La mort d’internet ... ou de Google

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La mort d’internet ... ou de Google

A Davos, l’impassible et glacial Führer de Google, Eric Schmidt, annonce la mort d’internet comme de quelque chose qui serait rapidement dépassé et inutile, – une sorte de dinosaure, promis à disparaître selon la logique vertueuse du monde parce qu’il semble bien que ledit internet ne corresponde pas au dessein supra-physique de ce thaumaturge du bazar de simulacre de la postmodernité (nous parlons de Google et de sa philosophie). Schmidt décrit ce qui remplacera internet, ce qui ferait au fond qu’on passerait d’un réseau public, collectif et interconnecté comme il l’est aujourd’hui à l’établissement d’un “réseau individualiste” touchant directement les “consommateurs”, via leurs cerveaux. C’est la formule idéale des transhumanistes évoluant vers le contrôle total de l’humain et sa transformation progressive en un humanoïde robotisé, puis en un robot vaguement humanoïsé...

On voit donc qu’il y a une façon classique, commerciale et technologique, de considérer ces propos (ceux de Schmidt), ou une façon absolument ontologique de considérer qu’il s’agit, derrière le discours débité sur le ton monocorde qu’affectionne Schmidt, d’une tentative délibérée de transformation radicale de la personne humaine, et donc de l’espèce. Certaines appréciations, qui attribuent d’expérience à la galaxie-Google un climat de relations humaines et une dynamique professionnelle (?) ressemblant à ceux d’une “secte” qui auraient des projets de surhumanité conduisant à l’extra-humanité, peuvent tout aussi bien accréditer la seconde interprétation. Ils ne doivent pas hésiter une seconde, nous y sommes.

Dans Infowars.com, Paul Joseph Watson résume le propos de Schmidt à Davos de cette façon (le 23 janvier 2015) : «Google CEO Eric Schmidt greased the skids for an Internet brain chip during a speech at the World Economic Forum in Davos, Switzerland earlier today when he predicted the end of the world wide web as an external concept.

»Asked how he saw the Internet developing in future years, Schmidt responded. “I will answer very simply that the Internet will disappear.” “There will be so many IP addresses…so many devices, sensors, things that you are wearing, things that you are interacting with that you won’t even sense it,” he added. “It will be part of your presence all the time. Imagine you walk into a room, and the room is dynamic. And with your permission and all of that, you are interacting with the things going on in the room.”

»Schmidt, who previously caused controversy amongst privacy advocates when he stated, “If you have something that you don’t want anyone to know, maybe you shouldn’t be doing it in the first place,” concluded his Davos speech by envisaging “A highly personalized, highly interactive and very, very interesting world.” When Schmidt speaks of sensors that will replace the Internet as a platform accessed only through an external device, he is talking about implantable brain chips...»

Mais il y a une autre face de l’intervention de Schmidt, qui est relevée par Business Insider, le même 23 janvier 2015. Il concerne la position bêtement commerciale de Google, la situation de son monopole, face à l’apparition en nombre grandissant de concurrents qui s’approprient des parts de marché, tandis que la société géante de l’internet est sous le coup d’une investigation de l’UE, justement pour sa position monopolistique. Il importe d'avoir à l'esprit que ce mouvement vient de la crise NSA/Snowden et des révélations qui ont été faites sur la complicité et l’interconnexion existantes entre Google et la NSA (voir le 9 octobre 2014)...

«Google chairman Eric Schmidt suggested today that Google's dominance — in both search and mobile device operating systems — is under threat from a new set of players intent on reordering the tech business. He was speaking at the World Economic Forum in Davos, Switzerland, on a panel with Vodafone CEO Vittorio Colao, Facebook COO Sheryl Sandberg, and Microsoft CEO Satya Nadella.

»Schmidt was asked about the “dominance” of certain major companies, such as Facebook, Google and Apple who between them control the vast majority of the web and mobile internet. The context is that Google is under investigation by the EU into whether its search engine counts as a “monopoly.” Some regulators have suggested breaking up the company. Google has a roughly 90% share of the search market in Europe and its Android product has an up to an 80% share of the mobile device operating system market for phones, worldwide.

»And while Schmidt's answer wasn't exactly an admission that Google is going to crumble anytime soon, it did echo the thinking of some in the tech business who have noticed that smaller, specialist companies have begun slicing off niche chunks of Google's core business, or developing new search areas that Google has no access to. Both Facebook and Apple have search products for instance. (Facebook has its own internal search algorithm and Apple's App Store has a search function that powers its multi-billion app discovery process.)

»“On the question of dominance, you now see so many strong tech platforms coming through and you're seeing a reordering, and a future reordering, of the leaders because of the rise of the app on the smartphone. ... all bets are off. We have a whole new set of players,” he said. The major question for the future, he said, was, “What are the apps that people are going to use? ... I view that as a completely open market at this point.” His point is that new players can come from nowhere and create seemingly massive businesses from nothing in a matter of months. Two recent examples are the workplace chat product Slack — recently valued at $1 billion after only being in existence for 8 months — and Snapchat, which in just a couple of years has come to dominate certain types of messaging, particularly among young people. Whether any such app might seriously damage Google is being openly discussed by investors. A recent analysts' note from Baird Equity Research suggested Google was losing some of its “mojo to competitors...»

Ainsi va cette étrange époque où se mêlent jusqu’à l’intimité la plus oiseuse et la plus étrange le business dans ce qu’il peut avoir de plus monstrueux et de plus faussaire, entre les $milliards et les connexions avec la NSA, et les projets d’une science-fiction colorée d’un ésotérisme de bazar où un CEO sorti de rien nous assure qu’il pourrait répondre avec assurance et certitude à la question fameuse “Qui t’a fait Dieu ?”. Le vrai est que l’amas de puissance et le fatras de technologisme que permet le Système conduit effectivement à proposer sur la place publique des ambitions relevant de la métaphysique à la portée de toutes les bourses, sans vraiment exciter le moindre scepticisme. A Davos, aujourd’hui, tous les rêves sont permis, d’abord parce qu’ils sont protégés par une armée de gardes du corps clonés et globalisés en costumes sombres et lunettes noires, et de gabelous suisses veillant sur la bonne réputation de la Confédération.

Il s’agit d’une situation complètement inédite dans la répartition des puissances, et dans l’exposé de l’intentionnalité dans l’usage de ces puissances. Ce qui est remarquable, c’est ce procédé du parler “à ciel ouvert” (en plus, avec la superbe luminosité des cimes alpestres) dans l’exposé du complot pour remplacer “Dieu en réparation” (Louis-Ferdinand Céline) par “Dieu-Google”, donc poursuivre le récit de l’ampleur extraordinaire du complot machiné par le Führer-Schmidt ; et là-dessus la plongée dans la plus basse comptabilité pour rappeler que tout cela dépend de la capacité de Google de tenir le choc des effets des révélations de ses relations incestueuses avec la NSA. Ainsi, dans trois ou quatre ans, peut-être serons-nous tous dépendant des consignes de Schmidt et de son “Dieu-Google”, ou bien peut-être Schmidt sera-t-il dans sa résidence de chômage doré, à remâcher avec Marx et Nietzsche le catalogue des occasions ratées. En attendant défilent sous nos yeux, hors de tout contrôle de l’esprit critique, hors de toute référence de mesure du philosophe, hors de toute appréciation d’“autorités morales” qui préfèrent s’en remettre au flux du Système, les projets les plus ambitieux et les plus déstructurants.

Nous n’observons pas cela pour approuver ou dénoncer les projets de Schmidt dont nous avons déjà parlé, pour nous inquiéter ou nous réjouir du sort de Google, – on connaît nos positions là-dessus, – mais pour suggérer de quel poids formidable cette avalanche de communication concernant les hypothèses exposées et commentées sérieusement des bouleversements les plus considérables qu’on puisse imaginer doit peser sur nos psychologies. L’époque postmoderne, qui se présente comme l’époque du big Now, ce pseudo-“éternel présent” en version technologique, qui devrait donc proposer la stabilité assurée d’une sorte de “meilleur des mondes” enfin réalisé, produit au contraire et paradoxalement les poussées déstabilisantes et déstructurantes des psychologies les plus fortes qu’on puisse imaginer. C’est ainsi que naissent les événements les plus inattendus, – c’est-à-dire, pas nécessairement ce que le Führer-Schmidt nous promet pour ses lendemains qui clignotent...


Mis en ligne le 24 janvier 2015 à 15H42