Ecce Homo-Google...

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Ecce Homo-Google...

Un journaliste de The Independent, Ian Burrell, s’est rendu à l’invitation de la grande corporate démocratique et postmoderniste Google, où on lui promettait une présentation inédite et exceptionnelle de la dernière merveille de la firme. La chose, qui n’est qu’un premier pas, se nomme Google Glass ; le projet est de créer une intimité grandissante, par paliers dont Google Glass est le premier, entre vous, vous et moi, – “tous nous autres” comme ils disent dans les contrées francophones du Nord, utilisateurs et fan de Google, – et Google soi-même.

“La chose”, telle que la présente l’auteur après quelques explications, n’est rien moins qu’une transmutation du monde, qui commencerait par nous-mêmes, pour enfin dompter la rétivité que nous montrons à parfaitement intégrer la perspective postmoderne qui nous est offerte. C’est dire si le texte rencontre ce que nous avons déjà vu et commenté à ce propos (voir notamment le 7 juin 2013) ; l’on y ajoute, ce qui est la principale caractéristique d’“ambiance” dudit texte qui exsude effectivement une si chaleureuse intimité, cet élément presque convivial, comme si nous nous trouvions vraiment “entre copains” sinon entre frères et sœurs, que Google appuie tout cela sur “la confiance“, – la votre, la mienne, celle de Snowden-Greenwald et ainsi de suite... «Trust is everything to Google. It stands on the verge of a technological breakthrough that can transform its relationship with us. Already, it is universally recognised as the world leader in searching for information. It handles around 90 per cent of internet searches in the UK: when we want to know something, most of us turn to Google. But it wants more – it wants to become our constant companion.» (Dans The Independent du 20 juillet 2013.)

• En quelques mots, le projet évolutif de Google est en quelque sorte une espèce de chaleureuse invasion par l’intimité la plus profonde du sapiens devenant sapiens-Google. Cela est envisagé pour la meilleure cause du monde, c’est-à-dire pour Le meilleur des mondes (Huxley) de la connaissance, de la culture la plus haute, celle du fun, – pour la cause de votre bonheur, vous susurre-t-on. Il y aura donc les lunettes (Google Glass) qui permettent d’interroger directement Google sur ceci, sur cela, etc., avec visualisation d’un écran devant l’œil droit, avec diverses réactions, effets, etc. (bis), – et nous passons, d’ores et déjà épuisés, sur les explications techniques et les merveilles promises ou déjà accomplies... On se croirait dans un jardin d’enfants enchanteur, ou à Disneyland, en train de dévorer une BD à dominante rose avec des papillons charmeurs et le ciel bleu ad nauseam aeternam, à part évidemment qu’il s’agit d’une évidente réalité qu’ils voudraient voir déferler à la vitesse d’un tsunami. Actuellement, 10.000 “Explorer” (testeurs pour Google) expérimentent “Google Glass” dans la vie courante. L’avenir est prometteur puisque nous évoluerons vers la transmission des données par des cellules installées dans des lieux adéquats et, au-delà, apothéose inévitable, vers des “puces” implantées dans les cerveaux... Ecce Homo-Google.

«Scott Huffman, Google's engineering director, says the company's intention is to “transform the ways people interact with Google”. That means having conversations similar to those you would have with humans. No longer will we have to go to “settings” to recalibrate our devices – we will simply order them to make the desired changes. And those devices will not be in our pockets – but all around us in every room. “If you look back 10 years there was a computer on my desk and today there's a computer in my pocket and it still has a screen and a keyboard,” says Huffman. “But fast forward a bit and… I think there is going to be a device in the ceiling with microphones, and it will be in my glasses or my wristwatch or my shirt. And like the Google Glass it won't have a keyboard… you just say 'OK Google, blah-blah-blah' and you get what you want.”

»Where will it end? Gomes agrees that a chip embedded in the brain is far from a sci-fi fantasy. “Already people are beginning to experiment with handicapped people for manoeuvring their wheelchairs,” he says. “They are getting a few senses of direction with the wheelchair but getting from there to actual words is a long ways off. We have to do this in the brain a lot better to make that interaction possible. We have impatience for that to happen but the pieces of technology have to develop.”»

• ... Par bonheur, – oui, le mot qui est si important pour l’américanisme, le mot de “bonheur” dans ce “par bonheur”, est tout à fait justifié, – par bonheur, donc, cette visite et ces étranges projets-Google se font dans une atmosphère qui n’est pas vraiment sympa pour Google. Même si l’équipe Snowden-Greenwald est un montage, comme certains experts des arcanes du Système nous le suggèrent, elle aura au moins réussi à surgir comme une interférence agaçante dans le schéma idéal de développement du bonheur-according-to-Google tel qu’on vient de nous en exposer une belle part. En effet, comme il est déjà dit plus haut, il s’agit de maintenir une confiance à 100%, voire 150%, “entre copains”, car Google, comme on le sait, travaille pour notre bien et travaille pour la NSA, pour notre bien également. Cela fait que, comme a pu le constater Burrell, et parallèlement à cet enthousiasme juvénile promis à régénérer le monde, règne une atmosphère assez sombre devant la dégradation de la confiance dont Google a tant besoin pour poursuivre son grand’œuvre.

«My visit to the legendary “Googleplex” at Mountain View comes at an awkward time for the company. Edward Snowden's revelations about the snooping of the US Government's National Security Agency (NSA) in its clandestine electronic-surveillance programme PRISM have provoked a crisis of trust in Silicon Valley. Larry Page, Google co-founder and CEO, rushed out a blog to deny claims in leaked NSA documents that it – in parallel with other American internet giants – had been co-operating with the spying programme since 2009. “Any suggestion that Google is disclosing information about our users' internet activity on such a scale is completely false,” he said.

»Trust is everything to Google...»

• Bon bougre, Burrell a tout de même pensé à commencer son texte en rappelant un livre de 1970 de la série Dick Tracy, tiré de la BD très célèbre aux USA sur le détective Tracy, à propos d’un sinistre Mister Computer dont le but était de contrôler le monde par la voie de l’information selon le dogme de l’électronique : «For a 1970 publication, the plot seemed remarkably topical. Dick, and his sidekick Sam Catchem, find themselves battling a sinister character known as “Mr Computer” who wants to control the world. His strange powers enable him to remember everything he hears or sees and recall it instantly. This is a bad guy who can store data, analyse voice patterns and read private thoughts...» Et Burrell de tenter tout de même de nous rassurer, en même temps que se rassurer lui-même supposons-nous, en nuançant la perspective de ce bonheur absolu : «And there’s something strangely reassuring in the fact that, for all its Knowledge Graphs and interactive spectacles, even the world's greatest search machine still can't predict the British weather.»

... Décidément, Google est à la pointe du combat pour “le meilleur des mondes“, comme on a déjà pu le voir dans de précédents articles (celui déjà cité du 7 juin 2013, avec une sorte d’avant-propos le 13 mai 2013). Celui-ci confirme l’orientation de type transmutante du groupe. Il est donc beaucoup question, ces derniers temps, des projets Google dans le cadre d’un monde “remasterisé” ou “rematricé”, en même temps que sont mis à nu les liens entre Google et quelques amis du même acabit avec la NSA. Tous ces événements, qui surviennent en parallèle, ont la curieuse allure d’une objective connivence chronologique sans nécessité de complot comme explication, c’est-à-dire qu’ils témoignent d’un affrontement en cours entre d’une part les forces du Système (Google + NSA) cherchant une rupture décisive de l’équilibre de la civilisation, ou de ce qu’il en reste, par une modification structurelle non moins décisive du sapiens, et d’autre part des forces de résistance à cette poussée. Un aspect remarquable qu’on retient de l’“ambiance” de l’article, c’est l’espèce d’extraordinaire innocence qui habite tous ces porte-paroles de l’inversion la plus totale que propose le Système, la façon enjouée et confiante dans le chef de ces gens de Google d’envisager cette agression finale contre ce qu’il reste de structuré dans la situation du monde. Manifestement, ils ne sont pas vraiment coupables de rien, ne comprenant pas grand'chose à la profondeur de l'agression qu'ils mènent eux-mêmes à bien, simplement emportés par leur proximité des aspects les plus pressants de déstructuration et de dissolution du Système. Les faiseurs de sapiens-Google sont eux-mêmes de la trempe dont on fait ces marionnettes, avec “puces” incorporées dans les deux lobes du cerveau.

Cet activisme de Google dans le contexte général de la crise Snowden/NSA, ou le développement de la crise Snowden/NSA dans le contexte de l’activisme de Google c’est selon, nous indique sans nul doute que nous nous trouvons proches d’un point critique, peut-être un point de fusion de la crise d’effondrement du Système. Les dynamiques en cours, qui fonctionnent très rapidement dans les deux sens (extrême surpuissance du développement des technologies transmutantes de l’information, extrême vulnérabilité de l’organisation de ce développement comme le montre la crise Snowden, équivalant à une tendance à l’autodestruction), sont dans une course extrémiste d’affrontement qui justifie cette hypothèse de l’approche d’un point critique ou d’un point de fusion.


Mis en ligne le 22 juillet 2013 à 04H33