L’ultimatum à peine déguisé de Boeing

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Les bruits publiés ici et là se confirment. Boeing se dit très mal à l’aise avec les nouvelles spécifications de l’USAF concernant le programme KC-45, à la suite de la réouverture de la compétition suivant l’appréciation défavorable du GAO, du 18 juin dernier. Boeing estime que les nouvelles spécifications portent sur un avion différent, plus gros et à plus forte capacité d’emport, que celles qui furent considérées pendant la première phase de l’attribution menant à la sélection d’EADS/Northrop Grumman. Boeing demande un délai de six mois pour soumettre sa proposition, et non les deux mois qu’exige le Pentagone.

La nouvelle est annoncée par diverses sources, dont l’AFP du 22 août. Le Daily Report de l’Air Force Association publie ceci, aujourd’hui:

«Boeing Wants More Time For KC-X Bid: Boeing last week told the Office of the Secretary of Defense that it needs six months to prepare its bid for the reopened KC-X tanker contest. This would obviously torpedo OSD’s plans to announce the winner around year’s end. But Boeing’s position is that, if unable to secure “sufficient time” to assemble a “meaningful, detailed, and competitive bid,” it would have “little option” other than to pull out of the competition, said company spokesman Dan Beck. “We are only asking for adequate time to put together a competitive proposal,” he told the Daily Report Aug. 22, adding, “[OSD] is essentially asking for a different kind of plane from the first competition.” Boeing offered a tanker based on its 767-200 airframe in the first go-around. Based on its reading of the revised draft KC-X solicitation, Boeing now thinks it may have to offer a larger variant of the 767 to be competitive, said Jim Albaugh, head of the company’s defense sector, reported the Wall Street Journal Aug. 22. Meanwhile Northrop Grumman, in a release that same day called Boeing’s request “disturbing.” OSD had planned to give the two offerors 60 days to submit revised bids upon release of the final version of the revamped RFP, which is still pending. (OSD and Air Force officials have met with representatives of both companies to discuss the revised RFP.) Northrop said this is “more than enough time.” If a competitor decides to fundamentally change its offer, “that is their choice, but the warfighter and taxpayer should not have to bear the burden of their late-breaking change in business strategy,” the company said.»

Il y a deux semaines, des bruits avaient couru à propos du retrait de Boeing de la compétition, à cause de cette question du délai. Ils sont en partie confirmés, puisque ce qui est annoncé est le probable retrait de Boeing si un temps supplémentaire important (par rapport aux 60 jours de délai actuellement exigés) ne lui est pas accordé. La nécessité effective où se trouverait Boeing d’avoir besoin de plus de temps pour redéfinir son offre reste pour l’instant du domaine de la spéculation. Du point de vue de la tactique politique, il apparaît dans tous les cas qu’il s’agit d’une disposition assez logique et habile de Boeing, qui ne veut pas paraître provoquer lui-même la rupture mais entend en laisser la responsabilité éventuelle au Pentagone. De la part de Boeing, il s'agit d'un ultimatum déguisé. Il n’est pour l’instant pas dit que le Pentagone ne cède pas à la demande de Boeing, essentiellement pour des considérations politiques et malgré qu’un tel délai conduirait nécessairement à largement dépasser la programmation qui prévoit une décision en décembre.

Les adversaires et les critiques de l’attribution du programme KC-45 à EADS/Northrop Grumman ont souvent avancé l’argument que les spécifications de l’USAF ne justifiaient pas l’avantage que l’USAF a donné à la proposition EADS d’un avion ayant des capacités supérieures d’emport. Les nouvelles spécifications introduisent cet élément et Boeing réagit en observant qu’il doit offrir une nouvelle version de sa gamme d’avions, pour effectivement être compétitif dans ce domaine, et que cela demande du temps. EADS/Northrop Grumman, au contraire, est à l’aise dans la mesure où l’avion qu’il offre est effectivement conforme au niveau de la capacité d’emport.

Il est très probable que les partisans de Boeing sont prêts à dénoncer les nouvelles spécifications de l’USAF, comme un effort pour favoriser l’offre EADS/Northrop Grumman et confirmer son choix initial. Plus que jamais, le Pentagone sera accusé de favoritisme et, plus encore, de favoritisme en faveur d’une firme non-américane. Un retrait de Boeing mettrait de toutes les façons le Pentagone dans une position embarrassante, en supprimant évidemment la situation de compétition. Normalement, si le Pentagone refuse la demande de Boeing et si Boeing déclare qu’on lui impose la nécessité de se retirer de la compétition, nous devrions avoir une tempête politique intéressante à Washington en septembre, pour la rentrée parlementaire et au début de la phase finale de l’élection présidentielle.


Mis en ligne le 25 août 2008 à 15H26