L’abysse ossifié des relations transatlantique

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On a coutume de considérer l’Europe (l’UE) comme totalement alignée sur les USA, justifiant par exemple notre expression de “bloc américaniste-occidentaliste”. Cela admis du point de vue idéologique et de la communication sans aucun doute, il y a également le fait majeur, au moins aussi important que son existence, que ce “bloc” est dans une crise profonde. Des échos de sources européennes sur la situation des rapports bureaucratiques entre l’Europe (l’UE) et les USA nous apparaissent comme une confirmation de ce deuxième point, avec le constat de ces sources, à première vue étonnant, que la situation des relations bureaucratiques transatlantiques est pire sous l’administration Obama que sous l’administration Bush.

@PAYANT Effectivement, c’était un lieu commun, durant les années GW Bush, d’observer que cette administration était le principal problème d’un marasme de la coopération concrète entre les USA et l’UE. L’alignement idéologique de l’UE sur l’américanisme, – mis à part l’écart glorieux de la France entraînant l’Allemagne et la Belgique au moment de la guerre en Irak, – était un fait indubitable, mais il ne se concrétisait nullement en une situation bureaucratique à mesure, c'est-à-dire une situation bureaucratique intégrée. (Comme, par exemple, avec l'idée d'un “grand marché transatlantique”.) Malgré des échanges bureaucratiques intenses au travers de procédures diverses, rencontres, etc., la concrétisation de la coopération était extrêmement faible. Pour cette raison, la bureaucratie européenne accueillit l’administration Obama avec enthousiasme, estimant qu’un changement fondamental survenait.

La déception est immense, elle aussi à mesure, – montrant au reste que GW Bush n’a pas été un “accident” mais une étape logique de l’évolution américaniste. «Au niveau de la coopération bureaucratique, l’administration Obama est peut-être pire que l’administration Bush, observe une source européenne. Il y a une complète indifférence, un complet désintérêt US pour la coopération avec l’Europe, malgré les réseaux en place, les rencontres des groupes en place qui fourmillent.» On peut dire que la bureaucratie US est à l’image de son président, qui n’éprouve aucun intérêt, voire aucune curiosité pour l’Europe, au point où l’on se demanderait si plutôt qu’une spécificité d’Obama, l’attitude du président ne serait pas plutôt l’expression d’une tendance profonde aux USA. Cette tendance pourrait s’exprimer par le paradoxe qu’alors que les USA sont présents partout dans le monde, rien d’autre que ce qui se passe aux USA ne semble désormais intéresser les USA.

D’ores et déjà, il semble possible qu’on s’achemine vers une nouvelle tragi-comédie transatlantique pour le prochain sommet USA-UE, semblable à celle du sommet de mai dernier. Les premières indications montrent qu’Obama semble fort peu désireux, une fois de plus, d’assister à ce sommet, à cause des habituelles “contraintes d’agenda”. Dans les “négociations” en cours sur cette question, la partie US continue à geindre à propos de la complication de l’UE, ce qui finit par exaspérer la bureaucratie européenne. «Les Américains semblent en mode autiste… On comprend que l’UE leur paraisse compliquée, complexe, inefficace, etc., mais ils en sont encore à brandir le traité de Lisbonne en disant qu’ils n’y comprennent rien. Il serait temps qu’ils réalisent que les choses sont comme elles sont, qu’il y a 27 pays, qu’on a élu un président en plus de la présidence tournante des Etats membres, etc. Que cela ne soit ni simple, ni efficace, ni glorieux, n’empêche pas que l’UE existe et cet argument pour expliquer que leur président ne désirerait pas assister au sommet commence à faire usé…»

Le résultat net de cette situation est un dessèchement accéléré de la coopération au niveau bureaucratique, malgré une abondance extraordinaire de liens bureaucratiques exprimés par des rencontres, des conférences, des consultations, des négociations sur une foule de questions de détails mais d’une façon éclatée, sans produire un effet d’intégration. En séparant cet aspect des choses de la question psychologique et politique de l’intérêt des USA pour l’Europe, – mais ceci aggravant cela, bien entendu, – on peut se demander si la bureaucratie du “bloc occidentaliste-américaniste” n’est pas arrivée à un point de saturation, si elle n’a pas dépassé son pic d’efficacité pour dégringoler sur la pente de l’inefficacité et de la paralysie, malgré des moyens toujours en augmentation, et peut-être, justement, à cause de ces “moyens toujours en augmentation”, – cela aboutissant désormais à l’effet inverse d’accroître la paralysie et l’inefficacité. Ce serait alors la même évolution qu’au Pentagone qui, désormais, devient de plus en plus inefficace à mesure qu’il reçoit de plus en plus de moyens budgétaires.


Mis en ligne le 14 juillet 2010 à 07H47