Le JSF de plus en plus agacé par le GAO

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C’est une démarche assez inhabituelle mais significative qu’ont fait Lockheed Martin (LM), constructeur du JSF, par la bouche de son porte-parole John Smith, et la direction du programme JSF au Pentagone, par la voix du capitaine de vaisseau Wade Knudson qui dirige effectivement ce programme. Il semble bien, d’après le rapport qu’en fait Defense News le 18 mars, qu’il s’agisse d’une démarche conjointe et d’une démarche coordonnée pour mettre en cause les deux rapports du Government Accounting Office (GAO, Cour des Comptes US) rendus publics le 11 mars. Ces deux rapports mettent eux-mêmes gravement en cause le programme JSF, affirmant que son évolution durant l’année 2007 montre une augmentation de $38 milliards et laisse prévoir un nouveau délai de deux ans.

John Smith, de LM, annonce pour le mois prochain un nouveau Selected Acquisition Report (SAR) du Pentagone qui est présenté comme devant donner «a more accurate picture of the F-35 program than the GAO study because the Defense Department study would be more comprehensive and conducted by people who are more familiar with the JSF program.»

Defense News rapporte également:

«“The GAO does a snapshot in time,” Smith said. “A lot of the times the assessments made by the GAO are using metrics by past programs and applying them.”

»Both Smith and Capt. Wade Knudson, the Navy's F-35 program manager, said program managers do not anticipate a delivery delay and both dispute the extent of the cost overruns found by the GAO. “We don't know where [GAO] got that,” Smith said. “We are on schedule as we currently sit to make our delivery of our production jets as scheduled. We don't know of any reason why we wouldn't be able to do that.”»

Knudson note néanmoins, de son côté, qu’il y a effectivement une augmentation du coût du programme, mais essentiellement à cause de la faiblesse du dollar: «We buy a lot of overseas materials. Exchange rate fluctuations have played a substantial role in the development costs of the airplane.» Knudson ignore à quelle hauteur cette situation monétaire a influé sur le coût du programme mais il précise «that program managers have offset currency fluctuations with savings in other design areas and effectively kept prices level within the past year.»

Cette intervention est assez étrange. Elle ne semble pas engager la Navy, puisque Knudson intervient en sa qualité de directeur du programme JSF (il y a une rotation à ce poste d’officiers des trois armes impliquées dans le programme). Les explications données sont assez confuses et contradictoires: d’une part, on réfute les données du GAO, dont on se demande bien (Smith) où le GAO est allé les chercher (les méthodes du GAO sont pourtant connues, puisque strictement codifiées du point de vue légal: le GAO va aux sources officielles et demande des informations); d’autre part, on reconnaît qu'il y a une augmentation mais on dit ignorer l’ampleur de cette augmentation et l'on précise qu’elle est due à des causes extérieures au programme (le dollar) et qu’elle est compensée par des interventions dans le programme. Bref, on ne sait pas grand’chose sauf que le GAO a tout faux et qu’un document annoncé du Pentagone (le SAR annuel, donnant l’état des programmes), dont on devrait ignore officiellement le contenu, apportera le mois prochain des nouvelles rassurantes. Sera donc rassuré qui veut bien l’être.

C’est une démarche inusité de l’équipe JSF, qui n’engage aucune arme spécifique en raison de la position particulière de l'officier de la Navy, détaché au programme JSF. Elle (surtout LM) attaque le GAO sans base sérieuse et préjuge d’un document non encore complété, tout en reconnaissant ne pas connaître les bonnes nouvelles qu’elle annonce pourtant comme certaines. La forme de cette démarche jette évidemment, par avance, un doute sérieux sur la validité du SAR et réduit d’autant la validité de la critique contre le GAO. La comparaison avec les rapports du GAO, pour ce qui est de la loyauté de la démarche, désavantage d’ores et déjà le Pentagone, – d’autant qu’on sait dans quel sens doit aller le jugement lorsqu’on considère l’historique des attitudes habituelles de l’un et de l’autre en matière de comptabilité. Cette démarche inusitée est également assez malhabile et traduit une fébrilité de mauvais aloi.

L’explication de l’attitude de l’équipe-JSF ne peut être trouvée que dans l’écho obtenu par les rapports du GAO. Dans le cadre déjà terriblement nerveux du programme JSF, aussi bien dans les trois armes concernées au Pentagone que chez les coopérants, les rapports du GAO ont provoqué un effet défavorable d’une considérable ampleur. Il s’agit de tenter de faire du “damage control”, de rassurer les divers partenaires. L’on comprend la difficulté de la tâche et la nervosité de l’équipe-JSF, si l’on considère l’historique déjà fourni du programme. L’on serait plutôt conduit à juger que les trouvailles du GAO en sortent confortées.


Mis en ligne le 20 mars 2008 à 06H25

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