes indiquent que ce texte reflète les positions du War Party (“parti de la guerre”) autour de GW. A fortiori, le texte reflète évidemment l’inquiétude des néo-conservateurs devant l’indisponibilité de l’outil militaire américain, éventuellement pour de nouvelles initiatives agressives et bellicistes.

Les deux auteurs du texte, Tom Donnelly et Vance Serchuk, demandent plus de soldats (au moins 100.000 de plus, mais plutôt au-delà), plus de bases outremer, des “alliances” régénérées et plus d’argent. On retiendra plus particulièrement :

• Pour les “alliances” régénérées, ceci qui s’adresse à l’Europe : « In the case of Europe, there is some hope that, faced with four more years of the Bush administration, a measure of transatlantic cooperation can be reclaimed. The recent comments of NATO chief Jaap de Hoop Scheffer are encouraging, especially his recognition that if the transatlantic capabilities gap “is to be bridged, it has to be done from the European side and not from the United States.”

» Ultimately, however, an amicable transatlantic relationship will require a hardheaded appraisal of where we have mutual interests and complementary capabilities and where we don't. Americans might focus this dialogue on the stabilization and democratization of regions of strategic importance in Europe's backyard — the Balkans, the Black Sea littoral, and North Africa. »

Ces “prescriptions” sont très intéressantes. Elles indiquent nettement ce qui attend les Européens lors du prochain voyage de GW Bush à Bruxelles. Le président US y fera une “proposition de paix transatlantique” qui passera par ces conditions évidentes : alignement complet des Européens sur la position US, sur les questions de l’Irak et de la guerre contre la terreur ; augmentation substantielle des dépenses militaires des Européens ; participation effective, plus marquée et plus efficace, des Européens à la mission de sécurité en Irak. En cas de réticence ou de refus des Européens, il y aura une proclamation officielle de désaffection US de l’alliance traditionnelle, et une réorientation vers les Balkans et l’Europe de l’Est. Cette fois-ci, la rupture sera beaucoup plus spectaculaire que ce qui a été fait jusqu’ici. On peut attendre que cette rupture, en cas de refus européen, se situe à l’été 2005.

• Pour le budget militaire (le “plus d’argent”), les propositions d’augmentation faites dans l’article feraient passer d’un budget annuel actuel de $400 milliards à un budget annuel de $500-600 milliards pour le Pentagone seul. (Dans l’hypothèse haute, avec les dépenses cumulées d’autres agences et départements affectés à l’effort de guerre, on approcherait du trillion de dollars pour les dépenses militaires.) « There's no getting around this one: It's impossible to have a Bush Doctrine world with Clinton-era defense budgets. The problem for the United States is not imperial overstretch, it's trying to run the planet on the cheap.

(…)

» The Bush administration's defense spending plan provided increases of 9percent and 6 percent in the first two years of the first term, but then no further growth; baseline military spending is to remain flat. The same Pentagon that relies on reserves to meet its personnel needs still appears to believe that the costs of Middle East operations are a temporary burden to be dealt with through supplemental appropriations.

» Creating the force we need for the many missions we've given our military in the Middle East and around the globe will require between 5 percent and 6 percent of GDP. That's $500 billion to $600 billion a year, and it needs to be sustained for the foreseeable future. It's a lot of money— and it will take a lot of political courage to ask for it. But that is the price of preserving Pax Americana. »


L’un des deux auteurs de ces propositions est Tom Donnelly, néo-conservateur certes mais aussi homme de Lockheed Martin chez les néo-conservateurs. On peut en déduire sans trop hésiter que l’industrie américaine de défense est derrière ces propositions de dépenses fédérales. On ne s’en étonnera pas.

Ce type de proposition devrait être débattu en public dans les mois qui viennent et aboutir à des décisions courant 2005. Il est très improbable que toutes ces propositions puissent être rencontrées. L’administration GW va se trouver à la fois engagée dans des orientations de durcissement supplémentaires en suivant certaines d’entre elles (durcissement avec les alliés) mais freinée jusqu’à être stoppée par le manque de moyens, et la difficulté, voire l’impossibilité de dégager l’argent nécessaire, pour d’autres cas.