Les réalités proposent, la psychologie dispose

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Les réalités proposent, la psychologie dispose

24 juin 2009 — Une des caractéristiques de la crise iranienne les plus remarquables, ou sympathiques c’est selon, se trouve dans le désarroi des néoconservateurs US, ou neocons, et leurs associés dans la perception du vaste monde et de cette crise. Quelques textes récents confirment la chose à suffisance, en même temps qu’ils invitent à aller plus loin sur la voie de la réflexion.

• On peut lire par ailleurs, ce 24 juin 2009, une note sur John McCain, sa psychologie et les attitudes qui en découlent, et la psychologie absolument neocon, au point où l’on doit se demander si le néo-conservatisme n’est pas, plutôt qu’une idéologie, une pathologie de la psychologie américaniste; on doit se le demander et, en fait et d’ores et déjà, envisager sans trop grand risque de répondre par l’affirmative… La note est écrite à partir d’une interview de Chris Hayes, de The Nation, par Rachel Maddow, de MSNBC, rapportée le 23 juin 2009 :

«Maddow pointed to a Washington Monthly blog post by Steve Benin in which he argued that “we’re not dealing with a dynamic that pits the left vs. the right, or Dems against Republicans. Rather, this is a situation featuring neocons vs. everyone else.” Hayes responded, “You know, I read that post and I thought it was very smart also and I agree. I mean, I think that there is this very virulent strain of neocon ideology that has kind of manifested itself.”»

• Ce 21 juin 2009, sur Washington Monthly, Steve Benen reprend son propos et détaille de quelle façon la critique et l’attaque contre Obama restent limités à quelques vieilles icônes du néo-conservatisme…

«On ABC's ‘This Week’ earlier, George Will, hardly a liberal ally of the president, noted that he's heard the criticism of the Obama administration's tactics regarding Iran, and he finds it unpersuasive. “The president is being roundly criticized for insufficient, rhetorical support for what's going on over there. It seems to me foolish criticism. The people on the streets know full well what the American attitude toward the regime is. And they don't need that reinforced.”

»Ben Armbruster noted that Peggy Noonan, another prominent conservative, also rejected the criticism aimed at the president. “To insist the American president, in the first days of the rebellion, insert the American government into the drama was shortsighted and mischievous," she wrote, adding that "the ayatollahs were only too eager to demonize the demonstrators as mindless lackeys of the Great Satan Cowboy Uncle Sam, or whatever they call us this week.” […]

«You'll notice that President Obama's strategy has not only been endorsed by Democratic lawmakers, but also prominent Republicans who are in office (Dick Lugar), served in Republican administrations (Henry Kissinger, Gary Sick, and Nick Burns), or are prominent Republican voices in the media (George Will, Peggy Noonan, and Pat Buchanan). The president's leading detractors, meanwhile, primarily come from a motley and discredited crew who cling to neoconservatism – McCain, Graham, Kristol, Krauthammer, Wolfowitz.»

• Effectivement, les neocons ont accentué leur pression le dernier week-end, en dénonçant la “faiblesse” d’Obama, en le comparant, ce qui semble être la suprême dérision, à Jimmy Carter du temps où il était président. Mais nous restons entre néoconservateurs, qui ont finalement choisi l’option de la critique véhémente d’Obama, selon leurs habitudes, et finalement sur une sorte de mode défensif comme si seule cette option de la véhémence pouvait leur permettre de dissimuler leurs divergences internes. Jim Lobe décrit cette dernière offensive, le 23 juin 2009 sur Antiwar.com, où l’on voit bien les limites de ces pressions qui n’ont guère d’effets sur le sentiment washingtonien majoritaire, qui ne portent finalement que sur des détails assez accessoires.

«A “parade of Republican lawmakers,” as the right-wing Washington Times put it, appeared on the weekend’s public-affairs television programs urging Obama to speak out more strongly against repressive actions by Tehran’s security forces against opposition demonstrators.

»Similarly, the latest edition of the neoconservative Weekly Standard magazine devoted its lead editorial and no less than half of its articles this week to the same theme, with William Kristol, its editor, and Stephen Hayes, who has often served as a mouthpiece for former vice president Dick Cheney, accusing Obama of acting as a “de facto ally of [Iranian] President Mahmoud Ahmadinejad and Supreme Leader Ali Khamenei.”

»The neoconservative editorial board of the Wall Street Journal also weighed in Monday with a lead editorial that warned that the current crisis in Iran, as well as the enforcement of UN sanctions against North Korea – the U.S. Navy is currently tracking a vessel believed to be carrying proscribed cargo from Nampo to Myanmar – in the wake of its nuclear test last month, marks a “major test of his presidency.” It suggested that Obama’s failure to take a harder line against both “rogues” would put him in the same category as former president Jimmy Carter.»

Le ridicule devient dangereux

On voudra bien se rappeler que, du début 2005 à il y un peu moins d’un an, avant que la crise financière ne bouleverse l’ordre, la forme et surtout la substance de nos préoccupations, nous vivions au rythme de l’annonce imminente d’une attaque contre l’Iran, régulièrement renouvelée, selon des sources toujours respectables et parfois avec le soutien des voix les plus officielles. En septembre 2007, le nouveau ministre français des affaires étrangères, tout frais nommé et émoulu, eut bien des ennuis après qu’il eût annoncé que l’on risquait la guerre contre l’Iran. Un peu auparavant (fin août 2007), deux présidents, Sarkozy et Bush, avaient également évoqué l’hypothèse d’une guerre. Cela pour une période; on sait qu’il y en eut d’autres, et que nous avons vécu au moins cinq alarmes majeures nous annonçant, de divers côtés en Occident, de milieux officiels ou de milieux non-officiels “bien informés”, une attaque US contre l’Iran, dont on nous donnait presque le jour et l'heure. Il y eut même l’affirmation, jamais démentie, qu’une attaque nucléaire avait été envisagée, et jusqu’aux détails de la façon dont les militaires s’opposèrent à ce projet de l’administration GW Bush.

Aujourd'hui, toutes ces possibilités d'attaques sur l'Iran, dans le cadre de la crise que nous suivons, nous apparaissent de plus en plus incongrues, déplacées, complètement irréelles sinon ridicules. Cette évolution est plutôt confirmée que suscitée par l'“humanisation” de l'Iran, avec le spectacle de la rue, même s'il s'agit d'une rue en colère. La crise iranienne nous a rapprochés de l'Iran, mais parce que nous l'avons bien voulu, parce que nous nous étions éloignés décisivement de l'univers précédant où ce pays était une part du Mal (“l'axe du Mal”) qu'il importait de détruire, sans même s'occuper de l'observer sinon de le comprendre.

Il nous intéresse moins, ici, de faire le décompte du poids de la réalité dans l’information, du crédit qu’il faut accorder aux sources, – les mêmes qui, aujourd’hui, vous sommeraient d’accepter d’autres scénarios, très différents somme toute, qui notamment ridiculisent après coup la possibilité de ces attaques qu’elles l'annoncèrent à grand fracas. Après tout, c’est le tribut d’une époque virtualiste, absolument d’une époque virtualisée où, à notre sens, l’information qui vient et va en tous sens compte moins que la psychologie pour rendre compte de la réalité, – et c’est là que nous voulons en venir. Lorsque nous parlons de la psychologie comme une chose plus importante que l’information comme compte-rendu de la réalité, nous voulons parler de cette mesure qu’il faut désormais prendre de la façon dont la psychologie, formatée dans un sens ou un autre, orientée dans un sens ou un autre, est plus ouverte à telle sorte d’informations qu’à telle autre d'une façon changeante. Si l’on veut, l’évolution de la psychologie tendrait à accepter plutôt certaines formes d’information parce qu’elle serait inclinée à admettre plutôt telle sorte de réalité, et choisissant plutôt de privilégier les informations dans ce sens; puis, modifiant tout le processus si elle s’oriente vers une “autre” réalité. Et nous voyons peu, dans ce processus, la prépondérance de la coercition (de la “propagande” en général “officielle”) que le résultat de tensions violentes, différentes et antagonistes, qui s’affrontent, impressionnent la psychologie dans un sens ou l’autre selon leur fortune, déclenchant le processus mentionné. C’est une façon de s’arranger de l’extraordinaire relativisation de la réalité sous la pression du virtualisme et des réactions qu’il provoque grâce aux moyens divers et variés de la communication (tout cela, aussi bien dans le sens “officiel”’ des autorités que dans le sens des canaux “dissidents”), en allant vers une décision quasiment active de “choix” d’“une” réalité plutôt que d’occuper une position passive d’acceptation de “la” réalité (cette dernière attitude, qui devient de moins en moins possible justement à cause de la diversité des “réalités” proposées).

Nous voulons dire que, volens nolens, nous avons vécu pendant plus de trois ans sur le pied d’une guerre imminente contre l’Iran, qui aurait commencé par une attaque souvent décrite comme décisive, en générale selon l’hypothèse d’un engagement majeur des USA. Notre psychologie vivait à ce rythme, et toute information dans ce sens était aussitôt admise comme crédible ou probable, sans autre forme de procès. Nous voulons dire qu’aujourd’hui, c’est l’inverse, que la psychologie est complètement, totalement renversée. La psychologie neocon qui domina la période et fut la source du climat de guerre imminente, est aujourd’hui réduite à l’appréciation d’une pathologie et frise le ridicule (“a tremendous pathological narcissism”, dit Chris Hayes à propos des agitations énervées et un peu ridicules du sénateur McCain, parce que BHO n’a pas assez élevé la voix à propos des événements de Téhéran). (Remarque à ce point : le véritable discrédit, aujourd’hui, est le ridicule perçu par la psychologie, bien plus que le discrédit, l’erreur, le mensonge, etc.)

Dans ce sens, la crise iranienne nous sert de processus de probation, de vérification d’une évolution brutale et radicale. Dans ce cas, nous n’attribuons nullement la paternité de la chose à BHO, mais faisons de BHO un excellent, un formidable interprète, voire l’enfant même d’une nouvelle époque qui est née dans l’effondrement du système commençant dans sa phase paroxystique avec la crise du 15 septembre 2008 (9/15). La crise est la principale force qui a verrouillé son élection en octobre-novembre; mais la crise, par sa puissance, par la faiblesse qu’elle découvre dans notre système, par le démenti qu’elle inflige à nos valeurs et à nos vertus, est aussi un révélateur de notre nouvelle réalité aux dépens de la virtualité de notre système qui avait maintenu coûte que coûte l'ancienne “réalité”; et Obama se retrouve alors, dans certains domaines qui s’avèrent importants à mesure que le temps passe, comme principal vecteur de ce retour à la réalité imposé par la crise.

Tout cela se place, évidemment, dans le cadre du système de l'américanisme, qui est un formidable système de communication, lorsqu'il s'abîme dans sa crise fondamentale. Cela revient, finalement, à déterminer un sens pour toutes ces variations que nous décrivons, avec la psychologie identifiant mieux ce sens que les courants d'information eux-mêmes, marqués par le désordre. La psychologie est plus réceptive que l'information aux tensions que nous signalions plus haut, donc plus à même de restituer le véritable sens des choses.


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