L’“insulte” comme signe de l’amitié indéfectible

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Hillary Clinton, parlant à Jill Dougherty, de CNN, à propos des incidents du voyage de Joe Biden en Israël, paraissait bien lasse, telle que nous la montre la vidéo accompagnant le texte de CNN.News du 12 mars 2010 qui fait le rapport de cet entretien. Nous en donnons un extrait important, tant on trouve le texte baigné par la contradiction entre le principe du soutien inconditionnel des USA à Israël et la façon dont le gouvernement Netanyahou, ou plutôt Netanyahou lui-même, traite les USA.

«Secretary of State Hillary Clinton said Friday that Israel's announcement of new settlement construction in disputed territory in East Jerusalem was “insulting” to the United States. The Israeli announcement came during Vice President Joe Biden's visit this week to Israel. It complicated U.S. efforts to set up so-called proximity talks between the Israelis and Palestinians, the latest attempt to nudge the two sides back toward talking directly.

»Clinton said the United States' relationship with Israel is not at risk: “Our relationship is durable. It's strong. It's rooted in common values.” “But we have to make clear to our Israeli friends and partners that the two-state solution – which we support, which the prime minister himself says he supports – requires confidence-building measures on both sides,” Clinton told CNN's Jill Dougherty. “And the announcement of the settlements the very day that the vice president was there was insulting.”

»The construction, announced Tuesday, will be in the Ramat Shlomo neighborhood, in disputed territory in East Jerusalem. The Israeli Interior Ministry denies that the territory is in East Jerusalem.

»Biden arrived in Israel on Monday, meeting first with Israeli President Shimon Peres at his official residence in Jerusalem and then with Prime Minister Benjamin Netanyahu. Biden emphasized the close relationship between the United States and Israel as he met with Israeli leaders Tuesday, a visit that also touched on relations with the Palestinians and Iran.

»However, later Tuesday, after getting word of the settlement announcement, Biden said the United States condemned Israel's decision to build 1,600 housing units in the Jerusalem neighborhood, calling it “a step that undermines the trust we need right now.”

»The Israeli Interior Ministry said the construction plan was approved by a district committee, and the public can express objections to it over the next 60 days.

»“I mean, it was just really a very unfortunate and difficult moment for everyone -- the United States, our vice president who had gone to reassert our strong support for Israeli security -- and I regret deeply that that occurred and made that known,” Clinton said Friday. She added that she has no reason to believe that Netanyahu knew about the announcement during Biden's visit but added, “He is the prime minister. Like the president or secretary of state ... ultimately, you are responsible.”»

Notre commentaire

@PAYANT L’initiative, cette “insulte” dont parle Hillary, est venue du Premier ministre israélien lui-même. Elle ne représente pas un acte de la politique israélienne et du gouvernement, comme le montrent les réactions de certains ministres qui ont condamné cette initiative; même le ministre de la défense Barack, qui ne brille ni par la finesse ni par le goût de la diplomatie, a exprimé sa consternation. La presse israélienne, en général, a fait de même.

L’initiative montre un aspect personnel de Netanyahou, déjà évident à plus d’une reprise. Nous l’exprimions encore le 9 mars 2010, en présentant et en citant un texte de Ray McGovern: «McGovern fait l’hypothèse que Netanyahou a conclu de ses rencontres et autres manœuvres qu’Obama est “a wuss” (“un trouillard”), qu’on peut manœuvrer à sa guise… “It is altogether likely that Netanyahu has concluded that Barack Obama is – in the vernacular – a wuss”…» Simplement, Netanyahou, à cause d’un comportement personnel si particulier, a agi politiquement selon ce jugement personnel: il y a, dans son initiative, un mépris affiché pour le “wuss” qu’est, selon lui, Barack Obama.

Cela conduit les USA à une rhétorique étrange, qui explique la lassitude d’Hillary Clinton: renouveler une nième fois l’amitié indéfectible qui lie les USA et Israël et constater avec amertume qu’Israël a “insulté” les USA, cela à quelques mots de distance, représente une étrange “performance” qui a de quoi susciter la lassitude. A côté de cela, la réalité politique, autant celle de l’annonce faite durant le voyage de Biden que la publication de révélations selon lesquelles le gouvernement israélien a un plan pour installer 50.000 implantations dans les divers territoires dévolus aux Palestiniens, pulvérise tous les espoirs dans la relance du processus de paix, style-Obama, avant qu’il ait commencé. Et, sur le fond de ce constat alors que la forme de l’intervention de Netanyahou a été contestée, le gouvernement israélien, approuvant de toutes les façons le nouveau projet d’implantation, montre son intention collective d’ainsi briser dans l’œuf le processus en question et tout autre processus de cette sorte.

L’avantage indiscutable de l’initiative de Netanyahou, – la forme qui a tant choqué, alors que ses amis sont d’accord sur le fond, – est de bien mettre les choses au point et les cartes sur la table. Dans son appréciation évidemment critique de l’incident, Justin Raimondo parle, dans sa chronique du 12 mars 2010, du “virulent anti-américanisme d’Israël”, une idée qu’il avait développée auparavant (sa chronique du 9 juin 2009). L’idée est assez juste, conduite par le développement paranoïaque de la politique israélienne, sous la conduite d’un Netanyahou qui l’est certainement, paranoïaque, d’une façon exemplaire et flamboyante, au nom de tous ses ministres, de son parti, du monde politique israélien, de l’image d’Israël que ce pays se donne à lui-même et à laquelle l’Occident en général se soumet avec empressement.

Ainsi n’a jamais mieux été mise en évidence la contradiction formidable qui pèse sur les relations entre les USA et Israël. Ces relations, au point où elles en sont aujourd’hui, dans ce moment particulier où les USA soutiennent Israël alors qu’Israël fait une politique qui détruit leurs intérêts, sont elles-mêmes conditionnées pour l’essentiel (disons, quelque chose comme 90%), par l’action de communication, de corruption, la terreur psychologique appuyée sur tous les archétypes de la narrative moralo-politique favorable à Israël au-dessus de tout, que mène “the Lobby”, le fameux AIPAC qui règne en maître sur le Congrès des Etats-Unis. Il est bon, il est excellent que cette situation de dépendance si extraordinaire soit mise en lumière par un comportement que la secrétaire d’Etat des USA s’est sentie obligée de qualifier d’“insultant pour les Etats-Unis”. C’est bien le cas, aujourd’hui on “insulte“ les Etats-Unis, sans que les Etats-Unis ne soient capables de montrer autre chose qu’une lassitude désolée, en réaffirmant l’amitié que votre ami vient ainsi d’illustrer d’une façon si complètement paradoxale.

Même s’il s’agit d’Israël et qu’Israël semble pouvoir tout se permettre vis-à-vis des USA de Barack Obama, la chose sera perçue dans le monde, également, comme un signe supplémentaire de l’affaiblissement des USA. A côte du cas particulier des “relations spéciales” entre les deux pays, il y a le fait que jamais aucun Premier ministre israélien ne s’est permis un tel comportement à l’encontre des USA. Ce fait-là témoigne d’une époque bien précise et plus seulement de ces seules “relations spéciales”; une époque où les USA en déclin accéléré montre désormais sans fard la faiblesse mortelle que ce déclin accéléré a introduit dans leur politique, autant que dans le comportement de ceux qui l’élaborent et l’exécutent. Il en résulte que tout le monde, peu ou prou, est conduit vers l’anti-américanisme, avec les Israéliens qui montrent la voie et démontrent que les “amis” sont bien ceux qui y sont le plus inclinés. Les USA payent ainsi le comportement hégémonique et volontiers méprisant pour les autres qui a été le leur depuis que l’ivresse de la puissance les a saisis, après l’écroulement de l’URSS, – pour s’en tenir à cette seule séquence historique. Le respect qui leur était montré du temps de leur toute-puissance affirmée allait à cette toute-puissance à laquelle tout le monde croyait (toute-puissance bien contestable, mais cela est un autre point), elle n’allait nullement aux USA eux-mêmes. La perception de l’effondrement de cette toute-puissance découvre le sentiment général, et notamment que l’insulte, désormais, est la façon favorite que leurs meilleurs amis ont trouvé pour marquer leur amitié avec les USA. Le fait est que plus grand’monde n’aime l’Amérique, et cela aussi, le constat de cette réalisation implicite, expliquait la lassitude d’Hillary Clinton.


Mis en ligne le 13 mars 2010 à 07H16