La guerre du Sud prend ses aises

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Plusieurs articles de journaux et agences signalent des opérations majeures lancées contre les cartels mexicains de la drogue, tant du côté US que du côté mexicain. On trouve notamment un article du Times de Londres de ce 27 février et un de Reuters du 26 février. Il s’agit de rendre compte d’une opération majeure du côté US, essentiellement opération de police coordonnée par le FBI, et d’une opération militaire du côté mexicain, avec le renforcement d’une force de 5.000 hommes vers Ciudad Juarez. Cela permet également d’avoir une idée de la situation sur la frontière Mexique-USA, assez bien symbolisée par le titre de la dépêche Reuters: «Mexico to send more troops to besieged city», – où il est question de Ciudad Juarez comme d’une “ville assiégée” (par les cartels de la drogue).

• L’opération conduite par le FBI, en collaboration avec les forces mexicaines, l’opération Xcellerator, a commencé en 2007 et a été portée contre le cartel dit de Sinaloa, qui s’est battu pendant plusieurs années contre d’autres cartels, sans succès définitif semble-t-il, pour “le contrôle du nord-est du Mexique” et de la ville de Ciudad Juarez. L’opération Xcellerator a abouti à l’arrestation de 755 personnes, dont 52 cette semaine, avec des saisies considérables de drogue. L’administration Obama met l’affaire en épingle, avec des interventions spectaculaire du ministre de la justice: «“These cartels will be destroyed,” Mr Holder told a press conference on Wednesday when he revealed the details of Operation Xcellerator, launched in 2007 and aimed primarily at Mexico’s Sinaloa cartel. “They are a national security threat,” he said of the group, based in the northwestern state of the same name. “They are lucrative. They are violent. And they are operated with stunning planning and precision.”»

• Du côté mexicain, l’armée est engagée depuis longtemps dans cette véritable “guerre”, mais les effectifs gonflent (5.000 soldats à Ciudad Juarez, – en tout, 45.000 hommes engagés dans tout le pays dans ces opérations). La police mexicaine dans ces régions est parfois complètement sous contrôle des cartels, d’ailleurs souvent pour des raisons de survie (selon le Times: «In many cases police forces within Mexico must become subsidiaries of a cartel or face annihilation.») Il y a eu déjà eu de mille à 2.000 morts cette année, dus à la “guerre des cartels”, dont 250 en février à Ciudad Juarez (1,6 million d’habitants). Le gouvernement mexicain s’y est réuni mercredi, pour montrer qu’il contrôle la situation, ce qui a donné ceci qui n'est pas vraiment convaincant, selon Reuters: «This month alone, drug hitmen killed 250 people in Juarez, where a meeting of cabinet members on Wednesday was rattled by three bomb scares, forcing soldiers to briefly shut the city's international airport.»

• Selon des spécialistes français du contre-terrorisme, la “guerre de la drogue” sur la frontière Sud des USA équivaut désormais à la guerre d’Algérie menée de 1954 à 1962, dans certaines de ses phases les plus intenses, notamment dans les batailles urbaines. L’armement des cartels est extrêmement sophistiqué, et largement alimenté par des revendeurs d’armes légaux aux USA, notamment au Texas. Les mitrailleuses lourdes et les lance-roquettes font partie de l’équipement standard des cartels.

• La question de la “guerre des cartels” entre dans les urgences du circuit législatif aux USA, comme le rapporte Reuters.

«A U.S. Senate committee said on Thursday it would hold two meetings on the violence along the border, days after the Obama administration warned travelers about the growing risks. “We must assess border security programs and plans in place and we must review the readiness of federal, state and local law enforcement,” said Senator Joseph Lieberman, chairman of the Homeland Security and Governmental Affairs Committee.

»The panel would examine how the two governments were addressing the situation and determine the potential for increased terrorist activity. The committee said it may also look into whether there is merit to deploying National Guard to the border, fencing issues and potential mass migration from Mexico.»

Le dernier point de cette citation est bien entendu important: envisager la possibilité de faire appel à la Garde Nationale, c’est hausser le conflit du côté US au niveau de l’engagement militaire, – comme les Mexicains eux-mêmes ont déjà fait. (C’est aussi développer une nouvelle pression sur les capacités militaires US, déjà bien sollicitées par ailleurs et en triste état; la Garde Nationale n’échappe pas à cette situation, puisqu’elle a été elle-même fort sollicitée pour la guerre en Irak.) La remarque de Reuters à propos du soutien US aux opérations militaires mexicaines («Calderon's military operation is supported by the United States, which is concerned the violence could destabilize Mexico, a key trading partner, and spill over the border») rappelle évidemment les analyses récemment divulguées (voir notre F&C du 10 janvier 2009) sur l’évaluation stratégique de l’évolution du Mexique, considéré désormais comme un des deux pays les plus dangereux pour les USA avec le Pakistan, – mais infiniment plus près, on le comprend, – à cause du danger de déstabilisation interne.

Est-ce la situation qui s’aggrave? Est-ce l’administration Obama qui veut donner à ce conflit, – pas d’autre mot, sans aucun doute, – la place qu’il mérite alors qu’il fut pratiquement ignoré par l’administration Bush, dont le romantisme nihiliste ne s’arrangeait que des expéditions lointaines contre “la terreur”? Les deux points valent, sans doute, et se complètent, et se renforcent évidemment. La nouvelle attitude des USA vient de la rencontre entre les deux présidents, Obama et Calderon, fin janvier, au cours de laquelle le Mexicain a pressé le nouveau président US de s’engager plus nettement dans la bataille. C’était immanquable, Obama étant, aux yeux de tous, l’homme qui répare les manquements innombrables de l’administration Bush. Alors que les divers engagements US peuvent être discutés, critiqués, etc., celui-ci a par contre la force de l’évidence, en se demandant comment l’administration Bush a pu si complètement l’ignorer. Les USA y risquent leur stabilité, leur sécurité en un mot. C’est un nouveau foyer furieux de crise qui s’ouvre pour la Grande République, avec l’affaire passant au premier rang des préoccupations politiques.


Mis en ligne le 27 février 2009 à 12H04

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