Quelques précisions de “notre allié Al Qaïda”

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Il se trouve, de la façon la plus démocratique du monde après tout, que l’on reçoit de nouvelles informations sur “notre allié Al Qaïda” dans le contexte de la crise libyenne. Nous avions signalé sa présence le 19 mars 2011. Ce 25 mars 2011, dans le même Daily Telegraph déjà cité dans la nouvelle précédente, nous pouvons lire diverses précisions sur le même sujet, rapportées par Praveen Swami. La source initiale est une interview du chef rebelle libyen Abdel-Harim Al-Hasadi, donnée au journal italien du Il Sole 24 Ore. Al Hasadi était déjà cité le 19 mars.

Le texte de Swani, relativement bref, confirme tout ce qu’on pouvait penser, avec des détails convaincants qui nous laissent à penser, à propos de la composante islamiste/Al Qaïda au sein des forces rebelles libyennes, et celle-ci apparaissant loin d'être négligeable. Par ailleurs, diverses prises de position extérieures de groupes concernés montrent que les tendances islamistes/Al Qaïda soutiennent en général la bataille contre Kadhafi. L’article rappelle qu’Al Qaïda s’est prononcé au début du mois en faveur de la rébellion, estimant qu’elle allait permettre d’“installer l’Islam” en Libye.

«In an interview with the Italian newspaper Il Sole 24 Ore, Mr al-Hasidi admitted that he had recruited “around 25” men from the Derna area in eastern Libya to fight against coalition troops in Iraq. Some of them, he said, are “today on the front lines in Adjabiya”. Mr al-Hasidi insisted his fighters “are patriots and good Muslims, not terrorists,” but added that the “members of al-Qaeda are also good Muslims and are fighting against the invader”.

»His revelations came even as Idriss Deby Itno, Chad's president, said al-Qaeda had managed to pillage military arsenals in the Libyan rebel zone and acquired arms, “including surface-to-air missiles, which were then smuggled into their sanctuaries”.

»Mr al-Hasidi admitted he had earlier fought against “the foreign invasion” in Afghanistan, before being “captured in 2002 in Peshwar, in Pakistan”. He was later handed over to the US, and then held in Libya before being released in 2008.

»US and British government sources said Mr al-Hasidi was a member of the Libyan Islamic Fighting Group, or LIFG, which killed dozens of Libyan troops in guerrilla attacks around Derna and Benghazi in 1995 and 1996. Even though the LIFG is not part of the al-Qaeda organisation, the United States military's West Point academy has said the two share an “increasingly co-operative relationship”. In 2007, documents captured by allied forces from the town of Sinjar, showed LIFG members made up the second-largest cohort of foreign fighters in Iraq, after Saudi Arabia.»

…Par conséquent, les affaires du monde sont d’une complexité extrême, et d’une complexité souvent pitoyable. Dans nos milieux officiels et bien-pensants, on ne fait pas trop de publicité sur cet aspect de la crise libyenne parce qu’il met d’une façon générale la “communauté internationale”, ou plutôt le bloc américaniste-occidentaliste (BAO), dans une situation d’un certain inconfort. Il semble assuré qu’il existe effectivement une composante de la sorte, islamiste et proche d’Al Qaïda, dans la rébellion libyenne. Il semble que diverses informations dans ce sens existaient d’ores et déjà au sein des divers services occidentaux et étaient communiqués aux dirigeants politiques, avant qu'on en vînt aux projets d'intervention. Du point de vue de ces directions politiques, cette situation et ces informations imposaient la prudence, pour le moins.

Tout cela a été balayé par l’interférence de facteurs absolument incontrôlables, sinon évidemment irresponsables, dont le principal est en l’occurrence l’activisme de notre “super-ministre des affaires étrangères” BHL couplé aux très mauvais sondages de Sarko et à la perspective pour ce président de la république de se refaire une santé grâce à une belle et bonne opération humanitaire. Cette circonstance a précipité la crise, amenant à l’engagement qu’on sait, depuis le 10 mars et la reconnaissance du “gouvernement” rebelle par Sarko. Dès ces diverses circonstances actées, toute la politique du bloc BAO était prisonnière du système de la communication, des slogans humanitaires, des relais médiatiques, puis, au-delà, des pressions du système du technologisme, des bureaucraties militaires et ainsi de suite.

Il semble bien, les choses étant considérées à la lumière de ce que nous apprend Al Hasidi et des restrictions d’engagement que cela impliquait au départ pour les directions politiques de la “communauté internationale”, que le processus d’engagement et d’intervention en Libye de cette “communauté internationale” doive être cherché du côté de ces circonstances futiles et anodines (BHL, Sarko et compagnie). Après coup, certes, et puisqu’on y est, on peut effectivement rechercher et trouver divers plans d’investissement et d’invasion, avec les desseins américanistes derrière tout cela. Mais l’origine, elle, pourrait bien se trouver dans ces circonstances grotesques et bouffonnes, pour aboutir à une situation qui, par certains côtés et à côté des tragédies humaines qui marquent cette sorte de crise, l’est également, grotesque et bouffonne. Tout cela, pour le grotesque et le bouffon prolongés au-delà et presque sans fin, doit être considéré à une autre lumière, qui est celle des politiques sacrées proclamées depuis le 11 septembre 2001 et aux serments de destruction de la terreur dans le monde postmoderne, dont Al Qaïda est la plus hideuse représentation.

…Par conséquent, certes, discrétion officielle et de bon aloi sur les explications diverses de Al Hasidi et sur la présence éventuelle des groupes islamistes. Le bloc américaniste-occidentaliste poursuit donc immuablement sa politique, qui est de croiser les doigts et de prier que les nombreuses bombes à retardement que recèlent cette politique et ses contradictions sans fins, de manigances en compromissions, d’alliances contre nature en causes humanitaires et de communication, de corruptions en aveuglements divers, tout cela couronné par l’arrogance et l’hubris bien caractéristiques de notre civilisation, n’explosent pas en faisant quelques vagues et quelques taches du plus mauvais effet.


Mis en ligne le 26 mars 2011 à 14H18

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