L'échéance du 21 juillet et les suites

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L'échéance du 21 juillet et les suites

Ce que l'on nomme la crise de la dette, présentée comme menaçant non seulement l'euro mais l'Union européenne dans son ensemble, devrait voir ses échéances reportées le 21 juillet, si les chefs d'Etat et de gouvernements européens s'engageaient une nouvelle fois à fournir une aide à la Grèce lui permettant de faire face à son déficit. Mais il ne s'agira, comme tous les observateurs le soulignent à l'envie, que d'un répit temporaire. Si les gouvernements européens se refusaient à envisager la seule solution qui s'impose, c'est-à-dire dans un premier temps la mise en place d'un gouvernement économique commun, les spéculateurs et derrière eux les intérêts politiques qui combattent l'émergence d'une Europe véritablement souveraine, reprendront l'offensive.

Deux grands ensembles géopolitiques mondiaux sont confrontés aujourd'hui à un problème commun, celui de la nécessité de faire face à leurs déficits budgétaires sans pour autant sacrifier leurs investissements gages de l'emploi de leurs jeunes. Il s'agit des Etats-Unis et de l'Europe. Dans les deux cas, ces ensembles seraient suffisamment riches et puissants pour résoudre ce problème, s'ils acceptaient de prendre les décisions politiques qui s'imposent. Aux Etats-Unis, il suffirait que les Républicains et les Démocrates s'entendent pour faire appel aux mesures ayant jusqu'ici réussi: par exemple de nouvelles aides de la Banque fédérale au Trésor. Au delà de ces mesures immédiates, il faudrait qu'ils acceptent non seulement de réduire certaines dépenses mais surtout de taxer les acteurs économiques et sociaux ayant jusqu'ici bénéficié des faveurs fiscales généralisée du temps de la présidence Bush. Mais ce faisant ils conforteraient la situation de Barack Obama.

Or précisément les Républicains et quelques Démocrates ne le veulent pas. Ils veulent la perte d'Obama, pour des raisons de politique intérieure que nous n'analyserons pas ici. Ils agitent pour cela l'éventualité d'une crise des paiements de l'administration fédérale voire d'une crise économique s'étendant éventuellement à une partie du monde. Mais ce risque est illusoire. La société américaine dans son ensemble n'accepterait pas une telle déconfiture. Nous avons seulement pour le moment le spectacle d'une partie de bras de fer, destinée à obliger l'un des deux partenaires à céder le premier. Mais ceci n'ira pas jusqu'à mise hors course des deux joueurs à la fois. Les marchés financiers et les agences de notation l'ont bien compris et ne s'inquiètent pas. De toutes façons, les dettes seront payées et l'Etat fédéral conservera sa puissance. Seuls sans doute quelques états fédérés ou villes auront des difficultés, qui se résoudront finalement avec l'aide de la fédération. C'est que l'Amérique, contrairement à l'Europe, est gouvernée par un pouvoir politique qui reste fort et n'a pas du tout l'intention de manifester de faiblesses, notamment dans la compétition qui s'accentue avec les autres grands pouvoirs géopolitiques mondiaux. L'Amérique n'est pas suicidaire.

L'Europe, contrairement à l'Amérique, est-elle suicidaire?

L'Europe, sauf au plan technologique, dispose d'une situation économique bien meilleure que celle des Etats-Unis. Globalement ses déficits extérieurs (rapport exportations/importations) sont bien moindres. De même ses déficits budgétaires, toujours globalement, sont bien inférieurs aux déficits américains. Il en est de même de ses dettes publiques cumulées. Enfin ses épargnes sont bien supérieures à celles des Etats-Unis et par conséquent ses capacités d'investissements lui permettraient de créer enfin les emplois productifs lui permettant d'ouvrir des perspectives à sa jeunesse.

Mais il faudrait pour cela que les gouvernements européens acceptent de mutualiser les charges et les dettes, sous l'autorité d'un gouvernement politico-économique commun – analogue à celui dont disposent les Etats-Unis. Dans le cadre de cette mutualisation, dans un premier temps, il faudrait accepter que la Banque centrale européenne finance elle-même les déficits des Etats artificiellement mis en difficulté par la spéculation – déficits qui répétons-le, tel celui de la Grèce, sont insignifiants au regard de la richesse potentielle globale du continent. Sachant cela, la spéculation s'éteindrait d'elle-même et l'on n'entendrait plus parler de la question des agences de notation.

Certes, un gouvernement économique commun ne serait pas viable à terme sans un gouvernement politique commun et sans l'élargissement des capacités de contrôle du Parlement européen. On s'acheminerait donc vers une Europe véritablement fédérale, ce qui supposerait évidemment des modifications constitutionnelles importantes. Mais comme il s'agit véritablement d'une question de vie ou de mort, pourquoi, à la faveur de la crise (artificielle) de la dette, les gouvernements européens ne proposeraient-ils pas, dès ce mois de juillet 2011, une telle perspective? L'envisager sérieusement sans attendre permettrait dès maintenant de réduire les pressions de la spéculation.

La réponse généralement apportée par les experts et même par les opinions publiques est que les gouvernements européens sont trop crispés sur leurs prérogatives, notamment budgétaires et économiques, pour accepter de créer une structure commune les obligeant à s'entendre. On fait valoir en particulier la peur des grands Etats, notamment l'Allemagne, de devoir payer pour les retards de développements des plus petits ou de ceux récemment entrés dans l'Union. Corrélativement, selon un tel point de vue, les petits Etats ne veulent pas se faire imposer par les plus grands des choix que disent-ils refuseraient leurs opinions.

Il est vrai aussi que les gouvernements européens ont laissé depuis des années se dégrader l'image de l'Union européenne, transformée par eux en grand marché ouvert à la spéculation internationale. Les opinions publiques se sont donc imaginé que sortir de l'euro, voire de l'Europe, permettrait à chaque pays de mieux faire face aux difficultés qui les menacent. Il s'agit évidemment d'une illusion provoquée par les mensonges délibérés des souverainistes européens. Pour affronter clairement cette illusion et ces mensonges, les gouvernements européens, s'ils n'étaient pas collectivement suicidaires, devraient en aborder ouvertement la critique et à l'opposé, entreprendre sans attendre la mise en place de la solution collective, autrement dit de la solution fédérale.

Mais ils ne font rien. Quant aux opinions, qu'elles soient souverainistes ou fédéralistes, elles ne font qu'attendre avec une sorte d'espoir pervers que les Etats européens continuent, ce dès le 21 juillet, à n'envisager que des mesures temporaires d'aide à la Grèce, rapprochant ainsi le moment où tous iront, selon l'expression ayant cours en ce moment, dans le mur. Alors il faudra bien choisir entre un éclatement définitif de l'Europe ou au contraire une reprise de la marche vers une structure fédérale souveraine.

Si les gouvernements européens étaient capables de prendre en compte les intérêts véritables des peuples européens, ils n'hésiteraient pas et adopteraient la seconde solution. Mais sont-ils vraiment au service des intérêts des peuples européens? On peut légitimement suspecter certains d'entre eux d'être en sous-mains au service des intérêts financiers internationaux, autrement dit du Système oligarchique mondialisé qu'ils prétendent combattre. Il n'est pas exclu que certains de leurs opposants le soient aussi. Sinon, ceux-ci assumeraient beaucoup plus clairement qu'ils ne le font la carte fédérale.

Rappelons aussi que la volonté de maintenir l'Europe dans le statut d'un espace économique livré à la spéculation internationale néo-libérale, sans possibilité d'accéder à la souveraineté et à la puissance, est parallèlement celle des Etats-Unis voire des autres grandes puissances mondiales, notamment la Chine. Or la contamination atlantiste des élites gouvernementales européennes, dans chaque Etat comme à Bruxelles, est si forte que sans une véritable prise de conscience par les populations de leur état d'assujettissement actuel mais aussi des possibilités d'en sortir par des voies politiques, rien ne se passera. C'est bien sur toutes ces questions qu'en France notamment, les candidats au remplacement de l'actuelle majorité devraient organiser les débats avec les électeurs.

Jean-Paul Baquiast

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