Tea Party “vers sa destinée”

Bloc-Notes

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 568

Intéressante question : Qu’en est-il de Tea Party après les élections midterm ? Pas de réponse précise, sur les faits eux-mêmes (élus, voix, sièges, etc., toute cette arithmétique rassurante pour nos éditorialistes-Pravda). On se contentera ici de signaler et de citer deux textes qui donnent deux champs différents d’observation du phénomène.

• Le pouvoir et le besoin, ou la capacité d’agitation de Tea Party au sein du parti républicain, contre les règles de l’establishment, ont été mis en évidence par Michele Bachmann, une députée très active et qui obtient en général le soutien de Tea party. Bachmann, qualifiée dans Politico.com, ce 4 novembre 2010, de «often fiery and always unpredictable», veut poser sa candidature pour un des postes de direction du groupe républicain à la Chambre. L’establishment ne la soutient pas et sa candidature est qualifiée du beau nom de «insurgent race».

«House Republicans look like they’ve largely been spared any uncomfortable leadership races as they cruise into their robust new majority, except for one little speed bump: Michele Bachmann.

»The often fiery and always unpredictable Bachmann, a tea party favorite, is trying to make a contest out of the battle for the Republican Conference chairmanship, a job that is critical for setting the party’s message and is seen as a steppingstone to higher leadership positions.

»The favorite is Rep. Jeb Hensarling of Texas, and top Republicans are making it clear that he is the insider’s choice. Minority Whip Eric Cantor of Virginia and outgoing Conference Chairman Mike Pence of Indiana already have endorsed Hensarling, sending a clear message that if Bachmann wants the job, she’s going to have to run an insurgent race for it.»

• On s’arrêtera également à un texte d’analyse d’un universitaire, spécialiste de l’histoire de la présidence US et parfait représentant de l’historiographie officielle. Il s’agit de Robert Dallek (le 4 novembre 2010 sur Politico.com également), qui montre que, dans l’histoire des USA, tous les mouvement “populistes” sont voués à l’échec ou à la récupération, – ce qui suppose, puisque le texte concerne Tea Party pour lui faire un sort, que Tea party est un mouvement populiste classique et que le temps historique que nous vivons ressemble aux précédents. Néanmoins, et avant d’amorcer la pompe de la prévision de la disparition de Tea party, Robert Dallek se croit obligé de commencer en annonçant que, sur le court terme, Tea Partyexerce une pression irrésistible.

«Regardless of how many seats change hands in the election, one result is already clear: The tea party movement will, for the immediate future, influence the direction of the Republican Party.

»This is not to suggest that the tea party is likely to become the party’s principal voice or even have a long-term impact on the GOP’s policy initiatives and candidates. But, in the short run, its current popularity and enthusiasm are an irresistible force driving the Republicans further to the right — especially on issues such as cutting taxes and reducing government’s role in the economy and in social programs like the Obama administration’s health care reforms.

»The historical parallels are compelling…»

Notre commentaire

@PAYANT Les deux textes sont intéressants à confronter parce que, malgré tout ce qui les sépare dans le sens qu’ils manifestent, ils se complètent et se confirment l’un l’autre. Les résultats électoraux concrets et comptabilisables de Tea Party sont mitigés par rapport aux prévisions les plus optimistes qu’on pouvait faire mais ce n’est pas l’important. Ce qui est essentiel, c’est la dynamique et c’est l’influence. Richard Wolffe, de The Independent, écrit ce 4 novembre 2010 : «Whether or not the Tea Party candidates can win general elections is almost unimportant; they have already demonstrated their ability to win primaries, and therefore shape the identity of Republicans…» Ed Pilkington, du Guardian, le 3 novembre 2010, décrit le résultat de cette évolution : Tea Party «is now a voice that will dominate congressional debates and direct budget deliberations… Nowhere was the seismic impact of the Tea Parties more evident on election night than in the speech of Pelosi's Republican replacement as Speaker, John Boehner. Though he did not use the words “tea” and “party”, his whole address was like a declaration of love to the movement.»

Ainsi Tea Party n’est nullement une force politique dominante mais c’est, pour l’instant et pour au moins les deux années qui viennent, une force psychologique écrasante (voir notre F&C du 1er novembre 2010). D’autre part, Tea Party entretient dans son sein ou attire suffisamment d’ambitions, comme celle de Michelle Bachmann, pour disposer de “francs-tireurs” capables de porter le fer d’ambitions “insurgentes” au cœur du parti, c’est-à-dire d’y faire régner la peur constante de manœuvres peu conformes qui risquent de déranger la bonne ordonnance des règles de fonctionnement de l’establishment. Par conséquent, Tea Party n’est pas un parti populiste, guidés d’abord par des buts politiques précis, mais une bande d’insurgés dont le rôle est d’entretenir une tension constante au sein de l’establishment, et cette bande avec son capital de voix supposés pour les élections, suffisamment dans tous les cas pour attirer à elle, à l’une ou l’autre occasion et sans chercher ni la durée ni l’institutionnalisation, l’un ou l’autre parlementaire du parti en dissidence temporaire de l'establishment, l’un ou l’autre groupe à l’intérieur du parti, pour rendre finalement imprévisible le comportement du parti républicain as a whole dans la bataille législative. Cela durera-t-il au-delà de 2012, professeur Dallek ? Que nous importe-t-il, car qui est vraiment capable de dire qui et quoi existera encore en 2012 ? De même que Tea Party n’a rien à voir avec le populisme que les vieilles barbes de la dialectique bienpensante agitent le soir pour faire peut aux petits enfants pas sages, de même le temps historique, ou métahistorique, que nous vivons n’a rien à voir, ni avec les années 1890, ni avec les années 1930 que le professeur Dallek évoque pour nous convaincre que Tea Party ne fera pas d’os plus vieux que ses prédécesseurs. Nous jouons sur le très court terme, et dans des termes soi-disant dialectiques qui n’ont rien, mais vraiment rien à voir avec le discours politique classique hérité des barricades parisiennes de 1848.

Tea Party n’a pas réussi son pari, ni ne l’a perdu, car il n’y avait pas de pari. Il n’y avait pas une majorité à conquérir. Il y avait simplement une transcription parlementaire approximative d’un mouvement aussi identifiable qu’un gaz flottant entre deux eaux, dont l’effet à attendre, – dont la “mission historique”, en d’autres mots, quels que soient ses propres projets et ses propres espoirs, est d’introduire le désordre au cœur du système. Une pétroleuse type Bachmann, avec ses opinions insupportables d’extrême droite ou d’extrême n’importe quoi et ce qu’il vous plaira, est le type de soldat-commando idéal pour cette sorte de guérilla parlementaire. Bien des oreilles chastes et vertueuses s’offusquent de son langage et de ses idées, ce qui montre qu’entre chasteté et vertu ces oreilles ont bien du mal à entendre l’essentiel, et bien de l’habileté pour éviter le grondement des vrais problèmes tels qu’ils se posent. Il ne s’agit pas de proposer, d’offrir des alternatives, fussent-elles révolutionnaires, il s’agit de faire de la politique à coups de marteau, pour casser, et encore casser, – comme Nietzsche philosophait “à coups de marteau”. Dans ces circonstances, avec cette sorte de dynamique, dans une crise de cette importance, les idées n’ont aucune importance, – si elles en eurent jamais, d’ailleurs, ce dont nous doutons grandement. Ce qui importe, c’est la dynamique lancée, avec la dévastation qui suit, grâce aux coups de marteau, sous les lambris pompeux et impériaux à l’imitation des antiques du Congrès des Etats-Unis, ce temple prodigieux élevé à la Corruption (majuscule pour l’occasion) sous toutes les formes imaginables.

Dennis Kucinich a plus raison qu’il ne croit lorsqu’il parle de “la montée du nihilisme” – mais il parle des neocons, et là son opinion est beaucoup plus respectable, – mais adoptons son idée pour Tea Party. En un sens, Tea Party est nihiliste, pas populiste du tout… Mais ce nihilisme-là s’attaque, volontairement ou pas peu nous importe, au nihilisme du système, dans cette tactique classique que nous affectionnons tant, et, elle aussi, complètement involontaire, du “contre-feu”, dont la propre dévastation prive de combustible l’incendie principal et déstructurant du système, – le nihilisme occasionnel pour détruire le nihilisme fondamental…

Mis en ligne le 4 novembre 2010 à 14H58