L’alliance Chine-Russie et la situation syrienne

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Après la Russie, la Chine a annoncé qu’elle ne participerait pas à la réunion en Tunisie des “Amis de la Syrie” (Friends Of Syria, ou FOS). Le groupe FOS apparaît ainsi de plus en plus pour ce qu’il est, comme une courroie de transmission et un montage de communication du bloc BAO pour lancer éventuellement une initiative militaire en Syrie.

La position de la Chine est importante dans la mesure où elle tend à renforcer, sinon à sceller ce qui devient une véritable alliance militaire et stratégique entre la Russie et elle-même, bien au-delà de tout ce qui a été fait entre les deux pays jusqu’ici. Plus encore, il s’agit d’une alliance “active”, renouvelée et renforcée en fonction de la tournure des évènements depuis 2008-2009 ; une alliance qui tend à prendre en compte le désordre des relations internationales, en y incluant le bloc BAO en crise, avec les USA en tête, comme facteur principal de ce désordre.

M K Bhadrakumar, l’un des plus sûrs analystes de la situation générale dans la zone de tension du sous-continent indien au Moyen-Orient, consacre un court billet à cette question sur son blog (Indian Punchline), excellent dans sa brièveté et dans le suivi des évènements. Il s’agit d’un article du 23 février 2012Beijing has turned down the invitation to the first meeting of the so-called ‘Friends of Syria’ [FOS] in Tunis on Friday. China joins Russia and Iran, among the main players in the Syrian crisis, in the refusal to identify with FOS. Beijing’s reasons are virtually the same as Moscow’s, namely, skepticism about the FOS’s intentions.»). M K Bhadrakumar signale que l’envoyé spécial chinois au Moyen-Orient, Wu Sike, a rapporté des trois étapes qu’il vient de faire dans son dernier déplacement le même avis d’opposition à une intervention étrangère, – et ces trois étapes sont Ramallah (les Palestiniens), mais aussi la Jordanie et Israël. La situation est donc toujours plus diverse qu'on ne croit...

Dans un autre article du même 23 février 2012, M K Bhadrakumar donne une analyse de la dernière visite d’une délégation chinoise en Syrie, dont les Syriens ont tiré la conviction que les Chinois, exactement comme les Russes, n’ont aucune intention d’abandonner Assad, même s’ils ont rencontré des dirigeants de l’opposition. Une analyse de l’agence Xinhua rapporte la position chinoise officielle selon laquelle la situation s’aggrave en Syrie à cause de l’intervention du bloc BAO, et que le groupe FOS n’a pour but que d’unifier l’opposition syrienne à Assad.

M K Bhadrakumar, qui fait l’éloge de l’école d’analyse russe, nous donne une bonne indication pour nous orienter vers les meilleures analyses sur la situation en Syrie, vue par des sources informées et expérimentées, et débarrassées des pesanteurs virtualistes et de l’alignement idéologique du bloc BAO : «Russia has a whole brigade of platinum grade Arabists, thanks to the great tradition of oriental studies in the Soviet Academy of Sciences. The best report on Syria — and the most authoritative so far that I’ve come across — appeared on Novosti yesterday. It is a very insightful tour report after interacting with top Syrian officials — including Vice-President Najah al-Attar and Deputy FM Faisal Mekdad, amongst others — authored by a leading Russian academic and Arabist, Prof. Alexey Pilko...»

L’analyse dont parle M K Bhadrakumar est bien celle de Pilko, notamment sur le site de Novosti (anglais) le 22 février 2012. Les observations sur la situation interne de la Syrie confirment la fragmentation de l’opposition et le rôle du bloc BAO dans les activités de cette opposition. Une partie intéressante concerne la position internationale “proche” de la Syrie, avec une possibilité de constitution d’une alliance Syrie-Irak-Iran et les positions de l’Egypte et d’Oman, assez favorables à la Syrie.

«Most world media portray the Syrian regime as increasingly isolated in the international community, with little to hope for but continued support from Russia (which in turn, that narrative goes, is driven exclusively by commercial interests). However, Syrian officials say that the situation is not nearly so dire. They point out that Chinese Deputy Foreign Minister Zhai Jun’s recent visit to Syria made clear that Beijing, like Moscow, does not intend to abandon President Bashar al-Assad’s regime. Iran, itself subjected to tough international pressure, views Syria as an important friend in the Arab world and, therefore, is also actively supporting the regime. It has already made a symbolic gesture by twice sending its ships to the Mediterranean Sea.

»It is telling that Egypt, which is not particularly sympathetic to Damascus officially (and even recalled its ambassador from Damascus), allowed Iranian warships to pass through the Suez Canal on these occasions. Therefore, it is premature to say that Egypt, the most populous Arab country, has unequivocally renounced Syria. Here it is important to draw a distinction between the government’s official statements from its deeds.

»Moreover, in confidential conversations, Syrian officials make it clear that Syria is developing a special relationship with Iraq, which sympathizes with Syria’s efforts to stabilize the domestic situation. It is quite probable that with the withdrawal of U.S. troops from Iraq, Iran, Iraq and Syria will at some point naturally form a loose, tripartite alliance in the Middle East. Given that the majority of the Iraqis are Shiite and Iran’s growing influence in Iraq in the last few years, such a scenario is by no means improbable. Oman is also giving Syria some support.»

On comprend ainsi que la crise syrienne, dans l’orbite de la crise iranienne pour la dynamique de la chose (Pilko estime qu’Israël et les USA ne sont favorables à l’opposition syrienne que dans la mesure où elle affaiblit la Syrie en tant qu’allié de l’Iran), devient elle-même un élément de la crise haute que nous avons identifiée, en participant comme catalyseur à des regroupements extrêmement importants. C’est avec la Syrie que la Chine est en train de devenir un acteur majeur, effectivement engagé dans les évènements eux-mêmes, de la crise générale du Moyen-Orient. C’est en Syrie, ou à l’occasion de la crise syrienne, que la Russie et la Chine sont en train de faire évoluer, avec des actes concrets, leur proximité de ces dernières années en une alliance en bonne et due forme, qui doit devenir un facteur essentiel des relations internationales. C’est autour de la Syrie qu’évoluent les relations au Moyen-Orient vers des ensembles nouveaux qui pourraient traduire d’un point de vue formel les changements qui secouent la région depuis décembre 2010. Tout cela, certes, au lieu de la narrative habituelle du bloc BAO, constituée de cette vision binaire, sommaire et généralement infantile (Syrie méchante et isolée, le reste contre elle au nom de la civilisation).


Mis en ligne le 24 février 2012 à 05H52