Pour Blair (et pour l’Europe), l’Irak et ses mensonges sont comme une rage de dents: ça ne passe pas

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Pour Blair (et pour l’Europe), l’Irak et ses mensonges sont comme une rage de dents : ça ne passe pas


17 octobre 2004 — Les analystes conformistes, qui forment l’essentiel de la réflexion européenne sur l’Europe, annoncent depuis à peu près avril 2003, et d’une façon régulière, que l’Irak n’est plus “à l’agenda”, c’est-à-dire qu’il est désormais acquis que l’Europe ne disserte plus sur cette sordide tromperie que la politique américano-blairiste a imposée au monde. C’est une façon d’annoncer que le temps de la réconciliation, avec Blair et avec les Américains, c’est-à-dire le temps du réalignement sur les Américains, est venu. Chaque fois que cela est dit, chaque fois cela est démenti. D’ailleurs, Blair ne cesse d’être ramené face à cette question, au Royaume-Uni même, depuis cette même époque (avril 2003) où il attendait que l’affaire soit enterrée dans les flonflons de la victoire.

C’est (l’enterrement de la polémique irakienne) le “message” en substance que Blair est allé porter jeudi 14 à Budapest, à la “Progressive Conference”, celle des partis sociaux-démocrates au pouvoir en Europe, dont il fait lui-même partie puisque classé à gauche, — ce qui reste le motif d’une plaisanterie sympathique. En gros, le message blairiste est bien celui-ci : oublions l’Irak, où tout marche si bien, réconcilions-nous entre Européens et, toute confiance retrouvée, alignons-nous sur les Américains.


« Social democrats must bury their differences over Iraq to form an international consensus to fight African poverty, climate change and build a more effective UN, Tony Blair said at a Progressive Conference of centre left governments in Budapest yesterday.

» Trying to shift the agenda beyond Iraq, Mr Blair said: “I do believe it is essential that Europe and the United States work together. I think that any idea we can build a coherent international agenda on a division between Europe and the US is simply wrong. We need the two of them to work together. That requires both to reach out to make sure that we can develop such an agenda.” »


Le problème de Blair et des blairistes est que, tout en recommandant qu’on ne parle plus de l’Irak, ils doivent de leur côté continuer à en parler par “devoir de mensonge”, les consignes américaines étant claires à cet égard. Le cas de Peter Mandelson, ami intime de Blair placé par celui-ci à la Commission européenne pour faire avancer les affaires euro-américaines dans le sens de l’alignement sur l’Amérique, est complètement exemplaire.

Lui aussi, Mandelson, doit se déplacer entre la nécessité de l’apaisement, la nécessité de paraître européen et la nécessité de répondre aux consignes, c’est-à-dire de trouver que l’Irak est vraiment une merveilleuse petite guerre mais qu’elle est finie désormais, et que tout va bien. Cela donne une accumulation de mensonges contradictoires qu’il est difficile d’escalader sans dégâts (lorsqu’on travaille dans le mensonge, on doit faire en sorte que le mensonge ne soit pas désagréable ni trop stupide), — comme lorsque Mandelson affirme cette extraordinaire stupidité, dans un article paru le 13 octobre dans Progressive Politics, en marge de la conférence : « America has learnt from the errors of the war in Iraq. America now understands that it needs allies: not just coalitions of the willing that will support the US in its own policy decisions, but a wider international community that wants its voice to be heard and recognised. »

Le même mercredi 13 octobre, Mandelson avait fait des déclarations qui avaient été interprétées comme très pro-européennes, notamment celle où il disait : « Who can doubt that the insurgency in Iraq today would be a lesser problem had a second resolution been agreed before the invasion and if the United Nations had been in the driving seat from the start. » La citation était accompagnée de la mention « according to various media ».

L’irritation américaine a été exprimée, relayée par Blair, et Mandelson a dû faire marche arrière. Il a donc dit qu’il n’avait pas dit ce qu’on lui avait fait dire même s’il l’avait dit, dans tous les cas dans l’esprit, et qu’il restait un grand admirateur de l’admirable guerre en Irak :


« In an article for the conference in Progressive Politics, Mr Blair's confidante Peter Mandelson said: “America has learnt from the errors of the war in Iraq. America now understands that it needs allies: not just coalitions of the willing that will support the US in its own policy decisions, but a wider international community that wants its voice to be heard and recognised.”

» He said a stable democratic Iraq could best be achieved by greater involvement of the UN and greater efforts to inter-nationalise the coalition effort, particularly on the part of Europe.

» He said his remarks on Wednesday admitting the insurgency inside Iraq would have been weaker if there had been a second UN resolution had been misinterpreted. “I am sorry that some media outlets misinterpreted what I said. I supported the invasion before and I support it still.” »


Blair, à cette conférence, a pu à nouveau mesurer la vanité de ses efforts pour faire comprendre que l’Irak n’est plus d’actualité puisque tout y va si bien. Ce vendredi 15 octobre, après son intervention apaisante du 14 octobre, il est tombé sur l’“os” Zapatero dans les entretiens de cette conférence (en général, l’Espagnol se montre redoutable dialecticien et refuse, lui, de lâcher l’os-Irak).

Ce qui est intéressant dans ce rapport qui nous est fait des entretiens de cette conférence ce vendredi 15 octobre, c’est de constater que, lorsqu’on aborde l’Irak contre son gré le même Blair se retrouve très vite dans une position plutôt isolée. Et on aborde effectivement ce problème, même si la conférence traite de la globalisation.


« Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a qualifié vendredi “d'énorme erreur” la guerre en Irak et exprimé son désaccord avec son homologue britannique Tony Blair sur la situation dans ce pays, lors d'un sommet progressiste en Hongrie, selon des participants à la réunion. “La discussion a porté, sur un ton mesuré, sur la nécessité d'établir un ordre international en Irak. Zapatero a alors répété que la guerre en Irak avait été une énorme erreur, qui s'est confirmée au fur et à mesure que le temps passait”, a déclaré une source espagnole. “M. Blair a tenté de justifier la guerre et la discussion s'est alors polarisée” sur ce thème, a ajouté cette source. Plusieurs dirigeants, dont le président chilien Ricardo Lagos et le Premier ministre canadien Paul Martin, ont soutenu la position espagnole, alors que le nouveau chef du gouvernement hongrois, Ferenc Gyurcsany, paraissait plus proche de Tony Blair. D'après une source chilienne, Blair a souhaité un soutien “réaliste” dans la crise irakienne, mais son homologue espagnol a demandé le respect “des règles internationales” fixées par le Conseil de sécurité. Onze chefs d'Etat et de gouvernement d'orientation sociale-démocrate examinent depuis jeudi sur les rives du lac Balaton, à 120 km au sud-ouest de Budapest, les problèmes économiques et sociaux liés à la mondialisation. »


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