Le f******-scandale, f******-bobo pour BHO?

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Toujours, dans cette étrange époque, l’inattendu survient. Nous sommes là, à guetter les signes de la crise qui s’aggrave, à nous interroger et à gravement spéculer sur “l’hypothèse Gorbatchev”, et c’est un scandale dans le plus pur style Chicago-Hollywood qui survient. Que vaut ce scandale? Quel intérêt de le savoir vraiment? Nous parlons d’“image”, pas de justice dans cette étrange époque; et, depuis l’élection triomphale du 4 novembre, rien ne compte plus pour Obama que l’“image”. Il se trouve que celle-ci, l’“image”, commence à se ternir, puisque le scandale Blagojevich, du nom du gouverneur de l’Illinois au leste langage, commence à toucher un proche du President-elect: son proche conseiller et chef de cabinet à la future Maison Blanche, et dur de dur de la politique politicienne démocrate à Chicago, Rahm Emanuel; qui plus est, Rahm Emanuel, bête noire des libéraux anti-guerre pour ses positions extrêmement pro-israéliennes (Rahm Emanuel a été citoyen israélien, il a servi dans l’armée israélienne).

Quelle implication, pour Rahm Emanuel? Est-il vraiment nécessaire de supputer, de faire des hypothèses? Probablement pas de quoi fouetter un fucking-chat. Il suffit de savoir que Rahm Emanuel a été en rapport avec le gouverneur Blagojevich dans cette affaire, ce qui n’est après tout que très normal vu les positions des deux hommes.

Le Times de Londres, très attentif à l'affaire et qui la suit précisément, rapporte ce matin:

«Pressure grew on two of Barack Obama’s closest political aides yesterday as new details emerged of the “pay-for-play” allegations against the Governor of his home state. Rahm Emanuel, the President-elect’s new Chief of Staff, and Jesse Jackson Jr, the co-chairman of his presidential campaign, both faced new revelations about their possible involvement in the scandal.

»Fox News Chicago reported that Mr Emanuel, a Chicago politician who won the Illinois Governor’s former congressional seat, may have been captured on FBI wire-taps discussing the fate of Mr Obama’s vacated US Senate seat with Rod Blagojevich. The TV station said Mr Emanuel had “multiple conversations” with the Governor, who is accused of trying to “sell” the open Senate seat for a Cabinet post or lucrative top foundation job. The report said the Governor was given a list of Senate candidates acceptable to Mr Obama. Because the FBI was secretly taping Mr Blagojevich in recent weeks, Mr Emanuel’s conversations may have been recorded, Fox News Chicago said.»

Là-dessus, Steve Clemons, de The Washington Note, nous dit, le 12 décembre, qu’il a repéré une transcription d’une conversation entre “Blago” et Emmanuel, qu’il a failli la poster sur son site, qu’il s’est avisé au dernier moment qu’il y avait toutes les chances que ce soit un faux (un “fake”), mais que c’est si bien fait que cela pourrait, que cela devrait être vrai, – “si non è vero, è ben trovato”… La transcription est apparue le même 12 décembre sur le site Dailykos.com, dont Clemons nous dit: «Here is a brilliantly written “fictional” transcript – that appeared on Daily Kos – but I thought it was real.» Nous aussi, nous pourrions penser que c’est “du réel” puisque, dans cette conversation nous avons relevé 40 fois le mot “f***” ou un composé, avec d’ailleurs des trouvailles brillantes («Big fucking surprise», «I'm not gonna fucking kiss your ring over it», «Wait a sec there Rahm. Wait just a fucking minute. Who are you to talk to me like that? I fucking made you», «Tell me you're fucking joking»…)

En vérité, le langage compte même si c’est de l’ordurier du tout venant et à la petite semaine, sans surprise pour personne. Dans une chronique sévère, et peut-être secrètement amusée, notre ami Gerard Baker, du Times du 12 décembre, nous signifie que c’est justement le fait du langage encore plus que le cas du scandale lui-même qu’il prend en compte, qu’il caractérise comme paraissant extrait d’un film de gangsters à Chicago:

«How often have you thought, as you watched some film about the Mob, or some television series about corruption in high places, that, as entertaining as it might be, it fails a basic plausibility test?

»We know that people do bad things, stupid things. But there's a clichéd theatricality about it all on the screen that leaves it looking more like entertaining parody than realism. Nobody actually tries to pull off that stuff, do they? The language is especially overdone. Nobody really speaks like that, surely?

»Ladies and gentlemen, meet Rod Blagojevich, the Democratic Governor of the great state of Illinois. Mr Blagojevich was indicted on Tuesday on corruption charges after federal investigators caught him on tape discussing ways in which he might personally profit from his authority to name someone to a vacant seat in the US Senate.

»The official transcript captures the Governor's deliberations with his aides in a language, and, it would seem, a tone, straight out of a Mob movie: “I've got this thing and it's f****** golden and uh, uh I'm just not giving it up for f****** nothing,” he says, referring to the Senate seat.»

Le langage est quelque chose qui compte, outre le fait de la communication, parce que c’est sans doute l’un des plus grands mystères de l’espèce humaine, et l’un des mystères qui posent le plus sûrement et justement la question métaphysique fondamentale; le langage est quelque chose qui compte, même dans cette époque pauvre et abaissée, où il est le plus souvent, presque universellement, partagé entre des onomatopées pavloviennes et automatiques, et des clichés conformistes débités avec componction et l’air le plus grave du monde, et ce langage postmoderne réduit en général, sur le cours d’une vie ou d’une campagne électorale, à une centaine de mots passe-partout et usés jusqu’à la corde. Les Français pleurent le destin de la grande langue française dans l’arène internationale, mais qu’ils considèrent, en regardant Star’ac ou en écoutant un discours du maître de l’heure, à quelle portion congrue et étique cette grande langue est soumise; les Français se plaignent du triomphe de l’anglais dans la même arène mais qu’ils considèrent, en écoutant le dialogue à peine bidon de “Blago” et de Rahm Emmanuel, à quelle portion étique et incongrue ce langage est abaissée, au stade de l’onomatopée et de l’invective, au stade du “f***” devenue une sorte de tempo, le beat qui rythme le “discours”. Il est impossible d’échapper à la réflexion assez simple que le langage reflète la pensée, le caractère et le reste, et qu’ainsi nous observons un champ de ruines agité de soubresauts, – fuck, fucking, fuck you. Ce n’est pas le triomphe de l’anglais, – imaginez ce que Shakespeare penserait en nous écoutant, – qu’il faut déplorer, mais le triomphe d’un langage appauvri jusqu’à la barbarie, jusqu’à la non-existence de la langue, nous restituant ainsi le niveau de la pensée et du caractère dans ces temps-là.

Ainsi peut-on en revenir à l’“image”… Sans doute, peut-être n’y a-t-il pas de quoi fouetter ce même fucking-chat du côté de l’“Obamaland”, dans cette affaire. Ce n’est pas la justice qui nous importe mais la hauteur de l’esprit qui nous préoccupe. Le mécanisme de cette époque de spectacle stérilisé étant ce qu’il est, le f******-scandale a toutes les chances de ternir l’“image” d’Obama, et l’on dirait presque que ce n’est que justice. Par ce chemin tortueux et indirect du langage leste et si pauvre d’un gouverneur corrompu selon les mœurs courantes, du conformisme qui s’émeut qu’on appelle un chat un chat, nous retrouverions ainsi une réalité. Tous ces gens, fussent-ils comme un Saint-Obama levé pour sauver l’American Dream, viennent d’où ils viennent et ont fait ce qu’ils ont fait, dans un milieu où le seul fait d’y être suppose une compromission et une corruption psychologiques, avant de nous apparaître sous les feux de la gloire de la construction virtualiste. Par conséquent, l’avantage du f******-scandale pourrait bien être de forcer Obama à être et à faire bien autre chose que l’“image” qui nous a été imposée pour s’affirmer comme un grand politique et, qui sait, comme un homme d’Etat. Encore une fois, cette affaire nous renforce dans notre surprise de constater à quelle vitesse les événements remettent prodigieusement vite les pendules caoutchouteuses de nos constructions virtualistes à l’heure des terribles réalités du monde.


Mis en fucking-ligne le 13 fucking-décembre 2008 à 07H09