Vershbow nous dit qu’il n’a pas dit ce qu’il a dit

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Mardi, Alexander Vershbow, chargé de la politique internationale au Pentagne, se trouvait en Géorgie. Il y a parlé de diverses choses, selon ce que nous en rapporte SpaceWar.com (AFP) le 21 octobre 2009.

D’abord ceci: Vershbow nous a dit qu’il n’avait pas dit ce qu’il avait dit, dont on avait d’ailleurs déjà dit qu’il ne l’avait pas dit. En d’autres termes: non, non, il n’a jamais parlé de discussions avec l’Ukraine pour installer des éléments du système anti-missiles parce que les USA ne parlent de cette affaire qu’avec des pays de l’OTAN. Bon, errare humanum est: il avait sans doute cru que l’Ukraine faisait partie de l’OTAN.

«The United States on Tuesday sought to quell Russian concerns that new US missile defence facilities might be installed in Moscow's backyard, insisting that only NATO countries were being considered. US Assistant Defence Secretary Alexander Vershbow said in the Georgian capital that Washington was consulting only with members of the alliance after the United States scrapped a previous plan that had angered Russia.

»“We are not consulting with any non-NATO countries and we do not envisage the emplacement of elements of our new architecture on the territory of any non-NATO states,” he told reporters. […]

»Vershbow also said Washington was in consultations with Russia on missile defence. “We've begun some very preliminary consultations with Russia on any contributions it could make with its own assets... but these discussions are at a very early stage,” he said.»

En passant, Vershbow, en mission manifeste de “damage control” coupe les ailes du canard imprimé de-ci de-là sur l’installation d’une grande base US en Géorgie, ou d’éléments du système anti-missiles pendant qu’on y est, ce qu’Hillary avait vigoureusement démenti à Moscou. Vershbow est venu parler avec les Géorgiens de doctrine, d’entraînement et ainsi de suite, pas de quoi fouetter un chat; plus l’indéfectible amitié USA-Géorgie. Vershbow est rentré dans le rang.

@PAYANT L’épisode Vershbow est diablement instructif. Le haut-fonctionnaire du Pentagone a effectivement dit ce qu’il a dit devant des journalistes (concernant l’Ukraine) et il a été clairement obligé de se démentir en public, devant des journalistes également, quelques jours plus tard, sur ce même propos ukrainien. La consigne vient de haut, de la Maison-Blanche avec vigoureuse intervention de Clinton dans ce cas. Gates a fait passer la consigne, Vershbow a avalé la couleuvre et craché son démenti tellement implicite qu’il en est outrageusement explicite.

Le schéma est bien ce qu’on en devinait. La bureaucratie du Pentagone tente continuellement de reprendre du terrain perdu avec l’abandon du BMDE initial mais, dans ce cas, l’affaire est trop importante pour qu’Obama et le département d’Etat laissent passer. On dit que Lavrov, en pleine euphorie lors de sa rencontre avec Hillary à Moscou, a néanmoins demandé fermement que le même fonctionnaire qui avait parlé d’anti-misssiles en Ukraine démente publiquement, lui-même, ce propos. La chose est faite, l’incident Vershbow est clos, le Pentagone a reculé. Cela, jusqu’à la prochaine incartade, parce que le Pentagone et sa bureaucratie n’abandonnent jamais. Mais, dans cette affaire, ils ont affaire à forte partie; la “politique russe” de l’administration Obama est une affaire trop importante pour que le pouvoir politique washingtonien laisse faire et la laisse aux bureaucrates déguisés en militaires.

En attendant, le spectacle est bien celui du désordre et l’explication de ces péripéties diverses est effectivement celle du désordre – beaucoup plus que celle d’un complot, que la bureaucratie n’a pas les moyens, ni la cohésion, ni même le pouvoir de monter. On en revient à la parcellisation des pouvoirs à Washington, poussée à un point extrême sous l’administration Bush. C’est sans aucun doute l’un des handicaps majeurs de Barack Obama, si effectivement il entend mener une politique extérieure ambitieuse. En effet, dans tous les cas pour sa “politique russe”, la “politique extérieure ambitieuse” se résume à une relance des bons rapports avec la Russie et un repli de la politique Bush sans trop montrer qu’on se replie (voir le voyage actuel de Biden en Pologne et la confusion qui entoure les explications alambiquées et contradictoires sur le plan anti-missiles nouveau, qui a remplacé le BMDE type-Bush). C’est effectivement un terrain rêvé pour le développement du désordre et les actions de guérilla de la bureaucratie. Le Pentagone ne s’en prive pas. Ce n’est pas le démenti forcé de Vershbow, petit incident de parcours, qui l’empêchera de continuer. Encore une fois, l’incapacité d’Obama à trancher d’une façon éclatante dans cette affaire du BMDE permet effectivement au désordre de se poursuivre.


Mis en ligne le 22 octobre 2009 à 07H47

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