Général, êtes-vous prêt à tirer sur la foule ?

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Général, êtes-vous prêt à tirer sur la foule ?

C’est une hypothèse toujours aussi “populaire” sur les circuits d’affirmation alternatifs mais jusqu’ici tenue comme fantaisiste par l’interprétation-Système de la situation : la possibilité de troubles graves aux USA amenant l’intervention de l’armée, éventuellement une répression armée. Une très récente intervention à cet égard provoque une certaine sensation parce qu’elle vient d’une source qui n’est pas renommée pour être de type activiste-“dissident” ; autrement dit, comme l’écrit Examiner.com, «this is not coming from Alex Jones or Jesse Ventura, or from anyone else the left often dismisses with great ease»… Il s’agit du docteur Jim Garrow, célèbre personnalité “humanitaire” et nullement activiste travaillant dans les pays déshérités, qui fut même retenu pour la liste finale des Prix Nobel de la Paix en 2009. On peut donc classer Garrow selon un statut qui lui donne une place importante dans le Système (quoiqu’il pense lui-même du Système), celle qui est réservé aux activités humanitaires officielles développant l’aspect de vertu apparente que le Système s’emploie à renforcer constamment pour renforcer sa bonne réputation officielle. Garrow a écrit sur Facebook, le 21 janvier 2013 :

«I have just been informed by a former senior military leader that Obama is using a new “litmus test” in determining who will stay and who must go in his military leaders. Get ready to explode folks. “The new litmus test of leadership in the military is if they will fire on US citizens or not”. Those who will not are being removed.»

C’est donc Examiner.com qui a repris l’information et l’a développée, le même 21 janvier 2013. Garrow avait, entretemps, répondu à la question d’un de ses commentateurs sur Facebook, lui demandant quelle était sa source : «The man who told me this is one of America’s foremost military heroes.» Et Examiner.com de commenter pour tenter de renforcer l’information, et éventuellement lui donner un prolongement avec la nouvelle d’une sanction discrète prise contre un général en activité, le général des Marines Mattis qui commande Central Command…

«…Garrow is a well-respected activist and has spent much of his life rescuing infant girls from China, babies who would be killed under that country's one-child policy. He was also nominated for Nobel Peace Prize for his work.

«His bio on Amazon.com reads: Dr. James Garrow is the author of The Pink Pagoda: One Man’s Quest to End Gendercide in China. He has spent over $25 million over the past sixteen years rescuing an estimated 40,000 baby Chinese girls from near-certain death under China’s one-child-per-couple policy by facilitating international adoptions. He is the founder and executive director of the Bethune Institute’s Pink Pagoda schools, private English-immersion schools for Chinese children. Today he runs 168 schools with nearly 6,300 employees.

»This comes on the heels of Sunday's report in the Washington Free Beacon (WFB) that the head of Central Command, Marine Corps Gen. James Mattis is being dismissed by Obama and will leave his post in March. The WFB article states: “Word on the national security street is that General James Mattis is being given the bum’s rush out of his job as commander of Central Command, and is being told to vacate his office several months earlier than planned.”

»Did Gen. Mattis refuse to “fire on U.S. citizens?”»

L’information citée du Washington Free Beacon (WFB) est du 20 janvier 2013, relayant une information de Thomas E. Ricks, sur Foreign Policy le 19 janvier 2013. Dans les deux cas, le sort du général Mattis, et notamment son départ anticipé, est présenté comme la conséquence d’un certain franc-parler, et aussi de certaines positions sur l’Iran qui déplairaient à la Maison-Blanche. Dans ce cas, Mattis aurait été perçu comme posant des questions embarrassantes sur la question du nucléaire iranien si un accord était réalisé entre les USA et l’Iran. (Cela explique l’intervention empressée de WFB, très neocon.)

….Et puis, sautant sur l’occasion, Examiner.com pose la question de savoir si Mattis n’est pas l’objet d’une sanction illustrant l’intervention de Garrow, jusqu’à susciter l’interrogation de savoir si Mattis, général fameux et héros national du Corps des Marines, n’est pas la source indirecte de Garrow qui aurait relayé l’information vers la source directe de Garrow qualifiée par Garrow lui-même de “gloire militaire nationale, retiré du service”. Toute cette agitation concernant les sources de Garrow, et la déclaration de Garrow elle-même, effectivement parce que Jim Garrow ne semble certainement pas un habitué de déclarations sensationnelles, ni être réputé comme “dissident”, encore moins des groupes assimilés au populisme de droite, agissant essentiellement par des réseaux du type de celui de Alex Jones (Infowars.com) et actuellement mobilisés autour de la question de la vente libre et de la disposition d’armes à feu. On appréciera la complication de l’imbroglio qui, en temps normal, lorsque le Système fonctionnait bien et que la presse-Système (qui ne dit mot de la confidence-Facebook de Garrow) avait encore quelque crédit d’indépendance, aurait discrédité par le fait cette “information”. Au contraire, c’est cet imbroglio même, à partir de la personnalité peu suspecte d’activisme populiste anti-Obama (antiSystème) de Garrow, qui donne aujourd’hui un certain crédit à cette minuscule “confidence”-Facebook de Garrow et contribue à sa diffusion.

Cela conforte par conséquent deux enseignements dont on a déjà vu de nombreux signes. Le premier est le constat que l’information ne cesse d’être toujours plus insaisissable et incontrôlable à cause de l’extraordinaire multiplicité de ses canaux de diffusion d’une part, le constat de l’extension également insaisissable et incontrôlable du crédit de l’information vers des canaux de diffusion qui semblaient ne devoir jamais en avoir d’autre part. Cette évolution est due à deux constats également : d’une part, l’effondrement accéléré du crédit de la presse officielle, type presse-Système, qui renforce par conséquent le crédit des réseaux alternatifs d’une part; le poids grandissant d’informations de type, disons “confidence chuchotée” comme ce message-Facebook de Garrow d’autre part. Cet ensemble de constat fait que des personnalités, des officiels, etc., nécessairement liés au Système, peuvent effectivement faire passer des informations importantes par toutes ces voies semi-clandestines que sont les réseaux et les messages semi-officiels et à peine explicités (Facebook, Tweeter, etc.), contribuant d’une façon exponentielle et explosive à renforcer constamment la force de frappe de la communication semi-clandestine qui presse et étouffe de plus en plus la presse-Système engoncée et emprisonnée dans son obligation d’alignement stalinien sur les consignes-Système. Le cas Garrow est particulièrement démonstratif à cet égard puisqu’on trouve tous les ingrédients de cette “révolution” qui implique en réalité la possibilité d’interventions antiSystème au moindre risque de personnalités qui sont, d’une façon ou d’une autre, dans le Système. (Ces personnalités se trouvent souvent, comme c’est en général le cas avec cette situation de la dictature écrasante du Système, dans des positions officielles d’allégeance avec des tentations épisodiques d’interventions antiSystème.)

Le deuxième constat est, bien entendu, que la crise potentielle de troubles civils aux USA, avec la possibilité de mesures coercitives extrêmes (on ne peut imaginer plus extrême que l’intervention armée de l’armée des États-Unis contre des citoyens des mêmes États-Unis), est aujourd’hui l’hypothèse semi-clandestine la plus présente, la plus pressante, la plus menaçante, malgré le total black-out de la presse-Système à cet égard. Avec l’intervention minimale et “chuchotée” de Garrow est suggérée la condition principale et dramatique de cette hypothèse, qui est la question de la loyauté de l’armée vis-à-vis du pouvoir civil si ce pouvoir civil décidait une intervention brutale contre la population ; et cette question avec toutes les extensions qu’on imagine, parce que l’exigence de loyauté que semble sous-entendre la “confidence” de Garrow pourrait tout autant se poser pour les officiers des échelons subalternes et pour les soldats eux-mêmes. En fait, on se trouve conduit, toujours par cette sorte de déclarations et canaux semi-clandestins de diffusion, au problème centrale de l’hypothèse de l’ordre civil aux USA, qui est celui de la légitimité du pouvoir civil si de telles situations extrêmes survenaient, et du dilemme posé aux exécutants dont le serment d’allégeance dans leurs fonctions est prêté vis-à-vis de la Constitution des États-Unis et non vis-à-vis de tel ou tel pouvoir civil, de tel ou tel président.

…Ainsi ne cesse de se renforcer l’image, ou la narrative si l’on veut (dans ce cas considérée du point de vue de l’inversion, retournée contre le Système), de la possibilité insurrectionnelle aux USA, sans que rien de significatif ne se soit produit du point de vue des événements et des faits. Le système de la communication impose, par ses spéculations, par la formidable multiplicité de ses réseaux, par la formidable diversité de ses réseaux, par le formidable discrédit de la presse-Système qu’une multitude d’événements a engendrée, de considérer la transformation de ce qui n’est en rien un fait ou un événement en quelque chose qui, situé dans la zone intermédiaire entre narrative et réalité, tend déjà à devenir la réalité elle-même. La substantivation de la possibilité de troubles civils conduit à une situation également objective où cette hypothèse tend à devenir la menace objective, concrète, voire la plus sérieusement considérée par les acteurs en présence, y compris la direction civile et politique du système… La “confidence” chuchotée de Garrow conduit à transformer un peu plus une hypothèse qui semblait au départ celle de lunatiques marginaux en une hypothèse de plus en plus concrète, qui aurait atteint le pouvoir politique lui-même et pourrait transformer les relations de ce pouvoir avec la direction militaire d’une façon de plus en plus radicale, où des situations absolument radicales, de type “insurrection” ou “insubordination” (du pouvoir militaire) pourraient être désormais évoqués d’une façon pressante. Que la presse-Système ne dise mot de ces débats secrets apparaît comme une situation de plus en plus incertaine, où ce silence même finirait par contribuer à donner du crédit à de telles hypothèses, tant cette presse-Système totalement gangrenée par son allégeance au Système finit par nous informer, bien plus par ses silences et par son autocensure que par les choses qu’elles diffuse avec empressement au nom du Système. C’est un phénomène-Pravda poussé au-delà de ce que fut la Pravda : l’information par la non-information, ou le constat que tout ce que ne dit pas la presse-Système (et qu’évoquent les réseaux semi-clandestins par dynamique contradictoire) finit donc par représenter l’information sur la vraie réalité.


Mis en ligne le 23 janvier 2013 à 07H23