Lire et relire Pfaff, de toute urgence

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Il est trop rare de découvrir un texte court, percutant, irradiant la culture et la connaissance de l’histoire du monde, pour résister au plaisir de revenir à celui de William Pfaff, du 19 août, déjà cité hier dans notre texte sur “l’OTAN, combien de divisions ?”. Il est si rare de trouver en si peu de lignes, magnifiquement présenté en allant au cœur de la chose, avec les références historiques imparables qui importent, une présentation aussi juste de la dérisoire et considérable catastrophe qu’est la crise géorgienne pour la politique occidentale.

Pfaff fait un historique impeccable, d’une part de l’attitude de “l’Ouest” vis-à-vis de la Russie depuis 1990-91, des mensonges, des promesses non tenues, de la constante indifférence méprisante pour les intérêts et pour la dignité de la Russie durant ces dix-huit années, d’autre part de l’arrière-plan historique de la région. Là-dessus, s’il vous plaît de pinailler à propos du droit international respecté ou pas durant cette crise, par des experts de la paille et de la poutre, et de la chose depuis le Kosovo jusqu’à l’Irak, à votre bon cœur et grand bien vous fasse. Le court exposé de Pfaff met tout cela à sa juste place, qui est une querelle médiocre sur le sexe des anges déchus poursuivie par des voleurs pris la main dans le sac (on les a vus, les voleurs, rassemblés avant-hier à l’OTAN).

Tout le texte mérite citation, certes. Mais puisqu’il faut choisir, nous choisissons la péroraison, qui décrit si bien la politique occidentale et américaniste, situe le niveau de l’acolyte de service responsable du désastre en lui souhaitant joyeusement quelque destin expéditif («Perhaps a friend will preempt an indignant citizenry by offering Saakashvili a bottle of Scotch and a loaded pistol, and locking the office door »). Brave cœur en même temps qu’esprit furieux de tant d’incompétence satisfaite, Pfaff fait le vœu que les Européens sauront se réveiller de leur léthargie servile, si interminable, si ennuyeuse de médiocrité au bout du compte. On verra.

«One can understand that a hysterical and demagogic Georgian nationalist like Mikhail Saakashvili might think he could wipe out long-standing ethnic dissidence in his country by attacking Russian peacekeepers legally stationed in those enclaves to protect the dissidents. But who in Washington is promoting this strategy of hostile military and political encirclement of Russia? What conceivable interest of the West does this serve?

»It is a senseless policy, apparently meant to intimidate Russia, but why? For the sake of perpetuating international tension so as to strengthen the forces that with Cheney and Bush have been promoting constitutionally unaccountable executive rule in the United States?

»This is a very serious matter, being treated in the American press as if the United States has not been playing with dynamite. Russia is a powerful and nuclear-armed nation with legitimate national interests. Russia is no longer the messianic and ideological state with world ambitions the Soviet Union was. Those adjectives describe the United States today, as well as the policy towards Russia conducted under both Bush and Clinton administrations.

»The most sensible advice I have seen has come from Europeans, directed towards other Europeans. It is to break away from this American policy of senseless and aggressive confrontation with Russia, and follow the successful Sarkozy mediation in Georgia with an effort to establish European terms for resolving this crisis, ignoring the United States.

»Saakashvili is not likely to prove an obstacle. His people may soon rid themselves of the author of this fiasco, which humiliated his own country, NATO, and the United States as well. Perhaps a friend will preempt an indignant citizenry by offering Saakashvili a bottle of Scotch and a loaded pistol, and locking the office door. Bush and Rice too will soon be off the stage – although who knows what will follow.

»The European initiative makes sense. Forget Washington and approach Russia with a proposal for a new and constructive relationship with Europe, with arbitration and resolution of its problems with Poland, Ukraine and Georgia in the same way that similar issues have been handled inside Europe. It would take a very brave Europe to do this, but the U.S. on its present course may leave it with little choice.»


Mis en ligne le 21 août 2008 à 08H20

(Post-Scriptum, le 21 août 2008 à 22H30: un lecteur a eu la présence d'esprit, volontaire ou involontaire, de mettre en ligne, sur le Forum de notre Faits & Commentaires du 20 août, la traduction en français de l'article de William Pfaff. Qu'il en soit remercié.)