Le casse-tête d’Obama

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Le candidat démocrate US se trouve aujourd’hui dans une situation très particulière et très inhabituelle. Son parti est quasi unanimement plébiscité, face à une présidence et un parti républicains discrédités au-delà de tout; son adversaire est médiocre, sans charisme et accompagné d’une réputation de belliciste très impopulaire; lui-même, Obama, semble l’objet d’une grande “popularité de perception” (au-delà d’une “popularité” médiatique, il soulève un réel enthousiasme populaire dans nombre de circonstances). Mais tout cela ne se transcrit absolument pas dans les sondages. Au contraire, signale le Times de Londres aujourd’hui, on observe avec une grande inquiétude dans le camp d’Obama la publication d’un sondage, pour la première fois depuis que la nomination démocrate d’Obama est assurée, où McCain est en tête.

«Barack Obama conceded yesterday that US voters were nervous about making him their next president as fresh polls showed him in an increasingly tight race against John McCain, his Republican rival.

»The Democratic candidate sought to explain why he has not seen a significant bounce in the polls after his international tour last week - with a new survey showing Mr McCain taking a lead for the first time since Mr Obama secured his party's nomination.

»Mr Obama's aides say that it is relatively early in the general election cycle, but there is a growing anxiousness about why he is not doing better against Mr McCain, who has so far run an unimpressive, disjointed and at times shambolic campaign.

»The Democrat said that voters were still sizing him up and that his candidacy was “new for them, new for us as a country. “This is going to be a close election for a long time because I'm new on the national scene and people sort of like what they see but they're still not sure.” But he added: “The odds of us winning are very good.”

»Most recent surveys show Mr Obama about six points ahead, but stuck several points below the 50 per cent threshold. A USA Today/Gallup poll yesterday showed the Republican four points ahead - 49 per cent to 45 per cent - among likely voters, in the first poll taken since the Democrat's overseas tour. It showed a surge since last month among likely Republican voters, suggesting that the trip might have galvanised them.»

Comme d’habitude, on peut avancer les arguments connus sur la relativité des sondages mais cette technique existe et joue le rôle qu’on lui voit tenir. C’est un fait du processus politique et il faut en tenir compte. Son impact psychologique est considérable, quelle que soit la réalité qu’il représente, et il est d’ores et déjà très grand dans le camp d’Obama. Quelle que soit la qualité de la campagne électorale d’Obama, du point de vue des normes politiciennes dans tous les cas, il est évident que ces résultats de sondage conduisent à des interrogations concernant la tactique électorale, voire à des questions éventuellement plus fondamentales.

Notamment, on doit observer que les grands changements effectués par Obama depuis le début juin n’ont pas donné l’effet escompté. Ces changements ont conduit Obama à se réaligner plus conformément aux normes du système: se “recentrer” en adoptant une position plus conforme au bellicisme de la politique générale en cours d’une part, chercher à adopter une stature internationale pour réduire le handicap supposé de l’inexpérience d’autre part. Il est frappant que le sondage diffusé hier (49% à McCain, 45% à Obama) est le premier qui prenne en compte sa tournée à l’étranger.

Le dilemme devant lequel se trouve Obama s’aggrave. Il apparaît de plus en plus prisonnier de sa démarche d’intégration dans le système et la question de savoir s’il pourra s’en évader est de plus en plus clairement posée. Mais cette question ne se pose plus seulement sur le fait de savoir quel Obama-président nous aurons (intégrera-t-il complètement le système et nous aurons alors un président conforme ou bien saura-t-il garder quelque distance pour qu'on puisse espérer une présidence un peu différente); elle se pose sur le fait même de son élection. En d’autres termes, la question est de savoir si Obama, en poursuivant sa démarche d’intégration, n’est pas en train de sacrifier sa supériorité initiale manifeste sur McCain, et une supériorité correspondant à l’humeur général du pays; en devenant un candidat de plus en plus conforme, ce serait alors les aspects négatifs des traits originaux de sa candidature qui prendraient le pas sur les aspects positifs (c’est là, notamment, où le réflexe dissimulé du racisme pourrait jouer à plein) et il pourrait perdre. On en revient toujours à notre hypothèse: la victoire d’Obama ne serait assurée que s’il exploitait à fond les traits originaux de sa candidature, et notamment une certaine image de se trouver en partie “hors-système”. Dans la situation actuelle, avec la structure de sa campagne, les engagements qu’il a pris et les conseillers qu'il a, cette voie paraît extrêmement improbable. Une seule possibilité est celle, exceptionnelle, qui serait une réaction de désespoir d’en revenir à sa formule initiale devant des sondages qui persisteraient à le placer en position incertaine ou de défaite alors que subsisterait cette “popularité de perception” dont on a parlé plus haut. Il s’agit d’une hypothèse complètement hors des normes de la politique US.


Mis en ligne le 30 juillet 2008 à 11H20