Le triste état de la “République de Californie”

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Le triste état de la “République de Californie”

Au sein des Etats de l’Union, l’Etat de Californie occupe une place à part à cause de sa taille, de sa puissance, de ses références mythiques diverses accolées à des réalités économiques (l’industrie du cinéma, l’industrie aéronautique ou ce qu’il en reste). Ajoutons, pour faire bon poids, ou bon muscle: et à cause de son gouverneur éventuellement, l’ancien acteur Arnold Schwarzenegger.

Cette singularité se poursuit avec la situation économique de l’Etat, très mauvaise et, par conséquent, remarquable par contraste avec la puissance de l’Etat. Le gouvernement de l’Etat, notamment, est dans un triste état. Les remboursements d’impôts attendus pour la fin janvier sont repoussés d’un mois, à cause de l’incapacité du gouvernement de remplir cette obligation. L’Etat doit, avant tout, résorber une dette prioritaire de $15 milliards: «The payments were due to start on Monday but State Controller John Chiang has said he will hold back the refunds for at least 30 days because the state must close a $15 billion shortfall in its current budget and needs its dwindling cash for more pressing payments, including debt service.», selon Reuters, le 2 février 2009.)

Dans le climat actuel, cette décision fait bien mauvaise impression, elle fait songer au spectre de la cessation de paiement qui est une menace dont on parle pour de plus en plus d’autorités publiques (d’Etats); elle est pénible aux contribuables, qui ont besoin d’argent, du moindre cent, dans ces temps difficiles; elle renforce le malaise entre l’autorité de l’Etat et ses administrés, ce qui chagrine le gouverneur-acteur, qui n’aime rien tant qu’une popularité disons “populiste” dont il s’est fait une réputation malgré son statut de républicain et de conservateur. La réputation de la Californie pâtit encore plus de ces diverses contraintes.

«California has fallen on hard times. The housing slump and foreclosure crisis hit it harder than most other states and tumbling consumer spending in recent months has roiled its economy, the world's eighth largest. California's unemployment rate jumped to 9.3 percent in December, well above its 5.9 percent a year earlier and the month's national average of 7.2 percent. Economists predict the state's rate will soon cross into double-digits, compounding its government's financial troubles, rooted in worse a than expected fall in revenues.

»One of the state government's most pressing troubles is that its cash account will be tapped out within weeks unless Gov. Arnold Schwarzenegger and lawmakers close the state's current budget shortfall – then they must close the next fiscal year's budget gap, projected at $25 billion.

»California's financial crisis has unnerved Wall Street – it has warned of possible downgrades to the state's already low general obligation bond rating – and is adding to a gloomy outlook in storefronts, government offices, labor halls and corporate boardrooms across the state. “Everybody is concerned about this. The state is on the edge of going into the abyss,” said Bill Hauck, president of the California Business Roundtable, which represents the state's largest employers.»

Cette question de l’équilibre financier des puissances publiques, et notamment celle des Etats par rapport à leurs citoyens et au gouvernement fédéral, est l’un des facteurs essentiels qu’il faut suivre pour voir évoluer éventuellement l’équilibre interne des USA. Les citoyens des Etats payent aussi bien des impôts fédéraux que des impôts aux gouvernements de leurs Etats (c’est dans ce cadre que se place, en Californie, la question du remboursement d’impôts repoussé).

Dans l’hypothèse d’une évolution continue de la dégradation de la situation, ce qui est tout de même l’hypothèse la plus généralement considérée, des tensions peuvent effectivement apparaître au niveau de cette question des impôts, avec la différence entre impôts fédéraux et impôts locaux. Si la situation d’un Etat se dégrade au-delà du supportable, et beaucoup plus que le reste de la situation des USA, il pourrait y avoir des mouvements de type “révolte des impôts” (boycott de paiement des impôts) différenciés, c’est-à-dire portant sur les seuls impôts fédéraux. (Les mouvements de “révolte des impôts” sont une des hypothèses retenues pour des troubles intérieurs US, notamment par le prévisionniste indépendant Gerard Celente, qui voit la chose pour 2010-2011.) L’existence tranchée aux USA d’une structure fédérale et d’une structure d’Etat, avec les systèmes d’imposition différenciés, peut conduire dans le cas d’une “tax rébellion” à des appréciations différentes par rapport aux deux systèmes, en faveur du système de l’Etat naturellement, et, par conséquent, à une révolte qui prendrait aussitôt une couleur politique et une couleur centrifuge, ce qui est la principale menace historique et toujours existante pesant sur l’équilibre structurel des USA (référence à la Guerre de Sécession, bien sûr).

Dans le cas présent de la république de Californie (“titre” officiel de l’Etat de Californie), avec Schwarzenegger comme gouverneur (jusqu’en janvier 2011, deuxième mandat non rééligible), il existe un élément supplémentaire, anecdotique mais pas sans intérêt, tenant à la personne même du gouverneur. Avec une personnalité considérable et particulièrement égotique du type de Schwarzenegger, équivalente sinon supérieure en perception politique et médiatique à ce que fut Reagan (gouverneur de Californie, lui aussi, à partir de 1966), l’ambition politique naturelle quand il y en a une est de viser la présidence des USA; on dirait également que cette ambition est une garantie de loyauté que détient le système vis-à-vis de cette sorte de gouverneur de grand poids médiatique, puisque l’ambition de l’homme passe par la structure fédérale (le plus haut niveau); cela implique, de la part du gouverneur, de soutenir et de renforcer la structure fédérale. Dans le cas de Schwarzenegger, ce point de fidélité au système ne joue pas parce que l’ancien acteur est né autrichien (immigrant aux USA en 1968 avec une période de deux ans dans l’illégalité), qu’il est donc inéligible à la présidence. (On avait songé il y a trois ans à modifier la Constitution en supprimant cette clause, pour le rendre éligible. Le projet n’a pas abouti.) Dans des circonstances de crise et avec la tension évoqué ci-dessus, un homme du calibre de Schwarzenegger, – nous parlons bien de la dimension psychologique, entre “ego” et frustration, – sachant effectivement qu’il est bloqué dans des aspirations politiques hautes au niveau fédéral, peut être tenté de prendre la tête d’un mouvement de contestation du système fédéral dans son Etat californien. La Californie devenant une force centrifuge dans une situation de cette sorte, dans un environnement de crise générale, il s’agirait d’un important événement politique.

 

Mis en ligne le 2 février 2009 à 15H00

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