Spirale et péril intérieurs

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Spirale et péril intérieurs

17 avril 2010 — La boucle est bouclée. Imprudemment, quelques hommes du système ont irrémédiablement noué le lien entre la crise américaniste des années 1989-1996 et celle qui gronde aujourd’hui, – imprudemment, ou bien est-ce une mesure de la Grande Peur du système en tant qu’entité, qui instille ce sentiment intense à ses créatures? On connaît notre réponse. Dans la foulée, qu'on doit qualifier d'imprudente, ils ont noué symboliquement le lien “terroriste” entre al Qaïda et Tea Party.

“Quinze ans après l’attentat d’Oklahoma City…”, ainsi commence le texte du Times de Londres, de ce 17 avril 2010, qui fait rapport de l’avertissement du directeur du FBI Robert Mueller. Pour lui, Mueller, les terroristes américains (rendons-leur leur nationalité) anti-gouvernementaux, antisystème, c’est-à-dire anti-américanistes, sont aussi dangereux que les terroristes d’al Qaïda.

«Fifteen years after the Oklahoma City bombing, the spectre of domestic terrorism has returned to haunt the Obama Administration, with a warning from the FBI that “home-grown and lone-wolf extremists” now represent as serious a threat as al-Qaeda and its affiliates.

»The warning, from the FBI Director, Robert Mueller, came as the former President Clinton drew parallels between the Oklahoma City tragedy and a recent upsurge in anti-government rhetoric, while American television audiences heard Timothy McVeigh, the Oklahoma City bomber, describe the “absolute rage” that drove him to plan an attack that killed 168 men, women and children.

»An FBI spokesman told The Times yesterday that Mr Mueller was referring to right-wing extremist groups and anti-government militias, as well as American Islamists, in his testimony to the Senate committee that must approve the FBI’s $8.3 billion (£5.4 billion) budget.

»Last month federal agents arrested nine members of a Christian militia based in Michigan, calling itself the Hutaree. They have been charged with plotting to murder local police with a stash of guns, knives and grenades. Since the passage of President Obama’s health reforms, the FBI has also made arrests in Seattle and San Francisco after death threats were sent to Democratic senators.

»“It’s one thing to express dissatisfaction with the Government but once you cross the line with a violent threat, that’s a violation that we take extremely seriously,” Bill Carter, the bureau’s spokesman, said.»

Après quelques mots sur Timothy McVeigh, expédié aux gémonies sous le terme standard du système de “hate figure”, – expression qui plairait certainement à BHL, tant le standard du jugement idéologique pour dissimuler les réalités de la crise fondamentale est absolument transatlantique, – l’article se termine par ces quelques mots sibyllins … L’on nous dit en effet que le terrorisme islamiste reste une grave menace, mais que tout va beaucoup mieux en Afghanistan, merci, – surprise, surprise, – mais que, par contre, la chose est beaucoup moins assurée pour le “terrorisme intérieur”, – surprise, surprise, la situation serait donc meilleure en Afghanistan qu’aux USA? Cela promet.

«The White House was careful to emphasise that the threat of external terrorism remained acute but senior officials are privately confident that military operations in Afghanistan are going well and putting al-Qaeda on the back foot. Few people in Washington are as confident about the domestic threat.»

Quelle étrange prémonition les fait-elle ainsi comparer la situation en Afghanistan à la situation interne aux USA, et établir cette mesure de la gravité plus grande dans le second cas que dans le premier cas, pourtant si catastrophique que leur private confidence (sur la situation en Afghanistan) en est sinistrement comique?

• Effectivement, comme le rapporte notamment Politico.com le 16 avril 2010, Bill Clinton, toujours aussi sémillant, s’est fendu d’un discours commémoratif de l’attentat d’Oklahoma City d'avril 1995. Il nous a donnés une leçon d’histoire directement issue des établissements universitaires du système, pleins de mots savants pour expliquer selon la narrative conforme cet acte de McVeigh autant que la crise qui affecta la psychologie américaniste durant ces années-là. (Voir les textes de William Pfaff de février 1992 sur la “crise d’identité” des USA. Voir aussi notre propre interprétation. Quant à McVeigh, on lira avec plus de profit ce que Gore Vidal a écrit sur lui que ce que l’ex-président Clinton nous en dit.). Le sémillant Bill Clinton est également pathétique à cet égard, pauvre créature incapable de se détacher des chaînes du système qui l’a fait, entre discours et pince-fesse, – pauvre créature, qui n’a plus rien à attendre des ors et des pompes du système, et qui pourtant continue à faire son boulot de semi-robot du système et à plaire aux dames. Passons.

Notre commentaire

@PAYANT En effet, qu’est-ce qui leur prend donc de réactiver les fantômes d’un passé extrêmement ambigu, dans lequel Timothy McVeigh tient une place également ambiguë, entre démon exorcisé par l’application démocratique de la peine de mort et héros secret du peuple, à l’égal d’un Jessie James? Pas d’autre explication à cet égard que l’immense trouille qui secoue le système, comme une fièvre pernicieuse qui toucherait cette créature énorme, ce dinosaure d’imposture, et qui se répercuterait sur ses créatures soi-disant humaines.

Que le FBI sonne l’alarme en laissant entendre que les milices de partout dans les Etats de l’Union, y compris celles de l’Oklahoma sans doute, sont aussi sinon plus dangereuses que les phalanges d’al Qaïda, c’est après tout une vérité involontaire qu’il est bien imprudent de proclamer à la face du peuple américain. Mettront-ils officiellement, demain, sur les affiches Wanted, Dead or Alive, les dirigeants de Tea Party en parallèle avec ceux d’al Qaïda? Feront-ils, demain, des législateurs des Etats de l’Union qui veulent constituer les propres forces de cet Etat, comme en Oklahoma, des “terroristes” à l’égal des soldats confédérés et de leur général, Robert E. Lee? Feront-ils la même chose d’un Ron Paul, qui vaut bien un Obama dans les sondages? Il faut que la trouille soit bien considérable pour risquer d’éveiller de tels démons, face à la colère populaire dont ils peinent à mesurer l’intensité, en ignorant aveuglément ses causes.

Les déclaration du directeur du FBI Mueller montrent que le système non seulement prend les choses au sérieux, non seulement se déclare prêt à frapper, mais surtout accélère sa course dans cette voie qui ne peut se définir que par l’expression de “jeter de l’huile sur le feu”. Faire de telles déclarations où Tea Party est implicitement envoyé dans le domaine de la diabolisation où trône al Qaïda, quelle suprême erreur tactique, au point où l’on parlerait d’une stratégie suicidaire du système !

Les déclarations du directeur Mueller sont une bonne mesure du désarroi du système face à une situation intérieure US aussi insaisissable que du sable coulant entre les doigts d’une main, – sable irakien, ou sable US importé en Irak, qu’importe. Il existe une incompatibilité de compréhension abyssale entre le système et la situation intérieure des USA, qui enchaîne sur la démonstration faite, depuis 9/11, de l'égale incompréhension du système de la situation du monde. La même tactique est suivie, qui est celle de frapper, et encore frapper, pour tenter d’étouffer le désordre grandissant dont la cause est justement les coups qu’on lui assène pour le résorber. En réalité, le “désordre” aux USA est (était) minime dans sa spécificité, – c’est-à-dire qu’il était minime, dans ce peuple accoutumé à subir l’imposture depuis l’origine, – mais il ne cesse d’enfler à cause de l’exacerbation que provoquent les réactions du système.

L’attitude du directeur du FBI, conforme aux consignes du système, montre que la montée de la colère ne cessera plus jusqu’à l’affrontement final, parce que les réactions du système feront ce qu’il faut pour cela. Ainsi donc, les phalanges du FBI devront donc un jour affronter les milices officielles de l’Etat de l’Oklahoma lorsqu’elles voudront intervenir sur le territoire de cet Etat souverain pour opérer les arrestations qui vont bien, devant un rassemblement “terroriste” dans cet Etat. Effectivement, à cette aune les soldats confédérés étaient bien des “terroristes” comme les définit le philosophe de CNN Steve Martin, mais alors c’est bien un honneur, aujourd’hui, que d’être catalogué “terroriste”. Voilà qui réchauffera le cœur des “talibans” qui règnent dans les montagnes d’Afghanistan, où l’on est “privately confident” que tout va mieux.

…En attendant, nous attendons la prochaine gaffe du président Africain-Américain Barack Obama, dit BHO, nous dire que, “qu’on le veuille ou non”, le système américaniste est terroriste pour ses propres citoyens, comme il l’a dit de la puissance militaire de ce système. C’est pour la cause, alors, qu’un Dick Morris s’exclamera fort justement que ce président “est le président le plus anti-américaniste” que les USA aient jamais eu. Cher président Obama, peut-être faudra-t-il un jour que vous vous décidiez à laisser libre cours à votre brillante intelligence et à franchir votre Rubicon personnel, et, plutôt qu’être un “American Kerensky”, vous décider pour l’option “American Gorbatchev”.

Un “ticket” BHO-Ron Paul en 2012?

…Dans tout cela, décidément, rien de véritablement humain, comme nous entendons la chose. Plus que jamais, il nous paraît évident qu’une énorme machine régit nos destinées, ce mégasystème anthropotechnique qui manipule les créatures qu’il a à son service, pour cette occasion d’un Clinton à un Mueller. Nous sommes particulièrement confortés dans la justesse de notre choix d’explorer, avec notre ami Jean-Paul Baquiast, cette hypothèse centrale de notre crise de civilisation, dans notre sérieDIALOGUES”. Il n’y a pas de complot, il y a une mécanique en action, même si cette action produit ici ou là quelque chose qu’on peut qualifier de “complot”, – mais ce n’est pas l’essence du mécanisme.

Ce que montre une fois de plus l’épisode de cette “commémoration” de l’attentat d’Oklahoma City, c’est l’extraordinaire maladresse des réactions du système devant les réactions que suscite son action, comme dans un cycle infernal réactions-réactions. Ce qu’il nous confirme, par conséquent, c’est que l’affirmation en constante augmentation de la puissance du système donne une mesure exactement parallèle et similaire de la constante augmentation de sa crise.

La puissance extraordinaire de ce mégasystème anthropotechnique semble aller de pair avec un aveuglement à mesure, qui lui fait prendre, d’une façon systémique, en aveugle par conséquent, exactement les plus mauvaises mesures de réaction possibles face à chaque réaction que son action précédente a engendrée. La caractéristique remarquable est que cet aveuglement caractérise d’une façon également systémique les créatures qui le servent. L’infection presque sans espoir de leur psychologie, – à moins d’une dose massive d’antibiotiques, mais l’on sait que les antibiotiques ne sont plus ce qu’ils étaient, – les pousse effectivement aux mêmes erreurs, recommencées d’une façon systémique, à chaque fois à un stade supérieur de gravité. Un peu comme l’Histoire pour certains, l’évolution catastrophique du système évolue en spirale, repassant et repassant dans le même plan vertical des mêmes erreurs, chaque fois un étage plus bas dans la gravité (ou bien, disons “plus haut” pour mieux illustrer l’aggravation du degré de gravité). Comme l’on sait, ou comme l’on s’en doute, le principe dynamique de la chose est bien entendu celui d’une accélération constante du mouvement.

Voyons le bon côté des choses. Cet épisode, et l’imprudente équivalence entre le terrorisme made in Bush, islamiste, “al qaïdien” et ainsi de suite, et le soi-disant “terrorisme” intérieur US en pleine période de développement paraît-il, nous donne une excellente mesure du montage gigantesque qu’est cette affaire de terrorisme depuis 9/11… Mais montage systémique, automatique, du type, selon la phrase fameuse de BHO, “qu’on le veuille ou non” – “qu’on le veuille ou non, nous sommes obligés de développer de tels montages pour nous justifier d’exister, de développer notre politique de ‘l’idéal de puissance’, pour satisfaire, sous les ukases du système de la communication, à l’insatiable volonté de puissance mécaniste du système du technologisme”. Le jour où BHO nous dira cela, nous saurons que nous y sommes. Peut-être choisira-t-il alors Ron Paul pour remplacer Joe Biden, pour son ticket des présidentielles de 2012. A eux deux, ils feront un malheur, jusqu’à être soupçonnés de “terrorisme” par le directeur du FBI.