Le Sénat et le TPP : un échec de plus pour BHO

Bloc-Notes

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 767

Le Sénat et le TPP : un échec de plus pour BHO

Le Sénat US a montré dans un premier vote qui était uniquement de procédure combien il avait peu d’enthousiasme pour le traité TPP (énorme traité de libre-échange pour l’Asie/Pacifique, équivalent pour cette zone du TTIP transatlantique). Ce vote bloque la procédure présentée par le président Obama pour voter pour une Fast-Track Authority (FTA) lui donnant les mains à-peu-près-libres (voir le 11 mai 2015) pour négocier le traité TPP. Il constitue un premier signe extrêmement significatif, indiquant que le Sénat est plutôt très-hostile au TPP, autant pour les formes de procédure (secret) accompagnant les négociations que pour le contenu du traité lui-même. (Pourtant le Sénat est réputé comme l’“assemblée des sages”, c’est-à-dire la plus attentive à suivre la ligne du Système, à la différence de la turbulente Chambre des Représentants.) Ce vote constitue également une défaite de plus dans la litanie des échecs de la présidence Obama, tant intérieurs face au Congrès, qu’extérieurs dans ses diverses entreprises pour manifester l’“exceptionnalisme” américaniste. Il constitue enfin une démonstration de plus de la paralysie et de l’impuissance du pouvoir washingtonien.

Il est très difficile au stade actuel d’annoncer ce qui va survenir, tant les procédures du Congrès sont complexes. Il est possible qu’un nouveau vote de procédure ait lieu dans les jours qui viennent, si certains amendements sont apportés au projet de traité TPP, qui pourraient peut-être changer le sens du vote ; ce n’est pourtant pas assuré et certains partisans du TPP (le sénateur Hatch, homme-clef de la procédure) sont très pessimistes. D’autre part, un nouveau vote offrant certains amendement auraient sans doute comme effet indirect, s’il était positif, de confirmer dans leur méfiance, avant même que la problématique de la FTA soit abordée, les partenaires des USA pour le traité TPP quant à la fiabilité de la parole de BHO selon lequel une version définitive du TPP ne pourrait pas être modifiée par le Sénat, par un artifice de procédure ou l’autre.

• RT donne, le 12 mai 2015, un compte-rendu de l’action du Sénat, où les démocrates se sont, dans leur grande majorité, opposés à la proposition mise au vote, et donc indirectement mais d’une façon explicite, au président.

«Lawmakers in the United States Senate have thrown a wrench in a plan that would have given President Barack Obama “fast track” authority to advance a 12-nation trade deal between the US and Pacific Ring partners. In a 52-45 vote on Tuesday afternoon, the Senate opposed moving forward for now on the Trans-Pacific Partnership. A procedural vote required at least 60 “ayes” in order to let the Senate host discussions on whether or not to give the president so-called “fast track” authority on the matter. Failure to reach that threshold puts the future of the trade agreement in jeopardy.

»Had the vote gone the other way, lawmakers would have hosted a debate to decide whether to give President Obama the power to approve the potential deal on his own, before asking Congress to either ratify or reject any agreement. Ahead of Tuesday’s vote, Senator Orrin Hatch (R-Utah), the chairman of the Senate Finance Committee, told Reuters the possibility of expediting the process as the White House had requested “may be dead” due to lack of support soon after the procedural vote failed. “In the future, if we see a sharp decline in US agriculture and manufacturing,” Hatch said after the votes were counted, “...people may very well look back at today’ events and wonder why we couldn't get our act together.” “I’m already thinking that: why couldn't we get our act together?” he asked. “I have no doubt some will come to regret what went on here today, one way or another.”

»Sen. John Cornyn (R-Texas), the majority whip of the chamber, added on the Senate floor that he was disappointed that Democratic lawmakers refrained from voting for the fast-track authorization, but said he was willing to “work with anybody, including the president of the United States, to try to get our economy growing again.”»

• On s’attarde dans le détail à une intervention importante et surtout très révélatrice d’une démocrate très influente, la sénatrice Barbara Boxer, qui s’est prononcée contre le TTP. Elle a surtout axé son intervention sur le secret qui entoure le texte du traité, d’une façon très réaliste. Elle a décrit dans un langage coloré comment elle avait tenté sans succès de parvenir à examiner, notes à l’appui, la version actuelle du traité en cours de négociations ... L’extrait ci-dessous, restitué en français, fait effectivement partie, dans ces termes, de l’intervention de Boxer devant le Sénat hier. (Voir The Intercept, le 12 mai 2015.)

«Ils m’ont dit, “Oui, c’est très transparent. Allez-y et vous verrez” ... Alors, laissez-moi vous dire ce que vous avez à faire pour lire le texte du traité. Voilà la procédure : vous ne pouvez prendre avec vous qu’un nombre très limité de membres de votre équipe, ceux qui ont par hasard une habilitation de sécurité [“accréditation défense”], – parce que, Dieu sait pourquoi, le texte est secret, il est classifié. Il n’a rien à voir avec la défense, il n’a rien à voir avec ce qui concerne l’organisation terroriste ISIS, mais il est classifié ... Le garde me dit “Vous ne pouvez pas prendre de notes”, je dis “Je ne peux pas prendre de notes ?!” Le garde poursuit, “Bon, vous pouvez prendre des notes, mais vous devrez me les donner et je les mettrai dans des archives”. Alors, je lui dis : “Attendez une minute. Je vais prendre des notes et alors vous me confisquerez mes notes et alors vous disposerez de mes notes dans des archives et vous pourrez les lire ? Jamais de la vie!”» ... Ainsi la sénatrice Boxer n’a-t-elle pu prendre des notes sur le texte en cours d’élaboration du TTP et a-t-elle trouvé un argument de plus de s’opposer au projet.

L’aventure de la sénatrice Boxer, pourtant une impeccable et honorable membre du Congrès, de l’establishment washingtonien et par conséquent du Système, illustre les extraordinaires pesanteurs bureaucratiques qui entourent les traités TPP et TTIP (l’un vaut l’autre à cet égard), partant d’une volonté du Système de faire passer à tout prix ces textes en les soustrayant aux polémiques des opposants et même au regard critique de ses partisans. Le résultat est ainsi, – démonstration vivante, par la voix et la verve de Boxer, – que le Système obtient comme résultat d’exaspérer ceux qui sont normalement ses soutiens et ses partisans ; et un signe de plus que, plutôt qu’un complot, les traités TPP et TTIP sont tout entiers immergés dans des processus bureaucratiques kafkaïens, à l’image de ce que serait leur application s’ils arrivaient finalement à devenir de véritables traités, paraphés et ratifiés.

... Car, de ce point de vue, le Système a totalement phagocyté les procédures autant que les textes des traités selon ses tendances maximalistes. (Nous employons résolument notre terme de “Système” comme initiateurs direct des traités tant le TPP et le TTIP apparaissent de plus en plus, même aux yeux de ceux qui font effectivement partie du Système comme Boxer, comme des monstres accouchés par la bureaucratie du Système, directement mandatée par le Système). Ce n’est pas un des moindres obstacles sur la route de la transformation du monde dit-“civilisé” (bloc BAO étendu vers ses plus extrêmes frontières) en une vaste zone de non-droit et de non-souveraineté au profit d’un mythique corporate power qui ne sait même pas lui-même ce qu’impliquent exactement ces traités dans leur complète application. Les TPP et TTIP apparaissent de plus en plus comme des monstres accouchés du Système, imposés à tous, y compris à de nombreuses structures qui soutiennent en principe le Système. C’est aussi une sorte particulière de processus de dissolution interne (voir les termites) qui finit par voir des attaques violentes du Système contre lui-même (autodestruction) par l’accumulation de ses exigences procédurières, sécuritaires, bureaucratiques, etc.

Le résultat politique à Washington, lui, est un échec de plus d’Obama face au Congrès, et un échec des directions des deux ailes (démocrate et républicaine) du “parti unique” au Congrès. En effet, la préparation de ce premier vote impliquait une démarche bipartisane exceptionnelle, – tant l’atmosphère partisane est la règle de l’impuissance et de la paralysie du pouvoir à Washington. Mais si cette union bipartisane concerne d’abord les directions, elle tend à se constituer également au niveau des troupes parlementaires, qui se constituent en groupes bipartisans certes, mais dans ce cas en antiSystème puisque actant pour gripper et contrecarrer la mécanique tentant de mener à envisager de discuter (on ne parle même pas encore de réunir une majorité) de la demande d’une Fast-Track Authority. Et le sénateur Hatch peut effectivement gémir «Je me demande vraiment pourquoi nous n’arrivons-nous pas à agir ensemble, démocrates et républicain?» ; pourtant, si, ils arrivent à “agir ensemble“, en mode antiSystème, et bien qu’ils soient de très-fidèles partisans du Système...

Un échec de plus pour BHO, une excellente et rassurante démonstration de plus de la paralysie et de l’impuissance du pouvoir washingtonien, mais aussi un signe de plus, – pour nous, une confirmation puissante, – que les traités TPP et TTIP qui soulèvent (surtout le TTIP) une opposition très forte des diverses dissidences antiSystème, ne peuvent être expédiés dans la rubrique fourre-tout habituelle de l’entreprise hégémonique de domination du monde par le système de l’américanisme. Le système de l’américanisme lui-même est confronté aux traités TPP et TTIP, créatures absolument maléfiques du Système, accouchées selon des impulsions qui échappent aux pouvoirs politiques, y compris aux pouvoirs washingtoniens de l’américanisme, qui échappe finalement à tous les pouvoirs humains. Symboliquement, il faut comprendre et admettre qu’en cette occurrence, la sénatrice Boxer, impeccable serviteur du système, se trouve, avec son discours, ses anecdotes et son vote, dans le même camp antiSystème que les dissidents antiSystème qui s’agitent depuis des mois contre le TTIP. Il s’agit d’une entreprise d’emprisonnement de type globalisé (emprisonnement-Système) dont personne ne sait vraiment qui sont les juges ordonnant l’emprisonnement, qui sont les gardiens de la prison, qui détient les clefs des cellules où nous sommes enfermés et ainsi de suite. Les “complots“ eux-mêmes sont emprisonnés dans cette énorme prison que le Système nous a concoctés. Plus les choses avancent, – “les choses” : l’activité surpuissance-autodestruction du Système en mode paroxystique, – plus nous devons découvrir quelle est notre véritable situation. Cela n’enlève rien, absolument rien, quant à nos principes intangibles qui restent les inspirateurs de nos orientations stratégiques et ontologiques, mais cela requiert le sens des nuances et les capacités d’adaptabilité tactiques selon les vérités diverses des situations successives que nous rencontrons.


Mis en ligne le 13 mai 2015 à 08H04

Donations

Nous avons récolté 1425 € sur 3000 €

faites un don