Il faut sauver le programme F/A-22 avec l'arme de l'information

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Il faut sauver le programme F/A-22 avec l'arme de l'information


29 mars 2004 — L’USAF vient de donner son accord pour commencer à la fin avril (un mois de retard par rapport aux dernières prévisions) la phase d’essais opérationnels du programme F/A-22 Raptor, ouvrant la voie vers une production et un déploiement opérationnels. (La décision finale de déploiement opérationnel sera prise en décembre prochain.) Cette décision est présentée sous la forme d’une affirmation pompeuse et enthousiaste de l’excellent état du programme F/A-22. Un exemple de cet enthousiasme nous est donné par un extrait d’un texte de Reuters du 23 mars :


« Air Force acquisition chief Marvin Sambur told Reuters on Tuesday [...] in an interview that the terms agreed by the Air Force and Lockheed were “exactly on the target price curve” and would allow the Air Force to buy a total of 277 F/A-22s by 2013 — and possibly more.

» He confirmed that top Pentagon officials on Monday approved the start of operational testing of the F/A-22 at the end of April after the Air Force and Lockheed showed progress in improving the stability of the plane's avionics. Michael Wynne, the Pentagon's acting chief weapons buyer, was “very encouraged by the progress so far,” said his spokeswoman, Cheryl Irwin.

» “We've turned this program around,” Sambur said of the $72 billion radar-evading multirole F/A-22, which was designed to replace the F-15C as the top U.S. air-superiority fighter. »


A lire ces quelques phrases, on ne peut être que convaincu, sinon admiratif, de l’état du programme F/A-22 tel qu’il est décrit. On a également le loisir d’être surpris, car cette décision, ce ton, cet enthousiasme, forment un extraordinaire contraste avec ce que la presse spécialisée ainsi que le General Accounting Office (GAO) ont dit et écrit dans les jours précédant la décision de l’U.S. Air Force, sinon simultanément à l’annonce de cette décision.

• Un article d’Aviation Week & Space Technology (AW&ST) en date du 22 mars, le jour même où l’USAF prenait sa décision dans l’enthousiasme, écrivait : « There are signs the F/A-22 Raptor program is running into the same lethal combination of financial pressures, uneven progress in development and intensified congressional scrutiny that led to the cancellation of the U.S. Army's RAH-66 Comanche. » (On sait que le programme d’hélicoptère de combat Comanche a été abandonné fin février pour dépassement de coûts, problèmes techniques, etc.)

• Le 14 mars, le directeur du GAO présentait un nouveau rapport sur le F/A-22, avertissant l’USAF de peser toutes les conséquences possibles d’une éventuelle décision favorable à la production opérationnelle de l’avion.


« The U.S. General Accounting Office on Monday blasted Lockheed Martin Corp.'s F/A-22 fighter jet, saying the Pentagon should weigh the high risk of future cost increases and program delays before deciding in December to start full production.

» The investigative arm of Congress said costs for the program that began during the Cold War era were expected to grow to $80 billion from an Air Force estimate of $72 billion, and the Pentagon had not explained why it still needed the pricey fighter in a changed military environment.

» In an annual report to Congress, GAO said the Pentagon estimated it would cost $11.7 billion to expand the air-to-ground attack capability of the F/A-22 Raptor, of which only $3.5 billion had been earmarked through fiscal 2009.

» Keith Ashdown at Taxpayers for Common Sense said the new data put the per-unit cost of each F/A-22 “into the realm of absurdity” at $330 million, up from $257 million last year. “This is a damning report,” he said, predicting intense debate in Congress, although he acknowledged it would be tough to cut the program, which has subcontractors in 44 states. »


• Un article récent (le 27 février) de Defense News décrit les difficultés extraordinaires qui attendent le programme F/A-22, notamment pour le développement d’une version d’appui tactique (le “A” pour Attack dans le signe F/A-22). L’article apporte des précisions surprenantes, notamment sur le fait qu’on se trouve, avec le F/A-22, coincé dans la nécessité de continuer à développer l’avion sinon l’on perd l’avantage des six dernières années d’intégration des technologies avancées. (« “The Defense Department has skipped several generations of technology getting to the F/A-22. If they stop, and don’t finish this generation of technology and try to immediately progress along to the next-generation technology, they won’t have pressed out all the concerns,” he said. “You’re just going to end up with the same collection of problems six years down the road if they don’t see it out.” ») Les précisions concernant le coût de la version “A” sont également remarquables. On a l’impression de se trouver devant une direction qui refuse désormais de peser le long terme, de crainte de ce qu’elle y trouvera. (C’est un peu la même chose avec la décision du 22 mars : décision de lancer la production d’avions supplémentaires jusqu’en décembre en affirmant que tout va bien, contre l’unanimité des estimations de sources extérieures.)


« Adding the ground-attack capabilities will create a whole new set of problems. “The addition of every unanticipated feature or extension typically is more difficult to add into the software, hence, it becomes brittle, difficult to maintain and harder to change over time,” said Daniel Plakosh, who has reviewed the F/A-22 program and works with Marz at Carnegie Mellon. “Also, these additions may not always work the way you really would want them to.”

» “The changes they had to make to improve stability of the software to begin with depends on what types of mistakes they were correcting,” said Plakosh, a former lead software engineer at the Naval Surface Warfare Center. “If they were architectural mistakes, you may have to compromise your architecture to get it to work right.”

» [Major General Jack] Welsh contends it’s too early to tell strike Raptor’s pricetag. “Talking about the cost of things is really premature,” Welsh said. “We have to start with what are the requirements? What is the actual capability you need to bring to the fight out there?” »


Ces exemples et comparaisons montrent à quel point la version officielle de l’état du programme F/A-22 diffère aujourd’hui de la version donnée par le monde de l’information, avec les sources les plus respectables, ayant tous les accès possibles pour faire normalement son travail, et ayant montré dans le passé l’excellence de ces sources et des analyses qui en étaient déduites.

Bien évidemment, l’attitude du Pentagone, si l’on s’en tient seulement à l’historique du programme et à ses avatars constants, est la plus hautement suspecte. Cette façon de sortir le programme F/A-22 comme d’un chapeau, soudain en miraculé à qui tout réussit, indique évidemment une opération d’urgence pour sauver au forceps ce programme très fortement menacé. Bien évidemment encore, cette opération ne résout en rien tous les problèmes F/A-22. Elle constitue simplement une bonne mesure de la complète relativité de ce qu’on ne peut plus qualifier d’information sur le programme F/A-22, alors que les pouvoirs officiels entendent désormais faire de l’information un outil pour promouvoir leurs propres intérêts. Il s’agit d’une guerre entre les autorités officielles, qui se trouvent conduites à créer de toutes pièces une image euphorique des programmes militaires, et le simple constat des réalités.


(Dans la rubrique “Notes de Lecture”, nous avons regroupé quelques articles significatifs sur cette affaire, ceux qui sont cités ici. Ils permettent de juger de la complète relativité, de la manipulation constante, de l’intervention “opérationnelle” dans le domaine de l’information.)