Déroute(s) au pas cadencé

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Principalement, il s’agit de deux déroutes, successivement (pour suivre l’ordre de préséance qu’affectionne le Système), celle d’Obama et celle de Gates.

• Celle d’Obama est la plus grotesque. Lorsqu’il reçoit le Premier ministre israélien, vendredi dernier, BHO vient de prononcer un discours sur le Moyen-Orient, qu’il a voulu “historique” (un de plus) et qui s’effacera dans la banalité, où il entendait tout de même rappeler que la paix entre Israël et les Palestiniens devait se faire selon le tracé des frontières fixé en 1967. Netanyahou, dit Bibi, ne l’entendit pas de cette oreille et, ce même 20 mai 2011, après sa rencontre avec BHO, le dit clairement lors de la conférence de presse commune.

Deux jours plus tard, BHO fit son discours habituel devant le congrès du Lobby (l’AIPAC) et pratiqua une très remarquable retraite qui doit être perçue comme une déroute. Jason Ditz, de Antiwar.com, observe le phénomène, ce 22 mai 2011, et note la grande satisfaction de Bibi. Ditz observe : «The comments were, by and large, a dramatic backpedal from the previous speech, declaring his undying support for Israel and promising that his mention of the 1967 borders didn’t really mean a literal end to the occupation of the lands Israel conquered in 1967…»

Est-ce le résultat du seul caractère de BHO, cette capitulation devenue déroute, ou bien avec un peu d’aide du “Raspoutine de la Maison-Blanche” ? C’est le surnom que Aljazeera.net donne à Dennis Ross, dans un article de ce 21mai 2011, sur le manipulateur en chef, pro-israélien (plus extrémiste que Bibi), en place auprès d’Obama. Le New York Times publie, ce 21 mai 2010, un article inhabituellement “franc” sur les pratiques de Ross. Aljazeera.net se réfère également à quelques remarques d’un article de Maannews.net (agence installée à Tel Aviv), du 18 mai 2011, à partir de confidences d’un ancien conseiller politique d’Arafat. On y apprend que l’activisme impudent de Dennis Ross est une des raisons de la démission de Georges Mitchell, l’envoyé spécial du président au Moyen-Orient : Bassam Abu Shareef «added that Mitchell believed Ross was working against US interests. The official paraphrased comments he said were made by Mitchell during a meeting, where he asked: “How can Dennis Ross assist in the peace process when he refuses to meet with the Palestinians, when he despises their leadership and hates their president?”»

• Le discours de Robert Gates, hier à l’Université Notre-Dame (voir Jason Ditz, de Antiwar.com, le 22 mai 2011), est l’avant dernier du secrétaire à la défense, selon son calendrier officiel. On sait désormais que Gates quitte le Pentagone fin juin, et qu’il lui reste sur son agenda son discours d’adieu. Dans le discours de Notre-Dame, qui fait déjà figure de développement de sa vision du legs qu’il laisse au Pentagone, Gates a appelé à maintenir les dépenses de défense à leur plus haut niveau, notamment à ne pas les réduire pour permettre de réduire la dette du gouvernement. Ditz rapporte ceci qui traduit la logique du secrétaire à la défense : «Gates conceded that the mounting national debt “could develop into a deep crisis” but insisted that it was vital to maintain spending to ensure that the US military is able to extend its reach globally, and to ensure that the US military is superior to any adversary.» La démarche de Gates constitue une capitulation complète, dans l’esprit de la chose, par rapport à ses ambitions lorsqu’il s’attaqua à une réforme du Pentagone (voir au 18 mars 2009) ; dès l’année dernière (voir le 11 mai 2010), il apparaissait évident que la défaite de Gates était inévitable. Son discours de Notre-Dame, en faisant sien les arguments les plus grotesques du complexe militaro-industriel, transforme sa défaite en déroute. L’Histoire oubliera vite Robert Gates pour ne se souvenir que d’une victoire supplémentaire du Système.

Il s’agit en effet d’attitudes de systèmes, et donc de déroutes de système. Observer, comme le fait Gates, que la dette du gouvernement peut conduire à “une crise très profonde” et poursuivre en laissant entendre que le Pentagone n’en a pas grand’chose à faire et entend continuer à obtenir ses $700 milliards et plus par an (pour les résultats qu’on connaît, mais qu’importe…) ; ou bien, annoncer qu’il faut faire la paix entre Israël et les Palestiniens selon “les frontières de 1967”, pour ajouter deux jours plus tard que cela “ne signifierait pas littéralement la fin de l’occupation” par Israël des territoires occupés depuis 1967, sans le moindre souci, ni de la cohérence du propos, ni du niveau d’intelligence de ses auditeurs, – voilà précisément des attitudes “de système”, où la logique, le jugement le cèdent à la pression de la puissance du Système. Tous ces gens sont totalement impuissants devant les pressions de la nébuleuse du Système, qui réclame partout la satisfaction de l’“idéal de puissance”, par tous les moyens de coercition possible, avec tout le poids des instruments du technologisme, soutenu par toutes les capacités concevables de l’influence subversive. Personne, parmi tous ces responsables, n’est capable de dire où tout cela conduit parce que nul n’en sait rien, et le Système en premier dont la logique n’est que celle du développement absolument aveugle de sa puissance.

A ce degré de nihilisme de la politique et d’aveuglement du personnel politique, les habituels arguments sur les influences parcellaires, les manipulations des uns et des autres, les “marionnettes” de ceci ou de cela, ne sont plus que les produits de réflexions basses et d’observations nécessairement parcellaires. La vérité est que les diverses situations décomptées ici et là, d’un Ross-Raspoutine aux pressions du complexe militaro-industriel, ne sont que les courroies de transmission de la pression générale et évidemment nihiliste du Système. Il est absurde de penser que les directions politiques n’ont plus de pouvoir ou qu’elles sont entièrement manipulées. Elles ont un réel pouvoir et les manipulations diverses finiraient par s’annihiler les unes les autres pour qui saurait y faire, sans trop de difficultés. Les directions politiques, particulièrement celle des USA, sont à la tête des réactions d’obédience et de soumission que manifestent les élites en place à l’égard des pressions du Système. Le sapiens n’a pas souvent été, dans sa piètre histoire, si complètement le prisonnier des forces monstrueuses qu’il a déclenchées, qui sont regroupées dans le Système, qui continuent à suivent implacablement la logique nihiliste de leur puissance.


Mis en ligne le 23 mai 2011 à 09H56