La bataille irakienne devenue le Babel de la guerre

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La bataille irakienne devenue le Babel de la guerre

Cette fois, on ne lésinera pas : DEBKAFiles a trouvé une formule (le 26 juin 2014) résumant objectivement la situation irakienne, d’une façon parfaite, autant symbolique qu’opérationnelle. Tout est donc dans cette formule : «The Iraqi battle arena is become a veritable Babel of war. So far, six countries are involved in varying degrees: the US, Iraq, Iran, Syria, Jordan and Saudi Arabia.»

Le fait est que tous ces pays s’engagent ou sont forcés de s’engager contre la menace désormais presque mythique que représente la nébuleuse ISIS, dont nul n’a été capable d’en faire une définition décisive au milieu du tourbillon des interprétations contradictoires ou complémentaires. Le fait est que certains ont puissamment aidé à accoucher ISIS, d’autres l’ont ignoré, d’autres encore en subissent directement les effets, et qu’il s’agit parfois des mêmes dans deux ou trois cas. Le fait est que ces pays, entre eux, sont adversaires, ennemis acharnés, faux alliés, etc., et que tous sont forcés de paraître solidaires contre ISIS. Entre eux, toutes les méfiances et soupçons du monde, pas de coordination ni de coopération, ou bien coordination et coopération faussaires ou désespérées. Certains même livrent des armes, disons indirectement, aux deux côtés qui s’affrontent, avec l’Arabie empêtré dans ses containeurs de $milliards, alimentant en armes les tribus sunnites combattant aux côtés d’Isis en même temps qu’elle met ses forces en alerte sur sa frontière irakienne face aux terroristes du susdit ISIS, en même temps qu’elle demande de l’aide en soldats à l’Égypte pour affronter éventuellement une attaque contre elle de ce toujours susdit ISIS... Certes, peut-on imaginer Babel plus remarquable, – qui pourrait passer de six à sept pays impliqués si des soldats égyptiens étaient impliqués ?

«Thursday, June 26, the day before US Secretary of State John Kerry was due in Riyadh, King Abdullah summoned a National Security Council meeting “upon the current security events in the region, especially in Iraq,” and ordered “all necessary measures to protect the kingdom against terrorist threats.” This meant a general call-up of military units for a high level of preparedness. DEBKAfile’s military sources disclose that Egypt is assembling an expeditionary commando force to fly to Saudi Arabia and bolster its border defenses.

»This flurry of Saudi-Egyptian military steps comes in the wake of intelligence gathered by Saudi reconnaissance planes showing Iraqi Al Qaeda-linked Sunni fighters (ISIS) heading for the Saudi border and aiming to seize control of the Iraqi-Saudi crossing at Ar Ar (pop: 200,000). ISIS and its Sunni allies are still on the march after capturing Iraq’s border crossings with Syria and Jordan earlier this week.»

Alors que se croisent dans les cieux irakiens des avions saoudiens et iraniens allant alimenter les côtés qui s’affrontent en Irak, sans qu’on sache exactement lesquels, ni le pourquoi de ces livraisons, les Syriens, affirment DEBKAFiles, ont attaqué les livraisons d’armes saoudiennes aux sunnites proches de ISIS. L’affaire s’est faite sous la coordination des commandements iraniens en Syrie et en Irak, montrant une claire domination de l’Iran dans la gestion de la crise multiforme “du Levant”. Pendant ce temps, certes, les Saoudiens organisent la défense de leurs frontières contre ISIS, sollicitant cette fois, au contraire de la précédente, des informations des Iraniens, et recevant l’aide jordanienne et égyptienne ... Et puis, les habiles architectes américanistes, Kerry en tête.

«That incident [the Syrian airstrike] was a striking demonstration of the tight operational sync between the Iranian command centers in Damascus and Baghdad, which are attached respectively to the high commands of the Syrian and Iraqi armies. This coordination offers Tehran the flexibility for its command centers in both Arab capitals to send Iranian drones aloft from Syrian or Iraqi airbases to feed those centers with the intelligence they need for the strategic planning of military operations to be conducted by the Syrian and Iraqi armies.

»Iranian command centers in Baghdad and Damascus are fully equipped therefore to decide which Syrian, Iraqi or Hizballah force carries out a planned operation in either Syria or Iraq. Both are now pushing back against further ISIS advances towards its goal of a Sunni caliphate spanning both countries.

»This is just what US Secretary of State John Kerry meant when he said in Brussels Wednesday June 25, after two days of talks in Iraq, that “the war in Iraq is being widened.”’ He had good reason to sound worried. Shortly before he spoke, the first group of US military personnel, out of the 300 that President Obama had promised, had arrived in Baghdad. But neither Tehran nor Riyadh had consulted Washington before they organized heavy arms shipments to their respective allies in Iraq...»

Ajoutera-t-on à cela deux nouveaux acteurs indirects de la bataille en cours en Irak, par des livraisons d’avions de combat, selon l’annonce faite par Maliki lui-même. Il s’agit de la Russie et de la Biélorussie. (Au passage, Maliki ne manque pas de critiquer les USA, dont les renforts d’urgence en avions de combat prennent plusieurs semaines tandis que les Russes sont sur place en 2-3 jours. Et de regretter là-dessus de n’avoir pas initialement cherché à acheter plutôt des avions de combat français ou britanniques, plutôt que des USA)... Selon Russia Today, le 27 juin 2014 : «Jets from Russia and Belarus will hopefully make a key difference in the fight against ISIS in Iraq, the country’s Prime Minister Nouri Maliki said. He expressed regrets over Iraq's contract with the US, saying their jets are taking too long to arrive. "God willing within one week this force will be effective and will destroy the terrorists’ dens," he told BBC Arabic.

»Meanwhile, Maliki criticized the process of purchasing US jets as “long-winded,” adding that the radicals could have been repelled if Iraq had proper air defense. “I'll be frank and say that we were deluded when we signed the contract [with the US],” Maliki said. “We should have sought to buy other jet fighters like British, French and Russian to secure the air cover for our forces; if we had air cover we would have averted what had happened,” he went on.

»Maliki said Iraq bought second-hand jet fighters from Russia and Belarus “that should arrive in Iraq in two or three days.”»

Nous sommes sûrs qu’il y a de nombreuses théories et autres élaborations sur les manœuvres secrètes pour nous expliquer l’impeccable logique de cet amoncellement d’interventions en Irak, dans tous les sens, de tous les côtés... Certes, il doit y avoir une impeccable logique humaine derrière tout cela. En attendant, on mesure l’impeccable logique du désordre lui-même, qui est de s’autoalimenter selon une course d'augmentation plutôt géométrique qu'arithmértique. Comme d’habitude, les initiateurs originels de ce désordre rejoignent rapidement la position du dindon de la farce, ce qui est le cas de l’exécutant US qui a été le plus grand discoureur sur la nécessité de venir en aide sous conditions à l’Irak, et qui se trouve aujourd’hui comme le dernier à pouvoir le faire d’une façon efficace, tandis que les conditions qu’il a mises à cette intervention (un gouvernement d’unité nationale) s’avèrent de plus en plus impossibles à remplir malgré l’intervention des indispensables Britanniques (voir UNZ.com le 26 juin 2014). On peut aussi consulter d’autres textes rendant compte du désordre de ces mêmes acteurs qui sont jugés et se jugent eux-mêmes essentiels à la mise en ordre à leur avantage de la situation irakienne & alentour, – celui de Steve Clemons sur la situation à Washington (The Atlantic, le 25 juin 2014 : «U.S lawmakers encouraged officials in Riyadh to arm Syrian rebels. Now that strategy may have created a monster in the Middle East») ; celui de Ben Caspit (Al-Monitor le 25 juin 2014) sur Israël face à la “folie” du Moyen-Orient : «Israel sees Jordan as buffer against regional “madness”»...

Le tourbillon de désordre qu’est devenu l’Irak en l’espace de deux semaines semble comme un formidable symbole de l’aventure centrale que déclencha 9/11, aventure commencée en Irak avec l’intervention US dans ce pays, et plongée dans sa phase terminale du grand dessein sombrant dans le désordre, – en Irak, à nouveau. Il est devenu impossible de sortir de ce tourbillon un enseignement politique, stratégique, etc., tant la vérité de la situation est devenue aujourd’hui le désordre pur, l’archétype du désordre. Y aura-t-il l’un ou l’autre, parmi les légions d’experts et d’idéologues vertueux du bloc BAO pour offrir une appréciation fixant les responsabilités des ambitions et des illusions de ce même bloc ? C’est bien improbable, bien entendu, tant l’état d’esprit est rétif à l’enseignement des événements. Pour autant, le coup est si sévère qu’on ne voit plus guère de façon de s’en relever... Le bloc BAO est directement passé de l’arrogance de l’hybris globalisé à l’hébétude du désordre général.

La situation est comme une poignée de sable, en pleine dissolution au creux des mains fébriles qui tentent de la saisir pour tenter de la comprendre, et éventuellement de la fixer. Désormais, l’Irak ressemble à une impasse, à un cul de sac, où se rassemblent toutes les illusions perdues, toutes les grotesques constructions civilisatrices prétendant à la transformation de tout un monde à l’image de ceux qui se croyaient ses maîtres venus de l’extérieur. Il n’y a plus qu’à s’asseoir et à contempler le spectacle, dans l’attente de ce que le sort décidera. La seule certitude est bien que cette décision se fera sur la tombe des ambitions néo-colonisatrices d’une civilisation occidentale qui n’en finit pas d’agoniser par toutes les voies de ses ambitions globalisantes et niveleuses à son image, devenues comme autant de voies d’eau d’un immense Titanic en train de sombrer.


Mis en ligne le 27 juin2014 à 11H50