L’ombre terrible de la crise

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De plus en plus grandit l’ombre terrible de la Grande Dépression, avec l’installation de la crise de 2008 propulsée des arcanes improbables de l’univers de notre finance-bidon jusqu’aux réalités tangibles de l’“économie réelle”. La puissance de notre machinerie de la communication et les perceptions faussées qu’elle entraîne, prestement transformées en virtualisme par la tendance faussaire constante du système, induit une extrême difficulté à saisir au rythme du quotidien l’ampleur de la tragédie. Certains jours un peu différents dans les événements et les commentaires nous en donnent l’occasion, – et ce fut le cas de ce vendredi 21 novembre 2008.

Hier donc, le site WSWS.org présentait un tableau révélateur du phénomène.

«Further multibillion-dollar losses hit share markets worldwide over the past two days, driven by fears that a deflationary spiral could lead to global depression. While government and media commentators are still attempting to assure the public that there could be no repeat of the 1930s, the money markets are telling a different story.

»Within the pages of the financial press, it is now being openly conceded that, for all the official assurances, every government intervention and bid for international coordination has failed to stem the economic meltdown. In the Wall Street Journal yesterday, Peter A. McKay observed that, “government is running out of ammunition to stabilize the financial system and the economy.”

»In a similar vein, John Durie wrote in the Australian: “The word is finally out—NOTHING IS WORKING—and, as a result, global stock markets are in freefall.” Durie noted that the US administration and the Chinese leadership had each committed close to $1 trillion to rescue packages “and the world is still sinking”.»

Le commentateur du New York Times et Prix Nobel d’Economie 2008 Paul Krugman concrétise la perspective, l’enrichit en un sens, en la limitant paradoxalement dans le temps, en se penchant sur le phénomène plus immédiat de la transition entre les deux présidents US. Il observe qu’il y a une similitude entre la transition présidentielle de la Grande Dépression, entre 1932 et 1933, et l’actuelle transition, en rappelant d’abord combien cette transition de 1932-33 fut effectivement catastrophique. Nous-mêmes avons souvent relevé ce fait, comme, par exemple, le 11 décembre 2007:

«(A l’automne 1932, l’Amérique était plongée déjà dans la Grande Dépression, dont on peut dire qu’elle avait atteint sa phase dramatique en 1931 (après le crash de Wall Street d’octobre 1929, suivi d’une remontée au printemps 1930 de la Bourse jusqu’au niveau de la prospérité de 1928, avant un déclin régulier accompagnant la détérioration de la situation économique). Le fond de la Grande Dépression fut atteint durant l’interrègne, entre novembre 1932 et mars 1933, avec un effondrement du système bancaire et une augmentation vertigineuse du chômage. (C’est à cause de cette période dramatique qu’un amendement à la Constitution fut voté pour réduire cette vacance de facto du pouvoir présidentiel de deux mois, de novembre à janvier au lieu de novembre à mars.) Ce sont bien entendu ces événements qui poussèrent FDR à une politique radicale. Sa première décision de nouveau président assermenté, le 5 mars 1933, fut d’ordonner la fermeture de toutes les banques, pour interrompre le processus de faillites en cascade.)

»Il est certain que les événements vécus jusqu’à l’élection de novembre 1932 de FDR ne donnèrent pas, sur le moment, l’impression de calamité nationale qu’on éprouve aujourd’hui à juger historiquement la Grande Dépression. C’est la distance entre l’événement en cours et l’Histoire qui explique le phénomène. (Ce fut différent pour la période entre novembre 1932 et mars 1933, où tout sembla se volatiliser... Citons à nouveau André Maurois, retour d'un séjour là-bas, publiant en septembre 1933 ces remarques dans ses Chantiers américains: “Si vous aviez fait le voyage vers la fin de l'hiver (1932-33), vous auriez trouvé un peuple complètement désespéré. Pendant quelques semaines, l'Amérique a cru que la fin d'un système, d'une civilisation, était tout proche.”)»

Paul Krugman met en évidence combien la situation économique s’est considérablement détériorée depuis le 15 septembre. Effectivement, le commentateur observe ainsi ce qui est d’une certaine façon passé inaperçu parce que l’effet médiatique donne une impression plutôt inverse. On a la perception de la crise et de son paroxysme entre le 15 septembre et le week-end du 10 octobre; on a la perception ensuite d’une tension qui retombe, avec une interprétation presque instinctive d’une amélioration de la situation. Georges Friedman, de Stratfor.com, en témoigne involontairement en entamant son commentaire du G20, le 17 novembre: «The G-20 met last Saturday. Afterward, the group issued a meaningless statement and decided to meet again in March 2009, or perhaps later. Clearly, the urgency of October is gone. First, the perception of imminent collapse is past. Politicians are superb seismographs for detecting impending disaster, and these politicians did not act as if they were running out of time.»

C’est dans sa chronique du 21 novembre que Paul Krugman rappelle cette référence de 1932-1933 et, pour notre époque, cette aggravation de la crise derrière l’apparence d’apaisement que nous suggère superficiellement la fin du paroxysme de septembre-octobre. Il explique le risque extrême que court l’économie aux USA dans les prochaines semaines, dans le vide du pouvoir washingtonien.

«There is, however, another and more disturbing parallel between 2008 and 1932 — namely, the emergence of a power vacuum at the height of the crisis. The interregnum of 1932-1933, the long stretch between the election and the actual transfer of power, was disastrous for the U.S. economy, at least in part because the outgoing administration had no credibility, the incoming administration had no authority and the ideological chasm between the two sides was too great to allow concerted action. And the same thing is happening now.

»It’s true that the interregnum will be shorter this time: F.D.R. wasn’t inaugurated until March; Barack Obama will move into the White House on Jan. 20. But crises move faster these days.

»How much can go wrong in the two months before Mr. Obama takes the oath of office? The answer, unfortunately, is: a lot. Consider how much darker the economic picture has grown since the failure of Lehman Brothers, which took place just over two months ago. And the pace of deterioration seems to be accelerating.

»Most obviously, we’re in the midst of the worst stock market crash since the Great Depression: the Standard & Poor’s 500-stock index has now fallen more than 50 percent from its peak. Other indicators are arguably even more disturbing: unemployment claims are surging, manufacturing production is plunging, interest rates on corporate bonds — which reflect investor fears of default — are soaring, which will almost surely lead to a sharp fall in business spending. The prospects for the economy look much grimmer now than they did as little as a week or two ago.

»Yet economic policy, rather than responding to the threat, seems to have gone on vacation. In particular, panic has returned to the credit markets, yet no new rescue plan is in sight. On the contrary, Henry Paulson, the Treasury secretary, has announced that he won’t even go back to Congress for the second half of the $700 billion already approved for financial bailouts. And financial aid for the beleaguered auto industry is being stalled by a political standoff.»


Mis en ligne le 22 novembre 2008 à 19H55

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