La dent dure de Robert Gates

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Le secrétaire à la défense Robert Gates a présenté hier les grandes lignes de son budget pour l’année FY2009 (en retard, pour cause de restructuration). Ce budget doit être approuvé par la Maison-Blanche avant d’aller au Congrès où il sera longuement discuté, avec des interférences et diverses modifications possibles. Il s’agit d’un budget qui se place dans l’orientation affirmée d’une réforme fondamentale du Pentagone, avec l’affirmation que l’accent est mis sur l’équipement pour les conflits non conventionnels et la recherche de l’élimination de systèmes très coûteux et considérés comme inutiles dans les conditions stratégiques actuelles.

Les réactions au Congrès sont du genre: “bravo, très bel effort du secrétaire à la défense pour tenter de restructurer les dépenses du Pentagone et lancer la grande réforme, – mais les choix faits par le secrétaire et approuvés par la Maison-Blanche dépendront de notre accord”. Selon le site DoDBuzz.com, qui présente le projet de budget de Gates, ce 7 avril 2009:

«Regardless of who won and lost in Gates’ plan, what will really matter now is how Congress reacts. So far, Hill reaction to the Gates’ moves is cautiously supportive. House Armed Services Committee Chairman Rep. Ike Skelton (D-Mo.) called it “a good faith effort” but pointedly noted that, “the buck stops with Congress which has the critical Constitutional responsibility to decide whether to support these proposals.”

»Rep. Murtha praised Gates for taking “an important first step in balancing the Department’s wants with our nation’s needs. For far too long, the Defense Department has failed to address these challenges, and I applaud the Secretary for conducting this comprehensive review.” But he echoed Skelton’s comments that Congress will have the next say in how the nation spends its treasure.»

C’est l’USAF qui se taille la part du lion, si l’on peut dire, dans les mesures de restriction proposées par Gates. Le Daily Digest de Air Force Association présente les décisions affectant l’USAF, ce 6 avril 2009. Dans le domaine le plus sensible des avions de combat, quatre décisions sont proposées concernant l’USAF:

• Arrêt du programme F-22 à 187 exemplaires, quasiment au point où il se trouve aujourd’hui.

• Retrait de 250 chasseurs (F-15 et F-16) en 2010.

• Accélération du programme F-35 (JSF), dans les conditions suivantes (selon les mots de Gates): «I will recommend increasing the buy of the F-35 Joint Strike Fighter from the 14 aircraft bought in FY09 to 30 in FY10, with corresponding funding increases from $6.8 billion to $11.2 billion. We would plan to buy 513 F-35s over the five-year defense plan, and, ultimately, plan to buy 2,443.»

• Report indéfini du projet de nouveau bombardier stratégique envisagé pour 2018.

Les propositions de Gates, si elles sont acceptées, reviennent à concentrer tout l’avenir de l’USAF en tant que force de combat sur le seul JSF, en abandonnant toute voie alternative et tout effort complémentaire. Elles font du JSF le programme de sauvegarde de l’USAF, et imposent évidemment d’autorité à l’USAF la responsabilité vitale pour elle de la réussite du programme. Cette réussite est rendue plus problématique que facilitée par la décision d’accélérer le développement du programme, qui représente un risque très important, notamment à cause de sa structure qui fait se chevaucher les quatre-cinq dernières années de développement et les quatre-cinq premières années de production, avec des avions de production utilisés pour la fin du développement (le dernier rapport du Government Accounting Office, du 13 mars 2009, renouvelait ses avertissements des risques de cette méthode). Mais la situation est cornélienne dans la mesure où cette accélération si risquée du programme JSF est également la condition essentielle du maintien de l’USAF comme première force aérienne du monde puisque, par ailleurs, ses effectifs vont se réduire de plus en plus vite dès 2010 (retrait de 250 avions de combat).

Ce choix de Gates de soutien à fond du JSF est largement explicable par différents éléments, dont les engagements extérieurs du programme. Dans les conditions où il est fait, il représente beaucoup plus. Il lie, pour la première fois de cette façon si radicale, le sort de la première force aérienne du monde au destin d'un seul programme dont on ne sait pour l’instant s’il aboutira et dans quel état, dont les performances sont de plus en plus mises en cause, qui est l'objet d'une contestation grandissante et justifiée et qui est conduit par une gestion et une maîtrise extrêmement contestables. C'est beaucoup pour une seule force aérienne, fût-elle l'USAF.

Les propositions de Gates reviennent à choisir l’USAF comme service “en pointe”, ou comme “cobaye” de pointe pour la réforme du Pentagone, avec pour mission de s’arranger de différentes restrictions et d’arriver à s’en sortir, réformée, équipée de neuf, dépensant moins et mieux, ayant résolu les problèmes énormes de sa propre bureaucratie. Le choix est d’autant plus évident, mais d'autant plus vicieux si l'on veut, que le programme sur lequel s’articule cette tentative, le JSF, concerne également la Navy, le Corps des Marines et les clients étrangers. Est-ce un cadeau fait à l’USAF, d’ainsi devenir le service leader de la réforme au Pentagone? “Cadeau”, ce n’est pas vraiment le mot, en moins d'en apprécier le poids de poison qui l'accompagne… On retrouve là, de toutes les façons, la solide inimitié qui s’est établie entre le secrétaire à la défense et l’USAF depuis les incidents de l’été 2008 (mise à pied de la direction de l’USAF, affaire du KC-45).

Encore une fois, tout cela est à pondérer à la lumière des interventions qui vont suivre (Maison-Blanche, Congrès). La position de l’USAF est également pour l’instant très insaisissable. Même le Daily Digest de l’Air Force Association, pourtant si proche du service dont il assure le lobbying, se demande, ce 7 avril 2009, d’où vient cette idée énoncée par Gates que l’USAF a recommandé elle-même l’abandon du F-22: «The F-22 buy “completes” the program at the 183 level set for it in 2005, plus four more added by Congress, Gates said, adding that “there is no military requirement for more.” He later said that the Air Force told him that no more were needed, which is surprising because the service has been strongly promoting its need for more F-22s and unofficially quoting 60 as the number. Even Joint Chiefs of Staff Chairman Adm. Mike Mullen has said USAF needs 60 more F-22s.»


Mis en ligne le 7 avril 2009 à 14H57