Le traité Medvedev et le grand intérêt des Allemands

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En mission d’exploration et, disons, de “déclamation discrète” à Moscou, le député allemand CDU/CSU (majorité Merkel), de la commission du Bundestag pour les affaires extérieures, Karl-Georg Wellmann, a rencontré le chef de la Commission pour les Affaires internationales de la Douma (chambre basse du parlement russe) Konstantin Kossatchev. Wellman a parlé avec son homologue russe du “traité Medvedev”, cette proposition du président russe de juin 2008, précisé en un projet de traité paneuropéen le 30 novembre 2009, transmis à tous les grands partenaires du domaine, pays, organisations, etc..

L’agence Novosti rapporte, ce 22 décembre 2009, les déclarations de Wellman, confirmant les meilleures dispositions des Allemands en faveur de la proposition Medvedev.

«Le gouvernement et le parlement allemands sont prêts à examiner les propositions de Moscou concernant une nouvelle architecture de sécurité européenne, a annoncé à RIA Novosti le membre du comité de Bundestag pour les affaires internationales Karl-Georg Wellmann. “C'est très intéressant et très important. Le gouvernement et le parlement allemands sont disposés à étudier sérieusement ces propositions”… […]

»La Russie a besoin de coopérer avec les pays occidentaux, notamment pour réaliser ses projets de modernisation économique, a indiqué le parlementaire allemand. “Nous devons profiter de cette occasion pour unir l'Allemagne et la Russie, ainsi que l'UE et la Russie et peut-être l'OTAN et la Russie, et concevoir des approches communes face aux défis du monde contemporain: économiques, politiques, écologiques”.»

Notre commentaire

@PAYANT Ce très grand intérêt des Allemands pour la proposition Medvedev n’est pas une nouveauté. On sait, nous l’avons déjà écrit, que les services diplomatiques allemands ont même prêté main forte, ou prêté leur plume si l’on veut, à leurs collègues russes, pour peaufiner les termes de la proposition Medvedev et faire en sorte que la forme corresponde plus à l’état d’esprit des chancelleries occidentales. Dans le cas ci-dessus, Wellman, agissant comme envoyé implicite d’un assez bon niveau du bloc au pouvoir à Berlin, comme une sorte de “ballon d’essai”, vient préciser l’intérêt allemand et exprime toute la vastitude de cet intérêt, effectivement remarquable. (On peut effectivement admettre qu'en annonçant que “la gouvernement et la parlement allemands sont prêts à examiner” les propositions Medvedev, Wellman s'exprime d'une façon semi-officielle.)

La vision allemande, telle que l’exprime Wellman, implique d’une part qu’un réarrangement de la sécurité européenne selon les lignes de la proposition Medvedev doit d’abord être considéré comme une dynamique d’intégration continentale de l’Europe et de la Russie; du côté occidental, au niveau allemand, au niveau de l’UE, éventuellement au niveau de l’OTAN. Cela implique effectivement une rupture complète avec l’architecture existante qui s’appuie soit sur des structures héritées de l’antagonisme Est-Ouest, soit sur des structures n’impliquant paradoxalement pas l’Europe telle qu’elle existe aujourd’hui (le traité FNI de décembre 1987 entre l’URSS et les USA, signé par une puissance qui a disparu en tant que telle et par une puissance non-européenne). D’autre part, un tel traité concerne la sécurité au sens le plus large du terme, c’est-à-dire, en plus de la sécurité paneuropéenne, la sécurité d’un ensemble paneuropéen face à des pressions et à des situations de crise globale.

Il s’agit d’une perception où l’on retrouve beaucoup des tendances classiques de l’Allemagne d’après-guerre (un collectivisme tendant à écarter les particularismes nationaux, une tendance à dévaluer l’importance des enjeux purement militaires), mais dans un cadre assez large pour que des perceptions plus spécifiques, notamment plus nationales, puissent continuer à s’affirmer tout en approuvant ces tendances. Ce qui est également remarquable dans les déclarations Wellman, c’est un certain démarquage par rapport au discours classiques euro-atlantique, puisqu’après tout, dans les buts concrets qui sont déterminés, les USA ne sont mentionnés qu’implicitement, comme membre de l’OTAN, et avec un “peut-être” (“et peut-être l'OTAN et la Russie”).

Bien entendu, tout cela ne présume rien de précis sur les positions des acteurs mentionnés, y compris l’Allemagne, puisqu’il s’agit d’un “ballon d’essai”. Le plus important, finalement, est qu’un pays aussi important que l’Allemagne, avec d’autres parallèlement qui pourraient suivre, commence à s’exprimer, indirectement ou semi-officiellement, d’une façon précise sur la proposition Medvedev, avant que les Américains aient eux-mêmes déterminé une position précise. En temps normal, certes, on jugerait cela normal; en raison des liens existant entre un pays comme l’Allemagne et les USA, et entre la plupart des pays européens et des USA, c’est effectivement inhabituel puisqu’il s’agit d’une situation anormale (la sujétion de l’Europe vis-à-vis des USA). On expliquera la chose un peu moins par un surcroît d’audace, un peu plus par le silence des USA sur la question, qui amène de facto les pays européens les plus intéressés à parler de la question de leur propre chef. Il y a eu des réactions US de principe favorables, mais rien de précis ni d’élaboré. Tout se passe comme si les USA, préoccupés par leurs propres problèmes internes, avec un pouvoir paraissant bien paralysé, ne semblaient guère prêter de réelle attention pour l’instant à la question du traité Medvedev. Pourtant, tous les bruits et tous les signes le confirment: ce traité sera au cœur des préoccupations européennes en 2010.


Mis en ligne le 22 décembre 2009 à 16H30