Le successeur de Dagan à la tête du Mossad : comme Dagan

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Tamir Pardo a succédé à l’automne 2010 à Meir Dagan, à la tête du Mossad, sur intervention de Netanyahou. On sait pourquoi : depuis son départ de la fonction publique, Dagan a montré qu’il était résolument opposé à toute attaque contre l’Iran, qui est la pensée obsessionnelle, et de type mégalomaniaque, du Premier ministre israélien. L’espoir, du côté de la direction politique, était donc que Pardo prît une attitude différente et recommandât l’attaque contre l’Iran parce que l’inévitable (selon Netanyahou) accession de ce pays à la puissance nucléaire impliquait inévitablement (selon Netanyahou) l’utilisation de l’arme nucléaire contre Israël, faisant de cette circonstance la première et écrasante “menace existentielle” contre Israël, – et justifiant d’autant l’attaque à laquelle tout le monde pense..

Il se trouve qu’il n’en est rien… Dans War in Context, Paul Woodward reprend, ce 29 décembre 2011, des extraits d’un article de Haaretz, du même 29 décembre 2011. Il y est dit clairement, dans le chef de Tamir Pardo, que l’Iran éventuellement nucléaire n’est nullement une “menace existentielle” contre Israël. Ces déclarations ont été faites devant une centaine d’ambassadeurs israéliens réunis pour être informés des dernières évaluations du Mossad.

«For 20 minutes he spoke about the threat to Israel’s economy posed by the economic crisis in Europe. Israelis have good reason to be worried. Europe provides the market for a third of Israel’s exports.

»As for Iran, Pardo covered the topic in just five minutes during which time he admonished those who use the term “existential threat” too freely. If Iran obtains nuclear weapons, this will not mean the destruction of the State of Israel, Pardo says. “Does Iran pose a threat to Israel? Absolutely. But if one said a nuclear bomb in Iranian hands was an existential threat, that would mean that we would have to close up shop and go home. That’s not the situation,” ambassadors present quoted Pardo as saying.»

»Haaretz reported: “The ambassadors said Pardo did not comment on the possibility of an Israeli military assault on Iran. ‘But what was clearly implied by his remarks is that he doesn’t think a nuclear Iran is an existential threat to Israel,’ one of the envoys said.”»

Cette intervention est évidemment très intéressante à plus d’un titre. Elle permet d’éclaircir et d’élargir plusieurs réflexions en cours sur ce site, notamment sur l’évolution psychologique à l’intérieur du bloc BAO dont fait partie Israël, et dans différentes catégories des directions de la sécurité nationale à tous les échelons de ces pays, d’Israël spécifiquement dans ce cas.

• Pardo a fait toute sa carrière dans le Mossad. Sa position est strictement conforme à celle de Dagan, donc, peut-on en déduire, à celle du Mossad en tant qu’entité anthropomorphique dégageant avec la plus grande fermeté des positions extrêmement affirmées sur les grands problèmes intéressant la sécurité nationale. A cet égard, la volonté d’affirmation de ces entités, par rapport à elles-mêmes et au poids qu’elles ont dans la répartition des pouvoirs, et dans leurs rapports avec l’autorité politique, reste aussi forte avec un Netanyahou malgré ses postures d’autorité, quels que soient leurs dirigeants. Cela met en évidence le constant affaiblissement des directions politiques, Netanyahou ou pas Netanyahou. Cet affaiblissement est notamment dû à l’affaiblissement concomitant des politiques de ces directions et, par conséquent, à l’irréalisme, voire au reflet pathologique de leurs psychologies qu’on trouve dans nombre des objectifs de ces politiques. Les hauts fonctionnaires qui représentent des centres de pouvoir très fort, et professionnellement puissants tant en connaissance qu’en statut d’honorabilité par rapport au système où ils se trouvent, hésitent de moins en moins : plutôt que céder aux pressions du pouvoir politique, ils s’affirment de plus en plus comme les représentants de l’entité qui leur délègue ses pouvoirs.

• Ces observations concernant la continuité des analyses dans un grand corps de sécurité nationale renvoie au phénomène que nous décrivions le 2 novembre 2011, d’une rupture fondamentale d’analyse de la situation entre les dirigeants politiques et les hauts fonctionnaires de sécurité nationale au sens large du terme. Que Pardo accorde un quart d’heure aux répercussions de la crise européenne sur Israël et même pas cinq minutes à l’Iran montre bien que les préoccupations de Mossad embrassent désormais la grande crise d’effondrement du Système. (Tout cela écrit en mettant de côté ce qu’on peut juger instinctivement et affectivement, voire idéologiquement, voire moralement, du Mossad ; il importe, à cet égard, d’adopter une attitude objective si l’on veut juger d’un fait qui ne se nomme pas Mossad, mais “rupture fondamentale d’analyse de la situation entre les dirigeants politiques et les hauts fonctionnaires de sécurité nationale au sens large du terme”.) Nous sommes donc confirmés dans notre analyse du cas Dagan, notamment le 10 novembre 2011 : «La conclusion du très long article du Spiegel s’attache principalement à cette action de Dagan, et de quelques-uns de ses compères, anciens hauts fonctionnaires des services de sécurité, et anciens chefs militaires, tous fraîchement mis à la retraite par Netanyahou-Barack. (Et notre conviction est qu’il y a, avec eux, d’autres hauts fonctionnaires et militaires restés en service qui alimentent ce groupe en informations fraîches sur les intentions de la direction politique, comme ce fut le cas pour cette séquence.)»

• Il est également intéressant de situer ce groupe des hauts fonctionnaires en rupture avec les directions politiques par rapport à la méthodologie d’analyse que nous publions ce même 30 décembre 2011. Nous dirions alors que cette “communauté” des hauts fonctionnaires de la sécurité nationale, placés devant des faits collectés de diverses sources, faits extrêmement dépressifs puisqu’ils rendent compte de la grande crise d’effondrement du Système et mettent d’autant en perspective réductrice des aventures mégalomaniaques comme l’Iran, voient leurs psychologies habituellement exposées au courant maniaque qui caractérise les directions politiques largement nuancées dans leur orientation par ce courant dépressif des vérités du monde. C’est là un de ces cas que nous signalons, où un aspect dépressif peut servir d’appui enrichissant pour lutter contre la folie du courant maniaque qui suggère sans hésitation ni réserve les diverses aventures de type iranien. Il n’y a naturellement, dans cette hypothèse, aucun jugement sur les hommes puisque notre méthodologie s’appuie sur l’hypothèse que le sapiens, ou plutôt la psychologie du sapiens, n’est nullement productrice de ces phénomènes, mais qu’elle en est au contraire fortement influencée, dans un sens ou l’autre, hors d’elle-même, selon un mode exogène.


Mis en ligne le 30 décembre 2011 à 12H29

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