Le JSF et la Chute

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Le JSF et la Chute

Cette phrase en anglais (“Has the Sun Set for the F-35 ?”, ou bien “est-ce le crépuscule du JSF?”) figure comme titre de rappel de «Flight International», pour le texte de Stephen Trimble du 14 décembre 2011. Il s’agit d’un texte concernant la nouvelle de la mise en ligne publique d’un rapport du Pentagone du 29 novembre 2011, sur le site POGO, spécialisé dans la diffusion de documents officiels sur des malfonctionnements bureaucratiques (le document est publié par POGO le 13 décembre 2011).

Pour saluer le fait même du redémarrage du site ami néerlandais JSF Nieuws, dont nous espérons un fonctionnement à nouveau régulier, nous citerons le texte (en anglais) publié par ce site le 14 décembre 2011, qui reprend l’essentiel des nouvelles à propos du document publié par POGO. Le même texte référence d’autres textes sur la même question.

«This morning, three publications reported more (and important) information about a report submitted to Acting Acquisition Czar Robert Kendall in November about the F-35. This “Quick Look Report” was previously reported by Bloomberg News (Tony Capaccio). Today’s articles expand the coverage of the contents of the report. These articles by Jason Sherman and colleagues at Inside Defense, Bill Sweetman of the Ares Defense Technology Blog, and Bob Cox at the Fort Worth Star Telegram are below.

»The new revelations are numerous and significant enough to call into question whether F-35 production should be suspended–if not terminated–even in the minds of today’s senior managers in the Pentagon.

»The revelations include, but are not limited to “unsatisfactory progress and the likelihood of severe operational impacts for survivability, lethality, air vehicle performance, and employment.”

»Performance vis-à-vis so called “legacy” aircraft is seriously questioned, and the individual deficiencies are sometimes so remarkable as to call into question the competence of the designers at Lockheed-Martin, to say nothing of the cost to repair the deficiencies. For example, the naval variant is now incapable of landing or carriers due to the inability of the arresting hook to capture an arresting cable on the carrier deck. And, there are more hard to conceive deficiencies, including airframe buffeting at different angles of attack.

»Moreover, as the report points out, these problems are appearing only after the easy phases of the test flights. The more exacting/demanding test flights are yet to even start. What unpleasant surprises do they hold?»

Certes, nous ne nous attarderons pas aux aspects techniques mis en évidence par le rapport, sinon pour noter qu’ils sont considérés comme “sérieux”, – ce qui signifie, dans le langage bureaucratique, pour un programme de cette importance, objet de tant de polémiques et de pressions diverses, que la situation est “grave”, pour le mieux, “extrêmement grave” peut-être, et qu'en vérité même l'“option nucléaire” (abandon du programme) ne peut plus être écartée sous les quolibets et les moqueries. Le rapport qui est ici mentionné suit une interview de l’amiral Venley, directeur du JSF Program Office au Pentagone, sur AOL.Defense.com le 1er décembre 2011, où Venley annonçait un certain nombre de problèmes, sinon un nombre certain, apparus lors des essais divers, impliquant éventuellement un ralentissement de la production du JSF. (Comme l’on sait, le programme JSF était basé sur l’audacieux pari de faire démarrer la production avant que tous les tests en conditions réelles soient achevés, – tant il s’en faut et de beaucoup, – et cela au nom de la certitude que les projections informatiques suffisent à écarter tous risques d’erreurs et de problèmes. Cela impliquait que les éventuels problèmes et erreurs révélés par les tests en conditions réelles devraient nécessiter des modifications rétroactives extrêmement coûteuses sur les avions de production déjà fabriqués. C'est ce qui se passe, et les problèmes et erreurs en nombre élevé, et souvent d'un “sérieux” avéré, et d'ailleurs sans que la série soit terminée on s'en doute.)

Les commentaires de l’amiral Venley du 1er décembre étaient très diplomatiques, mais le sénateur McCain, qui s’est institué, dans ses diverses évolutions erratiques, ennemi juré du JSF, le fut moins, diplomatique. Il s'était emparé de cette interview pour en faire un argument massif contre le programme JSF, et annoncer une forte pression de sa part pour que la commission des forces armées du Sénat qu’il co-préside le mette en cause de façon radicale, – jusqu'à évoquer son abandon. (Voir AOL.Defense.com, le 5 décembre 2011.) Selon son verbe sénatorial qui n’est jamais avare de qualificatifs pompeux, McCain qualifiait le programme JSF de “scandale et tragédie” ; reconnaissons-lui qu’il n’est pas loin de la vérité. Bien entendu, on peut gager que McCain va se précipiter sur le rapport divulgué par POGO pour accentuer sa pression sur le JSF.

...Car nous n’en sommes plus loin. Il est vrai désormais, – pesez donc le poids de ce mot qui concerne la vérité du programme, – que ce programme, qui est la colonne vertébrale de toute l’industrie aérospatiale avancée US, est directement menacé de mort. Ce n’est pas un problème industriel, ni un problème tactique et stratégique pour l’USAF, ou disons, cela ne se résume pas à cela ; effectivement, au-delà du “scandale”, McCain a raison, c’est une “tragédie” qui se profile… La fin du JSF serait une “tragédie nationale” où la puissance aéronautique US se trouverait brusquement placée devant un abysse, elle qui soutient par ses moyens et ambitions technologiques avancés, la puissance tout court de l’américanisme, sinon sa surpuissance lorsque la chose est alignée sur le système du technologisme.

Pis encore, cet avatar fondamental qui semble effectivement conduire le JSF au bord de l’abîme se place au moment où l’Amérique subit ce revers humiliant de la “capture” du RQ-170 par les Iraniens, comme nous l’avons détaillée à plusieurs reprises sur ce site (notamment le 7 décembre 2011, le 9 décembre 2011, le 12 décembre 2011, le 14 décembre 2011). Cette addition de revers, d’humiliations, touchent au cœur de la surpuissance du technologisme qui soutient la toute puissance du système de l’américanisme, expose combien la dynamique de surpuissance a basculé pour entrer dans sa phase autodestructrice (dynamique de l’autodestruction). C’est désormais de ce point de vue qu’il faut considérer le programme JSF, et non plus comme un simple élément du technologisme, ou de la puissance aérospatiale. Désormais, le programme JSF a conquis, en tant que tel et de façon définitive, sa place “à part entière” dans le processus d’effondrement du Système. C’est dire que sa chute, – si chute il y a, mais les raisons d’en douter ne cessent de s’amenuiser, – s’inscrira directement dans la chute générale du Système et de la contre-civilisation, la renforçant, l’accélérant, la rendant encore plus spécifique et concrète.

Désormais, le JSF a pris sa place dans la bataille en cours, auprès des grands problèmes et des grandes crises qui rythment notre temps eschatologique, comme un indice sûr de la proximité de la Chute. Ce qui n’était au départ qu’une pièce de quincaillerie que les philosophes et les financiers-philosophes ont l’habitude de dédaigner comme étant sans valeur universelle propre, est devenue un indicateur du destin général de notre contre-civilisation. Il faudra désormais apprendre à compter avec lui pour repérer plus précisément les signes de notre fin de cycle.

 

Mis en ligne le 15 décembre 2011 à 11H31

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