OWS et la première fracture dans la Système

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C’est peut-être une nouvelle phase, particulièrement importante, dans ce qui deviendrait désormais, avec l’événement Occupy Wall, Street (OWS), une véritable crise OWS aux USA. Il s’agit de la nouvelle, selon le Albany Times Union, reprise par RAW Story le 24 octobre 2011, du refus des autorités des polices et locales et de l’Etat de New York (Albany est la capitale de l’Etat de New York dont fait partie New York City) et des forces de sécurité de cet Etat d’exécuter une action répressive de dispersion des 700 protestataires de Occupy Albany installés sur la voie publique.

«According to the Albany Times Union, New York state troopers and Albany police did not adhere to a curfew crackdown on protesters urged by Gov. Andrew Cuomo (D) and Albany mayor Gerald Jennings. Mass arrests seemed to be in the cards once Jennings directed officers to enforce the curfew on roughly 700 protesters occupying the city owned park. But as state police joined the local cops, moved past the property line dividing city and state land.

»With protesters acting peacefully, local and state police agreed that low level arrests could cause a riot, so they decided instead to defy Cuomo and Jennings. “We don’t have those resources, and these people were not causing trouble,” a state official said. “The bottom line is the police know policing, not the governor and not the mayor.”»

Certes, il s’agit d’un événement de rupture, non pas nécessairement explosif dans l’instant, non pas d’une importance massive dans l’immédiat, mais qui ouvre une phase nouvelle par son caractère structurel et officiel (autorités contre autorités). La crise OWS, sans acte prémidité dans ce sens de OWS et le reste, provoque un conflit à l’intérieur des directions du Système, dans un cas suffisamment important pour qu’on l’apprécie de cette façon. D’un côté, le gouverneur de l’Etat de New York et la maire d’Albany, qui donnent l’ordre aux forces de l’ordre de disperser Occupy Albany, avec 700 personnes installées dans une trentaine de tentes, dans un parc de la ville. La direction des forces de l’Etat et de la police d’Albany répond par une fin de non recevoir, avec cette déclaration qu’on jugerait stupéfiante si l’on se réfère à la hiérarchie des pouvoirs, que “le point essentiel est que c’est la police qui sait comment assurer l’ordre, pas le gouverneur ni le maire”. Et cette direction a estimé qu’une dispersion risquerait de provoquer une émeute et que, de toutes les façons, “ces gens ne provoquent aucun désordre”. Il s’agit certes d’un jugement technique mais clairement accompagné par une considération concernant le comportement des “occupants” qui est, dans le contexte actuel de tension, d’ordre politique. Contre l’avis du gouverneur et du maire, dont la volonté de dispersion d’Occupy Albany repose sur l’appréciation politique que ce mouvement met en cause les intérêts du Système, on oppose le droit à la protestation dès lors que l’ordre public n’est pas menacé, sans aucune considération apparente pour les intérêts du Système.

L’on sent depuis deux ou trois semaines, à divers signes, qu’il existe des dissenssions dans les autorités du Système face au mouvement des “occupants”. Les participants au mouvement Occupy Wall Street à New York eux-mêmes ne cessent de faire la différence entre “les policiers en chemise bleue”, les officiers subalternes, arrangeants, aimables avec les manifestants, et les “officiers en chemise blanche”, de grades supérieurs, qui se montrent brutaux et provocateurs. On sait que se constituent des associations de type “Occupy” au sein des forces de police et de vétérans militaires (voir ce 24 octobre 2011). Les slogans des groupes d’OWS, qui assaillent les 1% (des fortunes US, et plus généralement, des dirigeants-Système), ne cessent de clamer aux policiers que ceux-ci font partie, comme eux-mêmes, des 99% qui subissent le joug du Système. Cette logique a la force de la vérité et elle reçoit incontestablement un écho dans les groupes concernés.

Il s’agit d’un aspect essentiel de la situation aux USA. L’habitude européenne, basée sur une conception centraliste de l’Etat et des structures officielles, est de considérer que l’on se trouve dans cette situation US devant deux blocs, d’une part le Système et ses dispositifs de sécurité et de contrôle de la situation publique, d’autre part la population elle-même, qui est sous le contrôle du Système. Le cas considéré ici montre que cette appréciation est bien trop schématique. Le malaise existant au sein de la population, qui a donné à OWS la puissance qu’on lui voit actuellement, touche également une partie des autorités du Système, et, parmi elles, certains segments importants des forces de sécurité souvent impliquées d’une façon ou d’une autre dans la vie communautaire (nombre d’officiels sont élus, les contacts personnels avec les populations, de la part des forces de sécurité locale, sont importants, souvent associatifs, etc.). On avait déjà observé cette situation dans la crise de Madison, dans le Wisconsin, en février dernier, lorsque des policiers municipaux avaient refusé de déloger des “occupants” du Congrès de l’Etat du Wisconsin, à Madison. (La chose était moins importante que le cas d'Albany dans ses implications potentielles, la crise de Madison étant restée régionale.) Les structures localistes existantes aux USA, ainsi qu’une indépendance certaine des agences et départements officiels, facilitent des positions indépendantes des uns et des autres, malgré la hiérarchie officielle des pouvoirs. Cela conduit, à la lumière du cas d’Albany, à considérer avec une extrême circonspection le scénario parfois évoqué, très schématique et plutôt trop schématique, suggérant qu'on aboutirait à une répression massive du mouvement OWS si l’on en arrive à une situation que le Système jugerait inacceptable pour sa sécurité et pour ses intérêts. La situation potentielle est beaucoup plus complexe que cela, et les risques de fragmentation du pouvoir du Système et de ses instruments de répression et de maintien de l’ordre sont extrêmement élevés dans l’environnement général de crise aux USA. Dans ce cas, le scénario d’une crise générale à l’intérieur des structures du Système en cas d’ordre général de répression est au moins aussi crédible, sinon plus à notre sens, que le scénario d’une répressioin menée d’une façon déterminée. On imagine le poids que péserait une telle hypothèse, si elle ne pèse déjà, dans les décisions et les comportements des uns et des autres dans la crise OWS. On peut d’ores et déjà considérer que le pouvoir politique et politicier du Système est fragmenté face à cette crise majeure, – d’une façon paradoxale, puisque la possibilité la plus souvent évoquée au départ du mouvement OWS était l’essoufflement et la fragmentation de ce mouvement.


Mis en ligne le 25 octobre 2011 à 05H16

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