Le G-7 (8 moins un) efface Sotchi

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Le G-7 (8 moins un) efface Sotchi

A quoi sert le G-7 ? A rien, et c’est justement son utilité profonde. Il est l’occasion de dire au monde ébahi et à un Poutine ironique et qui s’en fout en vérité : le G-7 n’est plus le G-8... Au point qu’ils auraient pu faire ça le 18 juin, avec Cameron déguisé en Wellington et Hollande en “La Garde meurt mais ne se rend pas” pour bien faire comprendre que l’Europe n’a pas besoin de la Russie. Ils se réunirent avec une sorte d’aisance imposée par l’inimitable et désormais inénarrable BHO, ayant tous tombé la veste sauf Merkel qui garda sa robe et Hollande son costard si bien ajusté. Juncker n’avait pas trop bu, ce qui nous évita l’un ou l’autre DVD d’anthologie sinon d’œnologie (d’ailleurs, en Bavière c’est bière obligée).

Ah, et puis l’Ukraine ... C’est-à-dire la Russie. Puisque les accords de Minsk2 ne sont pas intégralement respectés par les deux partis en présence, – essentiellement violés par Kiev, éventuellement par les séparatistes qui ripostent, – on continuera à punir un des parties hors du conflit, ditto la Russie. Cette logique extraordinaire continue imperturbablement son chemin, installée sur l’affirmation également fabriquée selon la même narrative imperturbable que les Russes ont envahi l’Ukraine orientale depuis le printemps 2014, – la preuve, c’est qu’ils l’envahissent à nouveau avec une régularité quasi-hebdomadaire, comme s’ils s’envahissaient eux-mêmes épisodiquement.

Cela étant dit pour la détente, car le temps superbe et la bière invitaient à la détente dans le cadre superbe de Garmisch-Partenkirchen, il faut relever certains comportements, déclarations, communications, etc., qui portent témoignage d’une certaine confusion. Il n’est pas assuré que les divers dirigeants rassemblés à ce sommet aient une idée claire de ce qu’ils disent précisément, – pour ne pas parler de ce qu’ils pensent, qui reste un domaine réservé, une sorte de partie classifiée au plus haut degré (“Cosmique”, ou “Cosmic”, selon la classification des services de renseignement). Il existe effectivement des fissures, des interstices par lesquels se glissent des sortes d’évènements de communication contradictoires.

• A son arrivée au sommet, Obama tenait un discours décidé et sans ambiguïté, d’où il ressortait que l’essentiel était que la Russie appliquât les accords de Minsk2, – comme si la Russie était le seul signataire de l’accord qui violât l’accord, alors que l’accord porte essentiellement sur une ligne de front entre l’armé ukrainienne et les séparatistes, selon les termes même de cet accord... «A son arrivée au sommet, Obama a déclaré qu’un axe majeur en serait “la résistance à l'agression russe en Ukraine”. Il a réitéré la position américaine que la pression économique sur la Russie ne devait pas se relâcher et a dit: “La durée des sanctions devrait être clairement liée à l’application intégrale par la Russie des accords de Minsk et au respect de la souveraineté de l'Ukraine”.» (WSWS.org, le 9 juin 2015.)

• Une dépêche de l’AFP du 8 juin 2015 fait suivre une déclaration de Merkel et une partie du communiqué du G-7 où il est question du cessez-le-feu qui n’est pas respecté, comme étant la source principale de la non-application de l’accord d’une part, et d’autre part l’appel “lancé à toutes les parties” concernant notamment un “retrait des armes lourdes” constituant l’essentiel de la violation du cessez-le feu. Ainsi, Merkel conditionne la levée des sanctions antirusses au respect du cessez-le-feu, lequel est rappelé (communiqué du G-7) “à toutes les parties”, notamment pour “les armes lourdes”, ce qui implique nécessairement sinon exclusivement l’Ukraine-Kiev et les séparatistes, mais plus particulièrement l’Ukraine-Kiev (voir plus loin), et pas du tout les Russes pour ce cas :

«... Une levée des sanctions est liée au respect des accords de Minsk signés en février et visant notamment à l'établissement d'un cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine, a-t-elle [Merkel] ajouté en conférence de presse au château d’Elmau en Bavière (sud)... [...] “Nous sommes préoccupés par la récente intensification des combats sur la ligne de contact. Nous réitérons l'appel au plein respect du cessez-le-feu et au retrait des armes lourdes lancé à toutes les parties”, affirme le G7 dans son communiqué final.»

• ... En effet, le 4 juin 2015, l’état-major ukrainien avisait “ses partenaires internationaux” qu’il faisait désormais à nouveau usage de son armement lourd pour “protéger ses forces” («Afin d'éviter les pertes parmi les militaires, le commandement ukrainien a informé tous ses partenaires internationaux de son intention de recourir à des armes lourdes qui stationnaient jusqu'à présent dans les régions de l'arrière définies par les accords de Minsk»). Curieusement, le passage du communiqué du G-7 cité plus haut, et désignant la principale cause de violation du cessez-le-feu (“les armes lourdes”), implique directement l ‘état-major de l’armée ukrainienne, l’armée ukrainienne, l’Ukraine-Kiev et compagnie, – tous amis chéris et protégées gens du G-7.

• Pourtant, la seule mesure annoncée est le maintien des sanctions antirusses, voire leur aggravation si nécessaire. Le principal argument “opérationnel” est contenu dans cette phrase du communiqué du G-7 : «Les pays du G7 demandent à la Russie qu'elle cesse tout soutien transfrontalier aux forces séparatistes et qu'elle exerce l'influence considérable dont elle dispose sur les séparatistes pour qu'ils honorent totalement les engagements de Minsk.» D’une façon pratique, comment les Russes pourraient-ils, au travers de “l’influence considérable” dont ils disposent sur les séparatistes faire cesser une violation du cessez-le-feu par armes lourdes qui est le fait de l’armée ukrainienne, de l’aveu même de cette dernière ?

• Sans doute épuisés, les dirigeants du G-7 se sont arrêtés là, s’en tenant aux sanctions antirusses baignant dans cette étrange logique. Quelle dommage, ils auraient pu chercher, pour conclure leur effort, qui pouvait avoir “une influence considérable” sur l’Ukraine-Kiev, à l’image au moins de celle qu’ont les Russes sur les séparatistes, pour éventuellement proposer des sanctions contre cette (ces) puissance(s) qui n’exerce(nt) par cette influence sur l’Ukraine-Kiev pour faire cesser les tirs d’“armes lourdes”.

• ... Mais, comme l’a dit Poutine au Corriere della Sera, «l’Occident a perdu le contrôle de la situation en Ukraine» (et plus précisément, à cause de son manque de professionnalisme : «La crise en Ukraine a été provoquée par les démarches non professionnelles de la part de l'Occident, qui a perdu le contrôle de la situation dans le pays...»). Par conséquent, l’on comprend mieux que le G-7 ne parvienne pas à faire taire les “armes lourdes”, puisqu’il a “perdu le contrôle...”, etc.

Ainsi trouve-t-on une grande confusion des interprétations et des déclarations, avec peut-être des nuances de jugement tandis que le climat, lui, est d’une complète et totale mobilisation (antirusse évidemment). De ce point de vue qui est le seul possible finalement, c’est le “climat” qui triomphe toujours parce que c’est lui qui met en scène la communication, et que c’est sur la communication que tout repose. Du côté du bloc BAO, du côté du Système, le “climat” c’est ce qu’on nommerait approximativement, en attendant de trouver un mot convenant mieux, une extraordinaire “russophobie” qui, quoi qu’on fasse, quoi que fassent certains, agit en sorte qu’on retombe toujours dans le “climat” de l’antagonisme et de l’affrontement, cela qui fait que tout arrangement est impossible. On n’a qu’à comparer, à un mois de distance, le “climat” superbe de Bavière, et celui, pas moins ensoleillé, de Sotchi où se rendit John Kerry ... Pourtant, c’est comme s’il s’agissait de deux mondes différents, et Sotchi n’a été qu’une échappée assez remarquable et spectaculaire, mais qui n’a duré qu’un instant, – ce que nous nommions (le 14 mai 2015), à l’imitation du chroniqueur Bryan MacDonald qui se disait persuadés qu’avec la rencontre de Sotchi, la crise ukrainienne était terminée, et qu’elle se réduisait au fameux “quart d’heure” d’Andy Warhol (Warhol qui disait en 1968 : «In the future, everyone will be world-famous for 15 minutes»)... Mais nous retournions au profit de notre pessimisme cette image du quart d’heure-Warhol, ce qu’a malheureusement confirmé ce G-7, en écrivant ceci après l’un ou l’autre commentaire optimiste, notamment celui de MacDonald...

«Tous ces jugements nous paraissent raisonnables, de bon sens, fondés, logiques. D’ailleurs, qui a jamais douté que la crise ukrainienne, appréciée d’un point de vue raisonnable, de bon sens, etc., était quelque chose de complètement anachronique, outrancier, absurde, par rapport à l’effet formidable qu’elle a produit et le dérangement fondamental qu’elle a installé dans les relations internationales sur l’axe central Est-Ouest? Pourtant, non, à côté de ces appréciations, naît un sentiment qu’il se passe quelque chose où l’on confond deux mondes différents; comme si, finalement, Poutine, Lavrov, Kerry & Cie (dont Nuland dans la compagnie !) s’étaient retrouvés enfin, dans un monde à mesure raisonnable, entre les gens de bonne compagnie qu’ils devraient être ou qu’ils sont finalement, pour traiter rationnellement d’une question qui existe dans un autre monde où la déraison (la raison-subvertie), la psychologie corrompue jusqu’à la folie, l’affectivisme, le déterminisme-narrativiste règnent. Et, bien entendu, cette incursion hors-Système n’a été possible que parce que la partie US a bougé, – mais il nous semble fort probable que ce ne fut qu’une incursion... Par conséquent, notre façon de voir rejoindrait singulièrement, en notion de durée mais a contrario, le quart d’heure que nous a imparti Andy Warhol: ce quart d’heure vaudrait pour le bon sens et la mesure retrouvés... [...]

»... Car enfin, comment voudrait-on dompter l’extraordinaire russophobie qui est le caractère-Système (le caractère imposé par le Système) qui s’impose comme un terrifiant automatisme à toutes les psychologies affaiblies impliquées, abaissant d’autant des esprits déjà chargés d’une inculture cultivée avec minutie par des structures d’encadrement installées dans les pays du bloc BAO. Cela paraît un développement impossible, quelle que soit telle ou telle perspective diplomatique; que peut faire ce qu’on nommerait presque par dérision une sorte d’“esprit de Sotchi” contre ce qu’on pourrait définir avec plus d’arguments et d’éditoriaux pour nous conforter comme une sorte d’“esprit du 11 janvier” internationalisé et adapté, réunissant tous les anathèmes antirusses qui rythment et encadrent nos pensées-psalmodiées. C’est là un immense obstacle, qui mesure la difficulté sinon l’impossibilité de quelque concrétisation que ce soit de l’avancement fait à Sotchi, et nous fait diverger de l’avis de Bryan MacDonald sur la crise ukrainienne réduite au “moment-Warhol” de juste-15 minutes. Ce n’est pas souci glorieux d’avoir raison que nous écrivons cela mais par constat malheureux qu’il a sans doute certainement tort d’annoncer la fin de la crise ukrainienne.»

Le G-7 a remis leurs pendules à l’heure, soit l’heure de la récréation où l’on poursuit les bizutages du cancre qui ne fayote pas assez et autres occupations de haut niveau et de grande envolée... L’impuissance et la paralysie trempées dans l’antagonisme aveugle et furieux se poursuivent à leur train de sénateur belliqueux type-McCain dans le chef de ces dirigeants-Système, et les politiques du bloc BAO vont avec, à ce même rythme. Plus que jamais, la main de fer du Système les écrase, tellement plus efficace que tous les complots du monde, ordonnant cette tendance de la politique-Système aujourd’hui devenue totalement antirusse sans qu’il soit nécessaire que l’un domine l’autre, que l’autre exécute les ordres qu’il croirait entendre d'un voisin qui est de plus grande taille que lui ; il existe un vaste mouvement, un flux, dont l’origine est mystérieuse même si diverses explications de circonstance peuvent en être données, dont personne ne connaît l’origine qui échappe à la raison humaine sinon qu’elle est opérationnalisée par la formidable machinerie du Système ; avec, comme gâterie pour ce G-7, une présentation en vedette américaine du sourire innombrable et incessant du président Obama, dont la cooltitude (ou, pour les lettrés, the cool attitude) fait merveille pour ces réunions champêtres. L’on a vu tout cela, d’une façon indubitable, évidente, inoxydable, dans le beau château d’Elmau en Bavière. Ainsi a-t-on compris que, non, finalement, les sommets du G-7 servent à quelque chose. La crise poursuit sa course, grondante, sans désemparer, sans se soucier des Sotchi de circonstance et de fortune, et le G-7 a servi à nous le signifier sans prendre de gants ... The show must go on, et comment....


Mis en ligne le 9 juin 2015 à 15H03

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