Hillary et la vérité (mexicaine) par nécessité

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La Secrétaire d’Etat Hillary Clinton est en visite à Mexico City, pour assurer le Mexique et, surtout, son président Calderon, du soutien des USA. Cela nous vaut, lors de son voyage vers Mexico, hier, et lors d’une conférence de presse à son arrivée, une confession assez rare dans son principe de la part d’un dirigeant US, sur la responsabilité des USA dans la situation de désordre qui prolifère au Mexique, sur le frontière Sud des USA et à l’intérieur du Sud des USA. Il est effectivement assez rare d’entendre un dirigeant US reconnaître que les USA portent une responsabilité dans une situation de crise extérieure, que leur vertu générale a donc failli en cette occasion alors qu'il est en général proclamé et bien compris que les USA ont une supériorité telle sur le reste que la faillite de leur vertu est en général hors du champ du possible. (Selon Reuters, ce 25 mars 2009.)

«An “insatiable” appetite in the United States for illegal drugs is to blame for much of the violence ripping through Mexico, U.S. Secretary of State Hillary Clinton said on Wednesday. Clinton acknowledged the U.S. role in Mexico's vicious drug war as she arrived in Mexico for a two-day visit where she discussed U.S. plans to ramp up security on the border with President Felipe Calderon. [...]

»“Our insatiable demand for illegal drugs fuels the drug trade. Our inability to prevent weapons from being illegally smuggled across the border to arm these criminals causes the death of police officers, soldiers and civilians,” Clinton told reporters during her flight to Mexico City. “I feel very strongly we have a co-responsibility.”

»Clinton said the Obama administration strongly backed Mexico in its fight with the drug cartels and vowed the United States would try to speed up the transfer of drug-fighting equipment promised under a 2007 agreement. “We will stand shoulder-to-shoulder with you ... Our relationship is far greater than any threat,” Clinton said at a news conference in Mexico City.»

Bien entendu, ces affirmations assez rares sur la responsabilité extrêmement forte des USA dans une situation dans un pays étranger rencontrent une réalité déjà soulignée par Calderon. C’était notamment le cas dans une un passage d’une déclaration au Monde, que nous avions retranscrite le 10 mars 2009: «Parlons des causes. La première, c'est le consommateur américain. Si les Etats-Unis n'étaient pas le plus gros marché de drogue au monde, nous n'aurions pas ce problème. Il y a aussi le commerce des armes. En deux ans, nous en avons saisi 33 000, dont 18 000 de gros calibre, des lance-missiles, des milliers de grenades, des engins capables de perforer des blindages. Or l'écrasante majorité avait été achetée aux Etats-Unis, y compris du matériel qui est la propriété exclusive de l'armée américaine. En 2004, (l'administration Bush) a levé l'interdiction de vente qui pesait sur des armes très dangereuses.»

Répétons-le, on a bien peu l’habitude d’un mea culpa d’un dirigeant américaniste sur la responsabilité US dans une situation de désordre dans un autre pays. Le fait est assez remarquable pour être souligné, et il est d’autant plus remarquable dans ce cas que le mea culpa porte autant sur le trafic des armes des USA vers le Mexique, sujet très sensible électoralement par rapport à la question de la vente libre des armes aux USA, que sur la consommation de drogue. Sans écarter la possibilité bienveillante qu’Hillary Clinton ait eu, dans cette occasion, un certain goût pour la publicité de la vérité, par vertu naturelle dirions-nous, il faut également s’attacher à une explication complémentaire qui a des rapports évidents avec la situation politique. On notera deux points qui nous paraissent importants.

• Cette déclaration est une aide directe puissante au président Calderon. La déclaration tend à l’exonérer en bonne partie de la responsabilité complète de la situation. Dans ce cas, on peut accepter l’explication qu’avancent certains milieux pour décrire la position de Calderon comme extrêmement fragile et instable. La “guerre” du narco-trafic le met dans une position extrêmement dangereuse et Calderon a demandé, voire exigé une aide et un soutien personnel des USA. De leur côté, les USA ne craignent rien de pire qu’une mise en cause de l’actuel président mexicain, qui pourrait conduire à sa chute et à la plongée du pays dans le chaos, avec les conséquences qu’on imagine pour les USA. Les déclarations d’Hillary constituent donc un soutien indirect puissant au président en le déchargeant d’une partie importante de sa responsabilité. La conséquence possible et involontaire de cette tactique US est que les déclarations d’Hillary risquent fort de renforcer l’antiaméricanisme des Mexicains, exacerbé par la situation et, effectivement, par la responsabilité US, bien connue et ainsi officiellement confirmée par les responsables eux-mêmes. La publicité de la vérité est une belle chose mais lorsqu’elle s’exerce aux dépens d’une politique si complètement unilatéraliste, interventionniste et inattentive des autres, comme c’est le cas de la politique générale des USA depuis des décennies, sinon depuis toujours, il faut craindre des conséquences déplaisantes. Quoi qu’il en soit, saluons la vérité.

• D’une façon plus générale, comme on l’a vu le 24 mars 2009, les USA mobilisent leurs forces pour peser le plus possible sur la situation mexicaine et aider le Mexique dans la “guerre” du narco-trafic. C’est désormais une des premières priorités de politique extérieure de l’administration Obama, – justement: priorité de politique extérieure ou de politique intérieure, en raison des effets aux USA mêmes? Nous dirions que l'intervention de Clinton est une réponse à cette question. Si la secrétaire d’Etat fait une auto-critique des USA, c’est bien parce que l’affaire mexicaine est devenue une crise intérieure US, par la prise de conscience de l’ampleur de cette crise par l’administration Obama. La déclaration d’Hillary Clinton devient la reconnaissance d’une urgence intérieure nationale; l’état d’esprit devient complètement différent et l’on craint beaucoup moins d’altérer le crédit international des USA puisque l’appréciation de la chose est désormais intérieure. L'intervention d’Hillary Clinton doit donc être interprétée également pour la marque de ce fait important que les USA ont admis, et proclament désormais, que la crise mexicaine est aussi une crise intérieure US, qu’elle menace directement la stabilité intérieure et la sécurité intérieure des USA. Le Mexique est désormais un front majeur de la situation intérieure de crise des USA.


Mis en ligne le 26 mars 2009 à 07H02

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