Pourquoi pas une “solution finale” en Afghanistan ?

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Après le départ de McChrystal de la direction des opérations en Afghanistan, le flux est impressionnant en faveur de l’application d’une tactique de ce qu'on pourrait nommer une “guerre totale”. Le site WSWS.org analyse ce phénomène, le 29 juin 2010. Après avoir signalé plusieurs interventions d’avocats de cette orientation, il s’arrête à l’étude d’un expert italien détaché à l'honorable CSIS (Center for Strategic and International Studies) de Washington, publiée dans le Washington Quaterly, publication de l'archi-honorable CSIS. Lorenzo Zambernardi fait une étude de la doctrine dite de “contre-insurrection” qu’il appuie sur trois principes, – protection des forces (1), distinction entre civils et insurgés pour épargner les civils (2), destruction physique des insurgés (3), – pour conclure qu’il faut abandonner le principe 2, manifestement superflu, pour les seuls principes 1 et 3. WSWS.org observe, en citant Lorenzo Zambernardi : «The alternative, the author writes, is to focus on the first and third goals instead: “A state can protect its armed forces while destroying insurgents, but only by indiscriminately killing civilians as the Ottomans, Italians, and Nazis did in the Balkans, Libya, and Eastern Europe, respectively.” This choice, what the author later calls “a policy of barbarism,” could perhaps be described as “the Hitler option.”»

@PAYANT Beaucoup plus encore qu’être scandaleuse et sordide, cette évolution des jugements du monde des “experts“ du bloc de la civilisation américaniste-occidentaliste et des chroniqueurs qui, comme on s’en doute, font leur chronique, est étrange et mériterait évidemment d’être étudiée comme une sorte de déviation pathologique collective, même pas du jugement, mais de leur psychologie, c’est-à-dire des outils de la pensée dont ils ne sont même plus maîtres. Il faut être partie prenante d’une pathologie collective de la psychologie, avec une respectable tendance schizophrénique certes, pour en arriver à promouvoir une “politique de barbarisme” en citant comme l’une des trois références exemplaires la politique de guerre totale et d’extermination raciale de Hitler en Europe de l’Est, alors qu’on fait partie d’un establishment dont l’un des piliers “moraux”, presque d’ordre quasi-religieux (ce qui justifie les guillemets) comme l’a bien montré Diana Johnstone, est la référence, non pas négative mais diabolique, de l’Holocauste et de ce qui va avec, qui est évidemment la politique d’extermination raciale de Hitler en Europe de l’Est.

Il est bien entendu hors de question de discuter de cette sorte de proposition du point de vue tactique ou stratégique, c’est-à-dire du point de vue “militaire”, ni même de discuter l’aspect moral plus avant. On n’a pas de temps à perdre à discuter de cette sorte, avec cette sorte de robots-experts qui sont prêts à faire fonctionner le poteau d’exécution dès qu’un historien envisage d’examiner un aspect, même mineur, de la version du catéchisme officiel de l’Holocauste, et qui vous proposent par ailleurs d’employer en Afghanistan “a policy of barbarism” dont l’une des références est la guerre totale d’extermination raciale de Hitler en Europe de l’Est. Le cas n’est ni tactique ou stratégique, ni moral, il est bien pathologique comme nous le suggérions plus haut, puisque relevant d’une schizophrénie effectivement de type robotique plutôt que neurologique. Ces experts-robots n’imaginent même pas une seule seconde qu’il puisse y avoir dans leur comportement cette sorte de contradiction extravagante, – sinon, ils seraient immédiatement victimes d’un malaise “à-la-Petraeus”, qu’on puisse les soupçonner un instant de ne pas complètement respecter à la lettre, voire à la virgule, le catéchisme officiel de l’Holocauste. C’est bien le territoire de la pathologie. (Il faut observer avec insistance que, dans son article, Lorenzo Zambernardi ne recommande pas ce que WSWS.org nomme “l'option Hitler”, mais il est manifeste que l'évocation de cette “option” correspond à un courant de pensée washingtonien aujourd'hui. C'est de ce point de vue qu'il faut envisager son évocation.)

Le départ de McChrystal constitue donc un tournant, non dans la situation en Afghanistan ni dans les conceptions stratégiques à Washington, mais dans la pathologie de la psychologie dont, notamment, la communauté des experts-robots du système est fortement affectée. Il n’y a maintenant plus aucune bride laissée aux initiatives, conseils et propositions concernant la politique militaire en Afghanistan évoluant vers l’extrémisme le plus total, en désespoir de cause et de proclamation de victoire, ou d’une narrative qui s’en rapproche. Il semble apparaître de plus en plus manifeste que l’idée selon laquelle on continuera à “faire du McChrystal sans McChrystal” (suivre sa stratégie sans lui) est promise à très vite disparaître. Le grand tort de McChrystal aura donc été, finalement, d’observer qu’il était quasiment impossible de gagner cette guerre dans les conditions existantes.

(Accessoirement – est-il possible que McChrystal, arrivé à son commandement avec une réputation d’exécuteur des basses œuvres de Rumsfeld à la tête des Forces Spéciales, se retrouve un jour dans les ”dissidents” antiguerres, avec sa rubrique dans Rolling Stones ? Ce n’est pas impossible selon la façon dont évoluent les choses. On vient d’apprendre que McChrystal avait demandé sa mise à la retraite anticipée.)..

L’Afghanistan est désormais prête à devenir une pathologie en elle-même, c’est-à-dire une forme spécifique de la pathologie américaniste-occidentaliste, – ce qui en fera finalement un conflit infiniment plus dévastateur pour nos psychologies que ne fut, par exemple, l'affaire irakienne. Les pays membres de l’OTAN engagés dans cette absurdité sanglante peuvent commencer à envisager les éventualités où ils pourraient être accusés d’être engagés dans une campagne d’extermination raciale ou ethnique. Le système de la communication est désormais orienté dans ce sens et la critique dissidente va s’en donner à cœur joie, avec un thème de cette force. Il nous paraît assuré que cette orientation a d'assez bonnes chances d’être suivie à cause de la faiblesse de caractère d’un Petraeus, qui n’a pour seule préoccupation que celle de plaire à la communauté washingtonienne, donc à ses experts-robots et à ses parlementaires assoiffés de sang afghan. (Venu en Irak pour transformer une campagne marquée par le massacre indiscriminé de civils en une campagne de corruption des forces en présence, Petraeus arriverait donc en Afghanistan pour faire à peu près le contraire…) Il est ainsi possible que l’OTAN, y compris son secrétaire général Rasmussen et les pays membres engagés dans cette affaire vont se trouver assez rapidement, dans un tel cas, devant un très délicat problème de relations publiques. S’il s’agit de défendre face aux journalistes et de justifier pour le bon peuple une “policy of barbarism” ou quelque chose d’approchant, avec référence aux campagnes hitlériennes de l’Est, l’OTAN & consorts vont réellement connaître des temps très difficiles.

Faut-il parler d’Obama, dans ce cas ? Non, ne parlons même pas d’Obama qui, s’il a réaffirmé la prééminence du civil sur le militaire dans l'affaire McChrystal, l’a peut-être fait pour pouvoir mieux figurer bientôt dans la galerie de ceux qu’on dénoncera comme des criminels de guerre impunis, aux côtés d’un Bush et d’un Rumsfeld, toujours dans cette hypothèse de l’évolution tactique à laquelle on fait référence. L’entraînement de ce président dans l’absurdité de la guerre en Afghanistan, avec cette nouvelle phase qui se dessine, ne serait même pas une tragédie personnelle tant elle réduirait le personnage au niveau d’un bouffon tragique et cruel, sans le moindre intérêt, ce qui acterait une bien triste déchéance de celui qui paraissait au départ un si brillant personnage. Il serait d’ailleurs inutile d’aller plus loin dans le commentaire car, bien évidemment, aucune force armée occidentale, dont la valeur militaire combattante n’a jamais été aussi piètre, n’a le brio militaire d’accomplir avec quelque efficacité que ce soit la “policy of barbarism” en question. Par bonheur, les forces occidentales auront, auparavant, reçu une raclée monumentale, parce qu’elles n’arrivent pas à la cheville de la Wehrmacht dans l’exécution d’une guerre totale de cette sorte.


Mis en ligne le 29 juin 2010 à 11H38