Destin de Perle (destin de neocon)

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La nouvelle n’apporte pas beaucoup de… nouveau. Mais quoi, elle a le mérite de bien résumer les choses, de les symboliser, de leur donner leur vraie dimension, leur vraie place dans l’Histoire. Il s’agit de nouvelles de Richard Perle, qualifié dans la nouvelle de “War architect”, dont on apprend qu’il négocie un accord d’exploitation de pétrole dans la partie kurde de l’Irak et alentour, certainement à la limite de l’illégalité jusqu’à s’y ébrouer, sans doute saupoudré de diverses initiatives de corruption et de plantureuses commissions (pour l’intéressé lui-même), cela à la fureur du gouvernement irakien et avec la bénédiction du département d’Etat. Tout est dit de cette étrange époque…

Selon RAW Story du 29 juillet , relayant une nouvelle du Wall Street Journal du 29 juillet:

«Documents suggest that Richard Perle, top aide to former Defense Secretary Donald Rumsfeld, has been in talks with government officials and its Washington envoy, and Turkish AG Group International, over a plan to drill for oil near the Kurdish city of Erbil. Perle is also in talks with the oil-rich nation of Kazakhstan, whose ruler, Nursultan Nazarbayev, has been involved in a US oil bribery investigation.

»“Mr. Perle has publicly lauded President Nazarbayev as a ‘visionary and wise,’” the Journal added. (…)

»Endeavour International, based in Houston, would administer the drilling and exploration of the “K18 concession,” estimated to hold at least 150 million barrels of oil.

»The State Department recently said that it was investigating deals brokered between the Kurds and other American energy companies, such as Dallas-based Hunt Oil Company, ''infuriating'' the Iraqi government, which called such deals ''illegal attempts'' to circumvent Baghdad's authority as the Iraqi government works to pass a national oil law. Documents suggest, however, that the State Department did not object to such deals.»

“Tout est dit de cette étrange époque…”, c’est-à-dire que la chose est ainsi réduite à ses dimensions véridiques, sans compromission (!). Entre les grandioses descriptions de la guerre qu’il faut absolument lancer, la dialectique presque métaphysique qui l’accompagna, les perspectives à la fois grandioses et tragiques, comme si le destin de l’humanité s’y trouvait suspendu; et la chute, dans la crasse du pétrole chapardé, la piraterie à visage découvert, le mépris de la souveraineté, la corruption psychologique et morale, la corruption vénale; et le visage ricanant de Perle, passé des leçons de morale et de haute stratégie au panégyrique du dictateur-copain, aux affaires faites avec le clin d’œil qui va bien.

Rien de nouveau dans tout cela, disions-nous. Le caractère et les activités corrompues de Perle sont bien connus, depuis longtemps. La révérence où l’on tint ses avis stratégiques, les dissertations philosophiques faites autour des conceptions des néo-conservateurs qui secouèrent nos intellectuels européens et parisiens pendant des années, tout cela est également connu. Le pire est que Perle n’est certes pas un homme sans qualité; il l’a souvent montré, et en plus auteur d’un roman à clef décrivant sa propre aventure bureaucratique du temps où il avait des convictions, fin gourmet et excellent cuisinier, appréciant la cuisine française et s’étant réservé une résidence secondaire en Provence. Le pire est aussi que ces contrastes de Richard Perle, terminant dans les arrangements affairistes et la piraterie entre copains internationaux, sont illustratifs, rien de plus. Le dérisoire de cette époque qui s’en tient aux apparences se mesure aux contrastes effrayants entre des événements considérables et décrits comme devant bouleverser l’Histoire, et la petitesse des actes, – la médiocrité de ce qu’il reste des intentions une fois que la fumée est dissipée. Finalement, c’est bien ceci qui restera; cette époque énorme et tonitruante, à l’image de la civilisation dont elle prétend être l’exaltation, se réduisant à des combines de brigands sans honneur ni dignité, avec des destins qui auraient pu être honorables et qui s’arrangent d’une indignité sonnante et trébuchante. C’est la “crise systémique” par-dessus toutes les autres, expliquant toutes les autres.


Mis en ligne le 31 juillet 2008 à 06H41