Notes sur l’autodestruction du Système (dde.crisis)

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Notes sur l’autodestruction du Système (dde.crisis)

Voici la présentation, – désormais, c’est une habitude, – de notre numéro daté du 10 juin 2011 de dde.crisis. Le départ de notre réflexion est la chute de DSK et l’assassinat de ben Laden, – deux événements que nous avions présentés notamment dans nos F&C du 17 mai 2011 (il est question de DSK seulement) et du 19 mai 2011 (il est question de leur “liquidation”, – celles de ben Laden et celle de DSK). Il est effectivement nécessaire de placer les deux analyses dans une continuité, la seconde (du 20 mai) prolongeant et élargissant en la transformant substantiellement la thèse exposée dans le premier (17 mai).

Nous avons en effet placé ce que nous désignons comme la “liquidation” de ces deux personnages dans le cadre du Système, et interprété ces deux “liquidations” (y compris celle de DSK) comme des actes du Système lui-même, – le Système devenu fou alors qu’il se trouve sur les deux voies parallèles et incroyablement antagonistes de l’affirmation absolue de sa surpuissance et de sa Chute définitive dans l’autodestruction. C’est dans ce sens, avec l’accent mis sur le comportement du Système, que nous développons notre analyse ce mois-ci… Il va de soi que nous considérons le Système comme la manifestation générale du Mal, sous la forme essentielle de la déstructuration, comme “la source de tous les maux” (voir dde.crisis du 10 septembre 2010 et sa présentation sur ce site le même 10 septembre 2010).

Le phénomène dit “du Système” a toujours été notre préoccupation principale dans le développement de notre méthodologie crisique que nous identifions désormais, en l’actualisant, comme la “crisologie terminale du Système”. (Voir l’éditorial de ce même numéro de dde.crisis du 10 juin 2011). Il y a un historique contemporain de la chose, que nous avons largement documenté notamment dans notre analyse constante de ce que nous pourrions considérer comme la réalisation, à un niveau sectoriel parfaitement identifiable, d’un “Système parfait”, ou un modèle achevé de ce que devrait être le Système dans sa totalité : il s’agit du Complexe militaro-industriel (CMI), dont la création s’est faite entre les années 1920 et les années 1935-1936, et qui a pris aussitôt des dimensions, notamment spirituelles, dépassant largement les références (armement, technologie, puissance militaire, etc.) auxquelles on le réduit dans les analyses superficielles qu’on lui consacre.

Pour la période récente et décisive, commencée avec 9/11, il s’est d’abord agi pour nous de l’identification progressive du phénomène dans les circonstances courantes (voir, par exemple, le 9 septembre 2005) ; il s’agit parallèlement de l’analyse de l’origine du “Système dans sa totalité”, de sa constitution à partir de l'événement du “déchaînement de la matière” (voir, par exemple, le 26 août 2010, les textes divers de La grâce de l’Histoire, dans la rubrique de ce nom, certains textes de la rubrique DIALOGUES) et de son développement métahistorique, – de ce point de vue décisif, à la différence de l’appréciation initiale, qui reste historique, qu’on donne, par exemple, du cas du CMI (voir ci-dessus). Désormais, il s’agit de l’identification et de l’analyse des soubresauts gigantesques de la phase ultime du Système.

Vie et mort des “verrous”

Ce numéro de dde.crisis est l’occasion de poursuivre la réflexion à partir de ces bases solidement établies, au travers du destin de ben Laden et de DSK, puis ces deux destins amalgamés à celui du Système, et finalement manipulés et “liquidés” par le Système. Comme on l’a déjà proposé, ben Laden et DSK sont présentés comme des “verrous” d’un Système dont une particularité fondamentale est l’hermétisme, conjuguée à un aspect totalitaire qui exclut que quelque chose de significatif puisse exister en dehors de lui.

Voici comment nous présentons la “liquidation” de ben Laden et de DSK en fonction de leurs rôle de “verrous” du Système.

«Cet hermétisme suppose, comme toute forme et construction de cette sorte, des verrous qui en assure la cohésion, l’étanchéité et la solidité structurelle. Les sapiens font principalement l’affaire pour cette fonction essentielle, des sapiens qui sont, d’une façon ou l’autre, impliqués dans le Système pour y tenir une place assez importante et utile ; des sapiens d’exception, à cet égard, quoiqu’on puisse émettre quelques pensées bien évidemment sarcastiques sur ce caractère d’exception. La position de verrou est bien une “fonction”, une sorte de position mécanique, qui n’implique ni projet, ni jugement ni rien de cette sorte. C’est de cette façon que nous définissons, et que nous jugeons justifié de rapprocher jusqu’à leur attribuer une position similaire, ben Laden et DSK. Leur chute, qu’on présenterait au singulier comme étant une trajectoire commune de deux personnages tout entier définis par leur fonction de verrous de l’hermétisme du Système, représente un acte nouveau du Système, et un degré supplémentaire de sa dégradation et de sa crise.»

Anatomie de “leurs” suicides

Très rapidement dans le raisonnement sur le destin des deux hommes, en nous référant à notre interprétation dans le cadre méthodologique du Système, nous proposons l’idée que leurs morts peuvent prendre tout leur sens si elles sont considérées comme des actes suicidaires.

D’autre part, cette interprétation peut être complétée d’une façon très enrichissante par l’idée que leur comportement suicidaire ou les circonstances suicidaires de leurs morts font partie de la démarche autodestructrice du Système. On se trouve alors en conformité avec le constat précédent qu’ils constituaient des “verrous” du Système, et que leur destin se conforme en un sens avec celui du Système.

«Bien entendu, l’intérêt du destin de ces deux hommes, de leur “liquidation” se trouve dans leur participation passive mais extrêmement puissante dans la marche autodestructrice du Système. Dans ce cas, l’hypothèse que nous faisons de leurs démarches suicidaires individuelles est d’un intérêt certain dans la mesure où ces comportements individuels se coulent dans un comportement collectif, pour le renforcer, pour l’alimenter. Il importe alors de pousser l’analyse au delà des conséquences concrètes qu’on a vues de leurs destins, fatals tout autant l’un que l’autre mais d’une façon différente. Nous changeons de point de vue, passant des événements comme conséquences directes à celui des effets psychologiques cachés.»

Les serviteurs du Système, complices puis victimes

Ainsi est posée la question de la “dérive” du Système, de son évolution autodestructrice et qu’on peut également qualifier de “suicidaire”. Les serviteurs principaux du Système, les “verrous”, ne distinguent évidemment pas cette tendance, qui semble nourrir une ivresse de la psychologie, et s’y alimenter également. Ces “serviteurs principaux”, notamment les directions politiques, sont évidemment les complices soumis du Système dans cette occurrence, comme ils peuvent en devenir les victimes en étant chargés du même destin (cas des “verrous” ben Laden et DSK).

«Face à cette dérive, aucune autorité ne semble capable de peser sur le comportement du Système. D’une certaine façon, on dirait que les directions politiques et autres, et les centres d’intérêts et de pouvoir à l’intérieur du Système, sont eux-mêmes gagnés par cette ivresse, sinon définitivement investis par elle. De ce point de vue qui nous paraît catégorique, on observe qu’il n’existe aucune force qui soit susceptible de se dégager de cette ivresse. Ce n’est pas seulement que plus personne n’exerce de contrôle sur le Système, c’est plutôt, pas supplémentaire, que plus personne, plus aucune entité n’a plus la lucidité de comprendre la nécessité de s’opposer à cette course autodestructrice, au contraire parties prenantes de cette Chute…»

Similitude absolue des capacités de conquête et d’autodestruction

La logique interne du Système est inflexible, son efficacité également. Sa puissance s’exerce aussi bien dans sa capacité de conquête, ou capacité de destruction du reste pour établir son empire, que dans sa capacité d’autodestruction. Ces deux fonctions disposent d’une puissance absolument similaire, quasiment liées l’une à l’autre, sinon dépendantes d’une même substance, sinon confondues dans cette même substance… (En ce sens, le Système est également, comme les créatures qu’il soumet, prisonnier de lui-même.)

«Il existe une symétrie antagoniste saisissante entre l’extraordinaire efficacité du Système tel qu’il a investi le monde, notre civilisation, jusqu’à en faire une “contre-civilisation” caractérisée par un hermétisme totale, dont les ben Laden et les DSK divers sont les verrous ; et son efficacité non moins grande dans son empressement à détruire des verrous absolument essentiels à son efficacité, dans les moments où cette destruction est réalisée... »

La dimension nécessairement totalitaire du Système

Dans tous ses aspects, le Système ne peut être défini que par le qualificatif de “totalitaire”, qu’il faut même dégager de sa seule signification politique (tout en conservant cette dimension certes) pour accéder à une dimension métahistorique. Le Système est une totalité qui ne peut souffrir d’exception.

«[L]e Système peut se comparer avec n’importe quoi […] en matière d’épisodes politiques catastrophiques, il occupera la même position de supériorité maléfique. Il ne peut en être autrement puisque le Système est une totalité qui dépasse largement les limites envisagées pour les pires de nos totalitarismes ; cette totalité concerne aussi bien les sociétés humaines que toutes les autres choses, y compris l’univers, bien entendu, comme le montrent la crise climatique, la crise environnementale, etc. Cette totalité, enfin, constitue une force, une dynamique qu’on pourrait estimer, par hypothèse, comme étant absolue selon nos conceptions. Il s’agit du déchaînement de la matière, selon l’idée que le concept de “matière” désignerait tout ce qui peut s’inscrire dans cette dynamique, tout ce qui peut être “animé” sans opposer une résistance qui ferait appel à des références hautes, de type métaphysique, poursuivant des buts structurants dans le sens le plus large et le plus haut. […] Bien évidemment, toutes ces fonctions structurantes ainsi attaquées par le Système constituent l’opposition fondamentale au Système, et seraient seules capables d’opposer une résistance. Mais est-il bien nécessaire, sans même citer les risques de destruction encourus par elles, qu’elles organisent cette résistance?»

Le mécanisme de l’autodestruction

La dernière phrase de la citation ci-dessus («Mais est-il bien nécessaire, sans même citer les risques de destruction encourus par elles, [que ces fonctions structurantes] organisent cette résistance?») ouvre une interrogation fondamentale. Il s’agit d’envisager et de décrire le processus d’autodestruction du Système, dont nous faisons une de nos principales, sinon la principale hypothèse de notre analyse… Exprimée en d’autres termes, la question signifie : “A quoi bon mobiliser les fonctions structurantes contre le Système si le Système va vers sa destruction ?” (Outre la possibilité qu’en résistant contre lui, ces fonctions risquent l’anéantissement du fait de la surpuissance du Système.)

(C’est une question essentielle également pour ceci : nous parlons bien de “fonctions structurantes” et non de “structures”, en théorie détruites par le Système ; et nous observons implicitement que ces fonctions doivent être préservées pour jouer leur rôle après le Système, en créant de nouvelles structures.)

Cette “interrogation fondamentale” doit être explicitée par la recherche de la cause de cette course autodestructrice, dont nous affirmons qu’elle est aussi inéluctable que le Système est le Système. Cette course autodestructrice est décrite ci-dessous, par le constat que toute la puissance conquérante du Système, ce qui le rend irrésistible, est sa capacité de déstructuration ; que, pour atteindre à cette efficacité déstructurante absolue, qui lui donne sa position de domination absolue, il doit lui-même se structurer, et même se “sur-structurer” ; que la situation finale est donc celle d’un Système triomphant, ayant déstructuré totalement tout ce qui lui est opposé, et n’étant plus en présence que d'une seule structure, ou “sur-structure”, – lui-même… Obéissant à sa dynamique fondamentale, il s’attaque donc à cette dernière structure et se détruit lui-même.

«Nous devons garder à l’esprit que le but absolu de destruction du Système se nomme déstructuration, puisque c’est en les déstructurant qu’il pulvérise les obstacles, qu’il écarte les concurrences, etc. Suivant la logique de la dynamique qu’on décrit, on comprend qu’en parvenant à un rythme de surpuissance extrême, le Système parvient à une situation de structuration, voire de “sur-structuration” extrême. Il parvient ainsi à une situation où l’élan absolument déstructurant de sa surpuissance finit par s’attaquer avec une violence extrême à la seule situation de structuration sérieuse qui subsiste, qu’il perçoit comme l’obstacle ultime, qui est sa propre situation de structuration, voire de “sur-structuration”. La boucle est bouclée, comme ferait un scorpion qui finirait par se piquer lui-même avec l’aiguillon de son métasoma parfaitement arrondi pour la circonstance jusqu’à toucher son prosoma où se trouvent les organes vitaux ; le cycle du suicide, de l’autodestruction, de l’auto-déstructuration, effectivement accompli.»

Que faire face au Système ?

Face à ce cycle en cours d’achèvement de la dictature du Système, que peut-on faire ? Notre position doit être celle de l’“inconnaissance” (“ni ignorance, ni connaissance”) : on ne peut ignorer l’existence du Système, de son activité, de son dessein ultime, etc. (“ni ignorance”), mais il est inutile et dangereux de tenter de le connaître trop bien pour le détruire éventuellement, car l’on risque d’être absorbé par lui et de disparaître, au moins spirituellement, en lui (“ni connaissance”), – cela, pour une tâche inutile puisque le Système se détruit lui-même. (La question subsidiaire est : quand nous apercevrons-nous décisivement que cette phase d'autodestruction est en cours, comme c'est effectivement le cas ?)

«La vertu de l’inconnaissance du Système conduit donc à s’en tenir à reconnaître et à identifier ces deux puissantes généralités définissant le Système, hermétisme et autodestruction ; à se tenir aux actes qui les favorisent parce que l’on sait qu’en les favorisant l’on favorise effectivement une séquence dont le terme se confond avec le terme du processus d’autodestruction du Système. Pour cela, tous les actes alimentant le désordre par rapport au Système sont fructueux et bénéfiques parce qu’ils amènent une réaction du Système pour le renforcement de ses structures et de son hermétisme, par conséquent une incitation renforcée à son autodestruction alimentée par sa volonté de déstructuration. Cela n’empêche nullement de développer une description critique constante de l’évolution du Système, pour mieux informer et instruire ceux qui observent le phénomène, de ses particularités, de ses spécificités, de son caractère démoniaque et ainsi de suite. De toutes les façons, cette description critique, qui est nécessairement faite sans interférence sur le fonctionnement du Système, ni sur ses divers actes, est en général ignoré par lui et laissée impunie.»

 

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