Hillarix à Saint-Petersbourg, ou l’immanence de la potion magique

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Hillarix à Saint-Petersbourg, ou l’immanence de la potion magique

Le vendredi 29 juin, la Secrétaire d’État Hillary Clinton s’est rendue à Saint-Petersbourg. Elle y est restée à peu près une dizaine d’heures, avant de partir pour Genève où avait lieu, le lendemain, la conférence sur la Syrie (où elle retrouverait le ministre russe Lavrov). Pendant cette dizaine d’heures, elle a rencontré Lavrov, s’est entretenue et a déjeuné avec lui, a visité quelques sites de la ville de Saint-Petersbourg et, surtout pour notre propos, a trouvé du temps pour rencontrer des représentants de groupes d’opposition russe, qu’on qualifie plus ou moins vaguement mais avec une grande assurance d’“ONG”.

La Douma de la Fédération de Russie prépare des textes de loi qui mettront les ONG, y compris les ONG russes, exerçant des activités politiques en Russie et recevant des fonds de l’étranger, dans la catégorie des “agents étrangers” ; cela les soumettra évidemment à des législations de surveillance et répressives très spécifiques. C’est de cela que la Secrétaire d’État venait parler, principalement de la question du financement dans ces conditions nouvelles, et indiquant clairement qu’elle entendait trouver un autre canal que celui de versement direct du chèque mensuel du département d’État pour financer ces associations. C’est exactement et précisément ce qu’a affirmé l’un des activistes qui a rencontré Clinton, Dimitri Dubrovsky, – avec un sens exceptionnel de l’inconscience de ses propres paroles, puisqu’il venait ainsi dire que Clinton les avait assurés que le gouvernement des États-Unis cherchait un canal dissimulé et/ou illégal pour les financer malgré l’appareil législatif russe, et donc en violation des lors russes qui vont être mises en place…

(Les groupes d’activistes pro-bloc BAO sont ainsi classifiés par Tim Kirby, le 3 mars 2012 sur Russia Today : «Frankly speaking, these Russians are not very Russian, they generally don’t like anything about their country and feel a great degree of inferiority to the West who represents for them the perfect model of how to live. You’d be amazed at how many people I’ve spoken to who would like the USA to attack/take control of Russia because “they would do a better job”. […] In my own personal experience despite how highly this group of people value the West they know absolutely nothing about it. […] This viewpoint is basically a skewed naive copy of Western Liberalism.»)

La visite de Clinton, rayon “ONG”, et sa rencontre avec les “activistes” russes pro-occidentaux, sont ainsi présentées, sur le site Novinite.com le 30 juin 2012 :

«The USA is resolved to find a new way for funding NGOs in Russia to circumvent currently developed restrictive legislation, according to information by Russian activists. Saturday Russian paper Kommersant reports that NGO representatives were satisfied with the meeting with US Secretary of State Hillary Clinton who visited St. Petersburg to meet them Friday. The main topic of talks was the Russian legislative proposal, according to which NGOs involved in political activity and receiving funding from abroad will be classified as “foreign agents.” “Ms. Clinton said she is acquainted with the issue and she is concerned about changing the channels of US support for organizations so that they are not incriminated,” said activists Dmitry Dubrovsky.»

Pour mieux développer et commenter cette nouvelle, – qui vaut sans aucun doute le commentaire, – on doit notamment rappeler ce que disait l’ambassadeur McFaul, que nous désignions comme “ambassadeur-Système” dans notre texte du 15 juin 2012 : «McFaul «also assured the public the US State Department does not sponsor the Russian opposition. Washington has programs to support civil society in many countries, McFaul pointed out, so Russia does not break a rule here, and this does not mean interference in the country’s internal affairs. “Opposition is your own business, whatever you do is your own business – not ours and we quite understand it,” continued McFaul. […] In May, McFaul already denied any links between Washington and Russia’s protest movement. He said that US sponsoring of NGOs was a global concept and was not aimed at affecting Russia’s affair…»

…Ce que nous commentions de cette façon, notamment en nous attachant aux quelques mots soulignés de gras par nous-mêmes, ci-dessus : «Dans ce cas, la dernière phrase citée de McFaul est encore plus stupéfiante quant au fonctionnement de la chose : “He said that US sponsoring of NGOs was a global concept and was not aimed at affecting Russia’s affair…” On comprend donc que ce “concept global” des ONG, qui vit de sa propre vie et de sa propre dynamique, n’est pas dirigé contre la Russie mais “global”, – ce qui signifie, si l’on observe les réalités, qu’il n’est pas dirigé contre la Russie spécifiquement mais que la Russie fait partie des objectifs puisque le concept est “global” et, donc, que tout y passe, y compris la Russie… Il n’y a aucune raison de ne pas prendre cette observation à sa réelle valeur, alors que tous les évènements la confirment. Le “concept global” des ONG est un programme-Système, qui est lancé par l’intermédiaire des ONG et d’ailleurs suscité par ces mêmes ONG considérées comme regroupées en une entité-Système contre le principe de la souveraineté nationale, contre le Principe en général, au nom de la communication-Système…»

Nous poursuivions en n’émettant aucun doute sur la bonne foi de ces affirmations de McFaul, – lequel, d’ailleurs, aime à se définir non comme un “diplomate” mais comme “un spécialiste de la révolution de couleur”, un spécialiste en relations publiques de l’industry of regime change, par conséquent entièrement orienté sur les “industries” de relations publiques et de la communication en général. Selon cette logique, la question générale du Principe, et spécifiquement celle du principe de souveraineté, ne se posent concrètement en aucun cas. Ces diverses “industries” sont nécessairement “globales” et “globalisées” et ne s’arrêtent évidemment pas à un détail, comme l’est celui de la nationalité russe du territoire dont il est question ici.

C’est selon cette même logique qu’Hillary Clinton intervient comme elle le fait durant sa visite à Saint-Petersbourg, dans des conditions époustouflantes de légèreté et de désintérêt complet, sinon de mépris indifférent, pour les questions de souveraineté, et tous les autres aspects afférents en général aux conceptions de la diplomatie. Si l’on se réfère aux canons de la diplomatie classique, laquelle n’est pas autre chose que l’art immémorial d’aménager les relations entre les nations et d’établir des équilibres de puissance et d’intérêt, l’attitude de la Secrétaire d’État est d’une impudence et d’une grossièreté à couper le souffle. Mais l’on ne peut s’en tenir à la question de la bonne éducation. Par exemple, Timothy Bancroft-Hinchey, écrivant un billet d’opinion dans la Pravda ce 2 juillet 2012, observe, sans intentions polémiques particulières nous semble-il mais simplement comme un fait : «Clinton is a lobbyist, not a diplomat.» (Bancroft-Hinchey s’attache à un aspect particulier des activités de la Secrétaire d’Etatt : «Hillary Rodham Clinton is a lobbyist who panders to the whims of the business community surrounding Washington, dictating its policy after financing the campaigns of the Presidential candidates. She is not a diplomat…» La même chose peut être dite de ses activités auprès de l’“opposition” russe, qui relève effectivement des relations publiques, du lobbying, etc., en faveur de l’industry of regime change, confirmant effectivement l’évolution dans le sens qu’on voit de la fonction diplomatique, de la noblesse de l’art immémorial au dynamisme du job postmoderniste normalement rémunéré.)

…Comme McFaul, Hillary Clinton est effectivement pénétrée du même concept impérativement objectivé selon lequel l’action subversive des USA n’est pas de la responsabilité des USA, mais imposé et entraîné par une force supérieure, évidemment de caractère “global”, qui est une sorte d’immanence libérale enquêtant partout sur la planète et intervenant là où cela importe, sans nécessité de permis de séjour ni quelque intérêt que ce soit, – puisque l’enquêteur est au service de la démocrate droitdel’hommiste, qui est la vertu immanente que l’on sait. S’il se trouve que les critères et les “valeurs” véhiculées correspondent aux conceptions exactes et aux intérêts y afférant des USA et du bloc BAO, il n’y a pas lieu de s’étonner puisque USA et bloc BAO sont nés de cette même vertu et immunisés par avance contre tout écart, – au fond, tombés, un jour de leur plus jeune âge dans la marmite où bout la potion magique de vertu, comme Obélix dans la marmite où bout la potion magique de Panomarix. (“Pas toi, Hillarix, tu sais bien que tu es tombée dans la marmite quand tu étais bébé...”). Tout cela est pris sur le ton sarcastique mais nous n’en sommes pas moins persuadés qu’il s’agit tout simplement du reflet du contenu de leurs psychologies à tous. Ainsi la Secrétaire d’État examine, à ciel ouvert, devant les “dissidents” postmodernes applaudissant des deux mains, le moyen de tourner la loi russe, de transférer de l’argent du trésor public des USA à des organisations russes d’une façon illégale, pour alimenter une subversion contre le pouvoir légal et démocratique (eh oui !) de la Russie.

Contre cette psychologie totalement conquise et enfermée dans des certitudes quasiment immanentes, les Russes ne peuvent et ne pourront rien. Simplement, un jour, quand la chose aura été menées trop loin, ils demanderont le rappel de l’ambassadeur McFaul. Nous entrerons alors dans une crise internationale de première grandeur, dont l’enjeu ne sera rien moins, pour le côté du bloc BAO, que l’évidence de la vertu contre les machinations antidémocratiques qu’on sait.


Mis en ligne le 2 juillet 2012 à 05H53