Une guerre “sans objectifs”

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L’attaque israélienne contre Gaza des heurte à une difficulté singulière: le “manque d’objectif” pour les raids de l'offensive aérienne. Hier, 2 janvier, Antiwar.com écrivait: «And as Israel defends its decision to reject the international call for a ceasefire, the air strikes continue apace, though they are running into one obstacle: after six days of salvos into the densely populated strip the Israeli military is really running out of interesting things to bomb.»

Cette situation étrange est la marque des guerres postmodernes telles que le Pentagone, et l’IDF, qui est devenue sa succursale au Moyen-Orient, continuent inéluctablement à vouloir les mener. (IDF pour Israel Defense Force, nom mieux appropriée à l’armée israélienne depuis déjà quelques décennies, que le Tsahal originel.) Le constat d’Antiwar.com de janvier 2009 renvoie au constat de Rumsfeld, en octobre 2001, vis-à-vis de l’attaque de l’Afghanistan (rapide “victoire” devenue le bourbier qu’on sait), – tel que nous le mentionnions le 24 avril 2002, – et où c’était l’“adversaire” qui était mis en accusation, pour ne pas offrir assez d’objectifs aux attaques américanistes:

«Il a été fait grand cas de l'utilisation et du succès des armes air-sol de haute précision, avec ce point supplémentaire, particulièrement sexy, de soldats des Special Forces guidant ces armes à bon port, grâce à des désignateurs laser ou autre, braqués sur les objectifs. Notre méfiance à propos de ces affirmations est infinie. Notre premier argument est celui de l'évidence, celui de l'absence d'objectifs. L'Afghanistan est par essence un pays “sans objectifs” et les Talibans avaient organisé un pouvoir sans État, sans structures, fondé sur le seul radicalisme idéologique. Cette absence d'objectifs est confirmé par une déclaration de Rumsfeld, particulièrement agacé, dès le 9 octobre (deux jours après le début de l'offensive !), à une question d'un journaliste qui évoquait la possibilité que l'offensive eût bien peu d'objectifs à se mettre sous la dent, – Rumsfeld, excédé, comme on l'a vu souvent depuis, et répondant : « We're not running out of fixing targets. Afghanistan is. » (Conférence de presse du 9 octobre 2001.)»

Il a été fortement clamé que cette “offensive” a été préparée depuis six mois et qu’elle constitue, du côté de l’IDF, une grande manœuvre pour se réhabiliter après la campagne contre le Hezbollah de juillet-août 2006. Mais on voit mal ce qui a changé, dans la stratégie et dans la tactique, dans les résultats espérés et ceux qui sont possibles, dans les “dégâts collatéraux”, évidemment innombrables, et ainsi de suite. Cela montre que l’“enseignement” de la campagne de l’été 2006 a été que la stratégie perdante était quand même la bonne, et que la situation politique et générale du monde n’aurait qu’à s’en accommoder. Contre un adversaire qui n’a rien de la stature du Hezbollah, avec l’habituelle litanie des destructions et des pertes civiles, dans un conflit incomparablement plus dépourvu de perspectives politiques que l’affaire libanaise de 2006, pourtant déjà bien aventureuse, l’IDF ne fait que répéter, de pis en pis, la démonstration de l'impuissance chronique de la force militaire appuyée sur la brutalité du “technologisme” dans les situations type-G4G qui constituent aujourd’hui l’essentiel de l’événement militaire de l’époque. Le 31 décembre 2008, Robert Fisk résumait ainsi les perspectives pour l’IDF:

«Israel, however – always swift to announce its imminent destruction of “terrorism” – has never won a war in a built-up city, be it Beirut or Gaza, since its capture of Jerusalem in 1967. And it's important to remember that the Israeli army, famous in song and legend for its supposed “purity of arms” and “élite” units, has proved itself to be a pretty third-rate army over recent years. Not since the 1973 Middle East conflict – 35 years ago – has it won a war. Its 1978 invasion of Lebanon was a failure, its 1982 invasion ended in disaster, propelling Arafat from Beirut but allowing its vicious Phalangist allies into the Sabra and Chatila camps where they committed mass murder. In neither the 1993 bombardment of Lebanon nor the 1996 bombardment of Lebanon – which fizzled out after the massacre of refugees at Qana – nor the 2006 war was its performance anything more than amateur. Indeed, if it wasn't for the fact Arab armies are even more of a rabble than the Israelis, the Israeli state would be genuinely under threat from its neighbours.»

La bataille engagée à la fin de 2008 relève d’une autre époque, dépassée et marquée par la démonstration de l’impuissance du système occidental et américaniste dans ses entreprises guerrières (impuissance effectivement démontrée en juillet-août lors de l'affrontement IDF-Hezbollah). Conduite par une direction dont on suppose qu’elle a au moins la motivation sordide de l’électoralisme, dont les membres les plus éminents en reconnaissent par ailleurs la stupidité, cette politique israélienne décourage le commentaire. Effectivement, il n’y a pas grand’chose à dire d’essentiel sur cette crise, au regard des autres événements qui secouent le monde, sinon les habituelles condamnations enflammées dont on sait qu’elles ne constituent qu’un commentaire impuissant. La redondance dans l’erreur, dans l’incompréhension, etc., conduit à un diagnostic plutôt qu’à un jugement. Finalement, ce diagnostic est vite fait, puisqu’il rejoint après tout celui qu’on peut faire de la “pensée“ militaire qui triomphe au Pentagone et a conduit la politique américaniste, ouvertement depuis 9/11, après l’avoir fait plus discrètement auparavant. C’est ce que Ivan Eland définit, aujourd’hui, par un seul mot: “folie”. En un sens, ce mot, “folie”, décrit bien les outrances et les limites de l’aventure, et l’importance qu’il faut lui accorder dans les courants historiques en cours.

«After the disastrous wars on Lebanon in 1982 and 2006, in which Israel won militarily but ultimately lost politically, one would think Israel would have avoided yet another disastrous disproportionate military response in response to Hamas's rocket attacks on southern Israel. But no such luck. If the definition of insanity is repeatedly doing the same thing and expecting a different result, Israel's policy has to be deemed “crazy.”»


Mis en ligne le 3 janvier 2009 à 19H33