Réaction US (Congrès) à l’affaire Mistral-Russie

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Pour la première fois, une réaction officielle US est enregistrée concernant la vente possible du porte-hélicoptères français Mistral à la Russie. Elle vient d’une parlementaire républicaine de Floride, Ileana Ros-Lehtinen, Représentante à la Chambre qui dirige les républicains à la Commission des Affaires Etrangères.

Une dépêche AFP du 18 décembre 2009, relayée par Spacewar.com, écrit notamment :

«France's plans to sell a powerful warship to Russia, which has unsettled Georgia and other neighbors, has drawn fire in the US Congress where some warned against NATO arms sales to Moscow. Representative Ileana Ros-Lehtinen, the top Republican on the House Foreign Affairs Committee, has introduced a non-binding resolution urging President Barack Obama to press Paris to cancel the transaction.

»“France and other member states of the North Atlantic Treaty Organization and the European Union should decline to sell major weapons systems or offensive military equipment to the Russian Federation,” the measure says. Ros-Lehtinen's resolution underlines that the sale, estimated at 600-750 million dollars, would be the first time a NATO nation has provided “such advanced technology to Russia” and will likely upset Moscow's neighbors.»

Notre commentaire

@PAYANT Ileana Ros-Lehtinen est une parlementaire d’origine cubaine, directement connectée à l’opposition anti-castriste des réfugiés cubains de Floride. Elle est connue pour avoir provoqué une polémique lors d’une émission radio, en s’affirmant partisane de l’assassinat de Castro (Fidel). Elle n’a jusqu’ici montré qu’un intérêt moyen pour la situation européenne, pour la question des rapports de la Russie avec ses voisins immédiats, pour la Géorgie notamment, dont on connaît l’activisme forcené contre la vente possible du Mistral à la Russie, depuis qu’a été annoncée la possibilité sérieuse de cette vente. La connexion de Ros-Lehtinen avec la question du Mistral (vente d’armements aux Russes) vient en bonne partie des réseaux qui touchent aux deux questions concernées – la question de la position anti-russe d’une part, l’activisme anti-castriste de l’autre. Il s’agit bien entendu des réseaux néo-conservateurs et les organisations privées de tendance idéologiques déstructurantes, avec les intérêts industriels qui vont avec, qui cultivent effectivement les connexions anti-castristes et l'activisme américaniste en Amérique Latine, autant que les tendances anti-russes de type “révolution de couleur” en Europe.

D’après ce qu’on peut en savoir, cette position de Ros-Lehtinen n’exprime pas une position officielle (du gouvernement), tout simplement parce qu’il n’y a pas eu de position officielle US sur la question. Peut-être a-t-on eu une indication de cette position dans un échange entre Madeleine Albright et l’ambassadrice de Géorgie à Bruxelles, jeudi dernier, lors d’une conférence. (Albright préside une commission qualifiée d'“indépendante” qui est chargée d'étudier et d'apprécier le développement du nouveau concept stratégique de l’OTAN). Albright a été la cible de certaines questions venues de représentants ou de relais de pays de l’Europe de Est, toutes ces questions, assez provocatrices, impliquant des reproches voilées concernant indirectement la nouvelle attitude US vis-à-vis de la Russie. Par exemple, la première question, d’un journaliste d’un pays de l’Est demandait ce que ferait l’OTAN si la Russie rassemblait des avions de combat près de la frontière d’un pays de l’Est membre de l’OTAN. Réponse conforme et sans relief (“l’OTAN assumera ses responsabilités”). Puis la question de l’ambassadrice géorgienne, portant sur le sujet général de l’attitude de l’OTAN vis-à-vis de la Russie, avec la question subsidiaires de savoir ce que va faire l’OTAN alors qu’un pays important de l’Alliance est en train de réaliser une transaction portant sur des équipements militaires “puissants et d’une grande importance stratégique et technologique”. La référence à la France et au Mistral était bien entendu évidente. Albright n’a pas répondu précisément sur ce point bien qu’il ait semblé qu’elle comprenait bien de quoi voulait parler son interlocutrice; elle a expliqué d’une façon assez ferme que l’appréciation d’une situation de sécurité devait être faite en tenant compte de facteurs généraux, et non pas selon le point de vue étroit d’un seul pays, et que les pays qui aspirent à entrer dans l’OTAN (la Géorgie dans ce cas) ont autant un devoir de responsabilité dans leur comportement que l’OTAN aurait des responsabilités vis-à-vis d’eux. A la lumière de la référence à l’affaire du Mistral, il semblait s’agir d’une ferme invitation faite à ces petits pays d’Europe de l’Est de ne plus semer le trouble dans les relations avec la Russie par des polémiques clairement amplifiées par des visions très égocentriques (et, bien entendu, ajouterons-nous pour notre compte, par l’activisme des divers réseaux toujours en place).

La question qui se pose désormais est de savoir ce que sera l’écho de l’action de Ros-Lehtinen au Congrès, dans un domaine où ce sont bien plus l’émotion et l'intérêt (action des lobbies) qui règlent les comportements que la raison. Si cette action a un écho, cela peut influer sur la position de l’administration Obama, qui est dans un état d’extrême faiblesse vis-à-vis du Congrès, d'une façon critique à l'encontre de la vente possible du Mistral. D’autre part et a contrario, on sait que l’administration Obama est très désireuse de garder les relations avec la Russie sur la voie d’une amélioration décisive, notamment à cause de l’aide de la Russie en Afghanistan et des négociations sur un traité stratégique nucléaire (qu’on annonce en bonne voie de conclusion malgré des délais récents impromptus). Il y a le cas de l’OTAN elle-même, dont on a vu (le 16 décembre 2009) que sa position est assez spécifique, à cause du rôle personnel qu’entend jouer le secrétaire général Rasmussen. Il faut voir aussi ce que la Russie voudrait faire en cas de réaction US au marché éventuel avec la France: apaiser la situation ou en faire un “test de confiance” avec l’Ouest, ou bien un cas de mise en évidence d’éventuelles divisions à l’OTAN. Enfin, pour la France, qui a “réintégré” l’OTAN, il s’agirait dans tous les cas d’un bon test pour mesurer où en est exactement sa politique de souveraineté nationale. L’affaire du Mistral est devenu un cas politique d’une extrême importance.


Mis en ligne le 21 décembre 2009 à 06H56

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