Un nouveau front pour BHO: le retrait d’Afghanistan

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Après huit mois d’activité durant lesquels la question de la guerre en Afghanistan fut placée comme priorité n°1, après diverses mesures (“surge” avec des troupes supplémentaires, implication du Pakistan, offensive sur le terrain, etc.), la situation en Afghanistan pèse de plus en plus comme un boulet budgétaire et politique pour Obama. Certains commencent à juger que ce conflit pourrait devenir ce que fut l’Irak pour Bush, notamment avec des implications intérieures graves (popularité, ponctions budgétaires, économie, etc.). La chose ne serait pas précisément bienvenue, alors que les USA sont au cœur de la crise économique où l’Irak lui-même joua un rôle de détonateur, sans parler des divers remous type débat sur les soins de santé.

Cette idée d’un Afghanistan devenant une crise intérieure pour Obama est suggérée par Loren B. Thompson sur son blog, Early Warning, ce 21 août 2009. L’analyse implicite que fait Thompson est que BHO ne pourra poursuivre son agenda des réformes domestiques, c’est-à-dire des crises intérieures qui vont avec, en soutenant en même temps l’effort de guerre en Afghanistan.

«It doesn't take much to derail the agenda of a President who won by only a 3% margin, especially when he was elected for reasons largely unrelated to his domestic plans. But because he is so committed to those plans, Obama is actually in a weaker position to sustain the war effort than Bush was. Bush didn't need to worry about losing support for his healthcare plan, because he basically didn't have one. Or an energy plan. Or a plan for the environment. He was all about the global war on terror, which Congress came to dislike but was loathe to deprive of funding. President Obama has a trickier political landscape to negotiate, and his advisors are no doubt telling him that life would be a lot easier if all those American lives and dollars weren't being expended to pursue the improbable goal of democracy in Afghanistan».

Ces indications sont à ne pas prendre à la légère. Dans l’esprit de ce que nous avons déjà écrit à propos du blog de Loren B., il y a à boire et à manger. Son rôle de désinformateur est facilement identifiable (d’ailleurs, l’occurrence n’est pas sans intérêt: il est intéressant de savoir ce que “les autres” veulent vous faire croire et penser). Dans ce cas de l’information sur BHO et l’Afghanistan, la chose est nettement une démarche d'information et fait partie de l’aspect sérieux et directement instructif du travail de l’analyste; ses observations recoupent certaines indications sur l’épuisement du zèle guerrier de l’administration Obama. La “crise des soins de santé” y est pour beaucoup; son intensité inattendue, sa puissance jusqu’à installer une situation de déstabilisation aux USA, constituent un événement inattendu, extrêmement pesant pour l’administration Obama.

Les républicains comprennent bien cela. Il faut s’attendre à les voir en rajouter en forme de surenchère maximaliste, pour promouvoir comme seule issue une guerre à outrance dont ils savent que les USA sont totalement incapables désormais, tant militairement que politiquement (soutien en chute libre de la population), que psychologiquement. Leur but est évidemment d’enfermer l’administration Obama dans un réseau serrée d’impuissances et de paralysies contradictoires, pour tenter d’emporter les élections mid-term de 2010, en attendant les présidentielles de 2012. Bien entendu, peu leur importe que cette évolution aggrave encore plus la position structurelle des USA et la crise générale intérieure, car là n’est vraiment pas leur problème.

BHO peut-il encore “sauver” la guerre en Afghanistan en lui donnant un sens et un rythme victorieux? Ni la politique de cette guerre, ni son opérationnalité dans le chef des capacités tactiques de l’U.S. Army et du Marine Corps ne rendent très optimiste. L’avis général et très fondé est excellemment résumé par le spécialiste des questions du Moyen-Orient, Juan Cole (le 22 août 2009 sur CommonDreams.org): «I think support for the Afghanistan war depends on the administration effectively tying it to concerns about Americans' safety and security. And since that argument is so hard to make convincingly, I can't see how public support for the war is going to come back. […] What I think is true is that a poorly executed Afghanistan policy could turn Obama into a one-term president. It is too early to judge exactly what Obama's policy will be in Afghanistan, but it should become clear within a few months. So far, Obama has not made the case and hasn't explained what the end game is.»

Désormais, certains estiment que des surprises peuvent être possibles avec Obama et l’Afghanistan. On n’exclut plus une surprise “à la LBJ”, celle du 31 mars 1968 lorsque le président Johnson annonça brusquement qu’il ordonnait la cessation des bombardements sur le Nord-Vietnam, qu’il ouvrait des négociations avec les communistes et abandonnait l’idée de se représenter pour un deuxième mandat. On ne dit évidemment pas que ces termes, qui sont différents pour l’Afghanistan, seraient repris par Obama (notamment l’abandon d’un deuxième mandat). On veut simplement signifier qu’un retournement spectaculaire de la politique US en Afghanistan, avec l’annonce d’une “stratégie de sortie” accélérée, est désormais une possibilité. La question à ce propos revient à la personnalité même d’Obama, de savoir s’il pourrait se décider à un tel retournement de politique qui impliquerait l’abandon de la ligne médiane et bipartisane qu’il tente désespérément de suivre, sans le moindre succès jusqu’ici et avec l’immense désavantage d’une paralysie politique de plus en plus affirmée.


Mis en ligne le 24 août 2009 à 06H24