Obama est-il prisonnier de “Gitmo”?

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Les circonstances, les supputations et diverses déclarations ont conduit à faire du sort du centre de détention de Guantanamo un test de la présidence Obama. (Guantanamo, dit “Gitmo” dans le langage acronymique du Pentagone, fameux pour son illégalité, pour le traitement des prisonniers, la pratique de diverses formes de torture,) De plus en plus, l’initiative, promise par le candidat Obama, de fermer le centre de Guantanamo apparaît comme le premier défi du président Obama. “Défi” est bien le mot, tant la chose apparaît bien moins facile qu’elle semblerait paraître aux esprits simples. Pourtant l’impatience chez les partisans d’Obama est grande, voire exigeante (communiqué de Anthony Romero, président de la puissante ACLU [American Civil Liberties Union]: «There is no room for patience or delay in these areas. We have to hold president-elect Obama's feet to the fire»).

Un article de ce jour, dans le Guardian, éclaire cette affaire sous un jour inédit. Il s’agit des obstacles qui attendent l'administration Obama pour parvenir à la fermeture du centre de Guantanamo. Ces obstacles sont présentés d’abord d’un point de vue idéologique, comme une résistance ultime de l’administration GW Bush pour préserver son “legs”.

«The White House yesterday warned president-elect Barack Obama about his campaign promise to close Guantanámo Bay saying “it's not so easy” to shut down the notorious detention centre.

»Hopes that Obama would move swiftly to dismantle the detention facility rose after the Associated Press reported yesterday that his legal advisers were drafting plans to ship scores of inmates from the offshore prison to the mainland to stand trial in US courts. […]

«But White House press secretary Dana Perino said yesterday: “When you pick up people off the battlefield that have a terrorist background, it's not just so easy to let them go. It's not so easy just to say that you're going to close Guantanámo Bay.” […]

»Obama has repeatedly promised to shut down Guantanámo, calling the camp “a sad chapter in American history”. But legal sources said yesterday that it was unclear whether Obama's advisers had had a chance since the election to consult on the plans or talk to Pentagon lawyers to seek advice on the military tribunals process, and added that they do not see how Guantanámo can be closed with the first months of his administration.

»Scott Silliman, an expert on military law at Duke University in Durham, North Carolina, said Congress would have to empower a new court system to try the detainees, which would take time. It might also be politically unpopular to keep large numbers of terror suspects in the US, with critics suggesting that could provoke retaliation from al-Qaida. The Pentagon concedes it has no evidence to charge the majority of the 250 detainees with terrorism.

»Obama would return those prisoners to a third country, and in some cases the US would demand assurances that they would remain under surveillance. The process is further complicated by the fact that 50 or 60 of those detainees are men without a country. They are unable to return to their own country, and no other country will take them, according to human rights lawyer Clive Stafford Smith.»

Ces divers détails permettent d’avoir une idée plus précise de l’imbroglio extraordinaire que menace de devenir la question de Guantanamo. Ce centre de détention où existent des situations illégales et où se font des pratiques illégales, a été “légalisé” à force, par divers artifices complexes, pour faire correspondre cette réalité illégale à la construction de légalité formelle sur laquelle est bâti le système de l’américanisme. Il s’ensuit l’existence d’un extraordinaire imbroglio juridique, où il sera bien difficile de se retrouver comme c'est de coutume dans tout imbroglio.

Mais il y a plus. La résistance idéologique de l’administration Bush n’est rien. Ce qui apparaît, c’est une résistance bureaucratique à partir du Pentagone, que ce soit tant du point de vue juridique que du point de vue des nécessités de sécurité nationale, et d'une façon générale du point de vue de la puissance acquise de ce même Pentagone. Cette résistance bureaucratique est aussi bien d’inspiration idéologique (en faible partie, mais existante tout de même) que de pure essence corporatiste, pour conserver les “avantages” acquis en greffant sur cette démarche de la propagande patriotique et de sécurité nationale. La menace terrible de “terroristes” qui ne seraient plus à Guantanamo ou, qui sait, ombre affreuse, celle d’une riposte d’Al Qaïda par rapport au traitement des prisonniers sortis de Guantanamo, constitue le menu habituel et sempiternel de cette sorte d’affaire. En attendant, l’enjeu ne cesse de grossir pour Obama, dans la mesure où la fermeture de “Gitmo” devient un symbole des promesses de “changement” dont il a fait la colonne vertébrale de sa présidence. Il est difficile de penser qu’il ne considère pas cette affaire comme complètement fondamentale pour les débuts de sa présidence.

…D’où ceci que nous considérerons cette affaire de Guantanamo comme un avant-goût des obstacles qui attendent Obama s’il veut réellement mener une action réformatrice, notamment dans le domaine de la sécurité nationale. Contre lui, il y a Moby Dick, The House of war comme le décrit James Carroll, le Pentagone, avec sa bureaucratie si justement (et ironiquement à la lumière des forces en présence) dénoncée par Rumsfeld le 10 septembre 2001 . Mais que peut faire Obama sinon effectivement affronter le monstre, d’abord sur cette affaire de “Gitmo”, pressé comme il est par ceux qui ont applaudi son élection comme un symbole de sa gloire et de tant de promesses de changement, et qui exigent qu’il tienne ses engagements, au moins sur le premier d’entre tous les symboles?


Mis en ligne le 11 novembre 2008 à 12H22

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